Les opérations de promo - 50% sont-elles adaptées à la restauration ?

28 Septembre 2011 - 3768 vue(s)

Chronique de Thierry Poupard

Vendredi 23 septembre (jour de la « Fête de la Gastronomie ») mes outils de veille me font parvenir une offre de Groupon pour deux menus chez McDonald’s au prix de 11 € au lieu de 22,80 dans six établissements parisiens. Vous connaissez, avez eu des échos ou entendrez parler de Groupon, société leader des opérations d’achats groupés de consommateurs dont chaque offre, assortie d’une réduction de prix de 50% minimum, doit être souscrite dans la journée par un grand nombre de personnes et est à faire valoir dans les six mois. L’objectif étant de faire découvrir un lieu à de nouveaux clients et d’augmenter ainsi sa fréquentation.

Dès novembre 2010 j’avais alerté les restaurateurs des risques inhérents pour leur activité s’ils étaient tentés par l’aventure. Depuis lors, j’ai écrit d’autres articles et j’ai même rencontré des responsables de la société. Aujourd’hui, je vois que McDonald’s s’y met et comme certains peuvent s’imaginer que si c’est bon pour le leader mondial ce doit être bon pour eux, je réitère mon alerte. 

La première est que Groupon est la startup qui a connu la croissance la plus rapide de l’histoire et que sa valorisation est énorme (20 milliards selon La Tribune – 15/09/2011). Elle est puissante et son approche commerciale est réputée plutôt musclée. La seconde raison est que le segment de la restauration économique, du snacking est désormais dans la cible de Groupon et que, si vous êtes à la tête d’un établissement de taille importante ou d’une chaîne vous serez démarché un jour ou l’autre.

Une chose certaine est que Groupon a une image négative, une mauvaise réputation à la suite de nombreuses déconvenues de clients mais aussi et surtout à cause de conséquences financières désastreuses pour un nombre relativement important de commerçants aux Etats-Unis, en Grande Bretagne, en Belgique, en France... Et une enquête très récente plutôt positive, publiée par L’Expansion, révèle que seulement 14% des restaurants estiment avoir gagné de l’argent avec Groupon.

En effet, le principe consiste à proposer un produit, en l’occurrence un repas, un menu ou une formule avec une réduction minimum de 50% pour parvenir à un prix de vente attractif pour le consommateur, prix sur lequel Groupon va prélever une commission de 30 à 50% selon les cas. Si un trop grand nombre de bons est souscrit, le manque à gagner se transforme alors en lourde perte. Pour les commerces pratiquant des taux de marge élevés, avec de gros coefficients multiplicateurs, ça peut passer et ce peut même être une opportunité. Comme dans le prêt-à-porter pour déstocker les invendus avant l’arrivée d’une nouvelle collection.

Mais en restauration, la marge opérationnelle est faible et, surtout, les charges variables (coûts matières principalement) augmentent proportionnellement aux ventes. Dès lors que le prix de vente d’un repas est amputé de 75% je vous laisse faire le calcul pour savoir combien de repas « à prix normal » seront nécessaires pour compenser la perte. Quatre si le prix normal de 10 € avec une marge opérationnelle de 15%. L’unique moyen de rendre l’opération économiquement viable serait de pouvoir réguler le nombre de visites des clients porteurs du coupon Groupon par jour et sur la période, ce qui est possible dans la restauration gastronomique ou l’hôtellerie par le système de réservation, mais pas dans la petite restauration ou la restauration rapide. Par ailleurs, l’offre de McDonald’s porte sur des repas complets, boisson, dessert et café compris. Le client ne commandera rien de plus. A leur place, j’aurais fait une offre sur le menu de base, burger, frite et boisson pour avoir une chance que le client achète un ou deux produits complémentaires au prix normal, redressant ainsi la marge.

Une promotion Groupon va donner de la visibilité à l’établissement pendant une journée auprès des milliers d’internautes abonnés à la newsletter quotidienne ou inscrits sur leur page Facebook, certes, mais elle n’est absolument pas mesurable. Par ailleurs, une telle opération représente un coût d’acquisition très élevé d’un nouveau client (ce qui est facile à calculer) avec très peu de chances de le voir revenir (ce qui est impossible à mesurer). La motivation du client Groupon est le prix, c’est lui qui guide sa démarche et lui fait prendre la décision de souscrire à l’offre, nous sommes donc dans un processus aux antipodes de la fidélisation.

En conclusion je dirais qu’il est vital, plus encore que pour n’importe quelle promotion, de réaliser diagnostic, analyse et simulation de la façon la plus rigoureuse préalablement à une décision pour éviter toute déconvenue. Comme cela est rarement fait, je ne recommande pas aux restaurateurs, sauf exception, de réaliser une opération avec Groupon. 

www.service-attitude.com 

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