Que penser de l’opération Courtepon - Groupaille ?

23 Juillet 2014 - 5141 vue(s)

Le 7 juillet Groupon a lancé une offre pour la chaîne Courtepaille proposant 50% de réduction sur toutes les grillades et un apéritif offert par personne en achetant un bon à 1€. Au bout de deux semaines, le 21 de ce mois, l’offre a été souscrite par 120 500 acheteurs. Gros succès !

Cela fait des années que Courtepaille propose des réductions périodiques  de 50% sur les grillades - dénommées GAGO (une Grillade Achetée = une Grillade Offerte) en interne - valables dans tous les restaurants de la chaîne, mais de façon plutôt mesurée. Là, c’est la grosse cavalerie, mais avec une restriction de taille : l’offre n’est pas valable dans les restaurants d’autoroutes. Dommage, c’est là où se trouvent tous les clients potentiels de la chaîne en cette saison.

Et puis, compte tenu du nombre de souscriptions à ce « deal », on peut se poser quelques de questions : 

  • Toutes les promotions en restauration via Groupon se font dans des restaurants avec service à table et exclusivement sur réservation afin de pouvoir réguler le flux des chasseurs de primes par jour et par service. Or, chez Courtepaille il n’y a pas de réservation en temps normal et pas plus pour cette offre. Quid de la gestion de l’affluence des porteurs de coupons ? 
  • Groupon insiste beaucoup sur le bénéfice notoriété que ces opérations apportent au restaurant. Vrai ou pas, pour Courtepaille, cet avantage est inexistant. Pas plus que l’argument d’une hypothétique fidélisation des clients qui auront découvert l’enseigne grâce à la promotion. Quel sera leur comportement lorsque les grillades reviendront à leur prix normal ?
  • Quelle va être la réaction des clients fidèles qui ne sont pas au courant de cette promotion lorsqu’ils vont voir tous leurs voisins payer moitié prix avec leurs coupons ?
  • L’accueil et la qualité de service ne vont ils pas être fortement affectés lorsqu’un grand nombre de détenteurs de coupons vont se présenter dans un restaurant en même temps ?
  • Quelle réflexion peut se faire un client sur cette chaîne qui se permet de vendre pendant deux mois toutes ses grillades à moitié prix, alors que les medias ne cessent de rabâcher que le secteur se porte mal.
  • Et quid de la rentabilité de cette opération ? 120 500 ventes à moitié prix vont assurément générer du chiffre d’affaires additionnel, mais il est douteux que cela puisse améliorer les revenus. Bien sûr, les boissons et les desserts ne seront pas bradés, mais ils ne compenseront pas la perte de marge brute sur le produit principal.

Personnellement je suis Groupon depuis son arrivée en France, je reçois quotidiennement 4 alertes, j’ai écrit de nombreux articles dont celui-ci sur les promotions dans la restauration pour alerter la profession sur les dangers de telles opérations. Depuis, Groupon a mis beaucoup de souplesse dans son système et de plus en plus de restaurateurs indépendants sont séduits et quelques chaînes comme Léon de Bruxelles ou Flunch qui ont fait des promotions Groupon au printemps de cette année.

En ce qui concerne le secteur de la restauration rapide, à ma connaissance, seul un franchisé McDonald’s de l’est de Paris a osé une opération Groupon dans ses restaurants en septembre 2011. Il n’y a jamais eu de suite. C’est l’absence du filtre des réservations qui rend  l’opération Courtepon – Groupaille remarquable car elle ouvre la porte aux promotions massives à tout le secteur de la restauration, snacking compris. Malheureusement, nous ne connaitrons jamais les vrais résultats…

Thierry Poupard est consultant spécialisé dans le marketing de restauration, enseignant de Restaurant Marketing à l’école Le Cordon Bleu. www.service-attitude.com 

Commentaires (2)
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Par GG la frite le 12/08/2014 à 11:33
excellent article, seriez vous tenté de faire un parallèle avec les centrales de réservation hôtelières???
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Par Thierry Poupard le 01/09/2014 à 18:43
Merci "GG la frite". Pas facile de faire un parallèle avec les OTA qui peuvent gérer plus de 70% des réservations de certains hôtels qui perdent totalement la main, ce qui n'est pas (encore) le cas pour les restaurateurs qui décident du nombre de couverts qu'ils confient à La Fourchette ou autre, par jour et par service. Après se pose la question du tarif pratiqué par l'hôtel et par l'OTA, gros point de discorde actuel... Concernant le sujet, Groupon, des hôteliers (moins que les restaurateurs) font des opérations de promo avec cette plateforme, mais, comme un hôtel ne peut fonctionner que par réservation, cela leur permet de réguler les porteurs de coupons comme je l'ai expliqué dans mon article. Filtrer ces consommateurs, les répartir dans le temps par la réservation est le seul moyen de ne pas se laisser déborder par les chasseurs de primes infidèles.
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