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Allons-nous connaître une désindustrialisation du burger?

4 Février 2015 - 4527 vue(s)

McDonald’s aux Etats Unis a connu une baisse de chiffres d’affaires historique de 2,4%. Malgré des économies sur l’expansion, une simplification de la carte, plus de liberté pour les franchisés, une réduction des investissements, rien n’y a fait et Don Thompson, P-DG depuis moins de trois ans, a été remercié. Son successeur sera le 3è en moins de dix années, signe d’une fébrilité certaine. 

Paradoxalement, il a été consommé pas moins de 9 milliards de burgers aux Etats Unis l’an passé (NPD), ce qui fait une moyenne de 28 burgers par habitant de plus de 15 ans, le double de la France. Et par rapport à 2013 la consommation de ce produit a progressé de 3% aux Etats Unis et sans doute plus encore dans l’hexagone. Mais ce ne sont pas les opérateurs historiques qui ont généré cette hausse ou en ont bénéficié : probablement une croissance négative pour McDonald’s, un CA en baisse de 4% chez Quick et Burger King qui est bien en deçà de ses objectifs d’expansion avec 13 restaurants ouverts contre les 25 annoncés tambour battant pour la fin 2014, même si le succès de certains points de vente ne se dément pas.

 

Il se passe un phénomène assez rare dans l’alimentation hors domicile : un produit est en train de transiter d’un segment de marché à un autre, du fast food industriel au fast casual et à la restauration traditionnelle. Des chefs étoilés s’y sont exercés, le burger est présent sur toutes les cartes de brasseries et de restaurants classiques, il est le produit fondateur des food trucks et de ces nombreuses jeunes enseignes et chaînes montantes du nouveau segment « gourmet burger ».

Ce glissement du hamburger du statut de produit de masse à celui de produit frais et fait maison était inimaginable et totalement indétectable il y a encore quelques années. Le burger est devenu un mutant ! Dommage que le phénomène soit difficilement mesurable en nombre de clients abandonnistes du segment historique au profit du nouveau. Pas plus que la quantification du nombre de gens qui, n’ayant jamais consommé de hamburger, s’y adonnent désormais grâce à cette offre nouvelle.

Malgré, ou plutôt à cause de la croissance soutenue de sa consommation, il n’est pas interdit de penser que le burger puisse arriver à une certaine saturation. Je l’avais évoqué dans cet article qui imaginait que le burger pourrait s’autodétruire, ou dans un autre où il était question que le produit  atteigne une asymptote, comme les pâtes à emporter ou les sushis ?

Enfin le fléchissement des grandes chaînes de burgers ne s’explique pas uniquement par le succès des nouveaux entrants. Il y a fort à penser que les multiples campagnes anti-malbouffe, la prise de conscience de la nécessité d’avoir une alimentation saine et équilibrée, la lutte contre l’obésité (cheval de bataille de Michèle Obama) ou encore le poids grandissant du bio provoquent un détournement de clientèle, aux Etats Unis comme en France ou ailleurs, au profit des chaînes nutritionnellement correctes que sont celles de fast casual par exemple.

Et le dernier buzz de la fin janvier à propos de quatorze ingrédients pour le moins suspects contenus dans les frites du N°1 mondial du hamburger ne vont pas rendre les débuts faciles à son nouveau P-DG. C’est parce qu’il s’inscrit dans des tendances fortes et durables que le burger artisanal de qualité a du succès, mais il n’est pas prouvé que les opérateurs historiques ne réagissent pas ou que les rayons des supermarchés en proposent chaque jour un peu plus. S’agissant de produits tout droit sortis d’usine, fabriqués en grande quantité et vendus pas chers, la désindustrialisation du burger n’est sans doute pas pour demain.  

 

Thierry Poupard

Consultant spécialisé dans le marketing de restauration www.service-attitude.com

Enseignant de Restaurant Marketing à l’école internationale Le Cordon Bleu  

 

 

 

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