Il faut le reconnaître, l’intention était louable : identifier les restaurateurs (et tous les restaurateurs) qui réalisent sur place une cuisine d’auteur à base de produits bruts n’ayant subi aucune modification et permettre au consommateur d’y voir plus clair. Mais le projet s’est vite confronté à ses contradictions et le décret d’application qui vient d’être publié le 13 juillet dernier l’illustre avec brio.
Plusieurs points d’un décret finalement pernicieux méritent clairement débat. Pourquoi dans un plat « fait maison » autoriser tous les produits épluchés, pelés, tranchés… et exclure comme par hasard les pommes de terre ? La réponse est limpide : pour écarter la restauration rapide et les fast-foods. Et la secrétaire d’Etat au Commerce et à la Consommation Carole Delga d’enfoncer le clou (pour ceux qui ne l’aurait pas compris) : « que les frites surgelées par exemple ne pourront pas entrer dans le décret. Cela signifie que celles des fast-foods, ne pourront pas être considérées comme des frites faites maison, tout comme leur sauces qui arrivent toutes prêtes ne seront pas considérées comme faits maison ». Il faudra qu’on m’explique quand la restauration rapide a-t-elle revendiqué l’appellation « fait maison » pour ses frites surgelées ou ses sauces. Et n’a-t-on pas précisé aux autorités chargées de pondre les décrets, circulaires et autres arrêtés, voire de conseiller nos gourvernants que les restaurateurs traditionnels qui coupent encore leurs frites ne sont plus légion mais qu’a contrario de en plus en plus de restaurateurs « rapides » s’y sont convertis. Ainsi, on en arrive à un décret qui finit par exclure la pomme de terre même fraîche épluchée et taillée réceptionnée par le professionnel (si l'on s'en tient stricto sensu au texte) sous prétexte qu’on veut écarter les frites surgelées, et à travers elles les « fast-foods » alors que tous les autres légumes et produits brut reçus réfrigérés ou congelés, surgelés et conditionnés sous vide peuvent entrer dans le cadre d’un plat estampillé « fait maison ».
Quant aux sauces qui arrivent toutes faites citées par la secrétaire d’Etat à l’AFP, il ne m’appartient pas de juger ou de prendre parti pour tel ou tel acteur qui les fabrique ou qui les utilise. Sauf qu’on ne peut pas prétendre défendre, « la reconnaissance de l’acte de cuisiner par rapport à une cuisine d’assemblage » et dans le même décret autoriser, dans un plat « fait maison », l’utilisation des fonds blancs, bruns et fumets (sous réserve d’en informer le consommateur, indique le décret) voire même de pâte feuilletée crue surgelée. Et que dire de cette ambiguïté encore plus flagrante du point III de l’article D. 121-13-I qui indique qu’un plat composé d’un produit non mentionné dans la liste des produits « autorisés » peut être présenté dans un plat « fait maison » dès lors que la marque du produit ou le nom du professionnel qui l’a fabriqué est expressément indiqué.
Moralité, d’une volonté de clarté et de transparence vis-à-vis du consommateur, on aboutit à une loi qui crée la confusion et ne va certainement pas faciliter la lecture des cartes des restaurants. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est certainement pas la restauration rapide trop facilement stigmatisée qui risque d’être dérangée (alors que de plus en plus de ces restaurateurs font du 100% maison et que la rapide assume déjà depuis longtemps ses choix), mais davantage cette restauration indépendante intermédiaire, voire supérieure qui revendique une certaine tradition, mais qui a fait des choix d’approvisionnement et devra les assumer.
Paul Fedèle, Rédacteur en chef de France Snacking
@FEDELEPaul
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