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VICTOR & Compagnie, un boulanger engagé qui lève 700 K€

22 Janvier 2018 - 11688 vue(s)
Quel meilleur exemple que Christophe Girardet, cet artisan boulanger lyonnais à la tête de 3 boutiques (1,8 M€ de CA) qui, à la faveur d’une levée de fonds de 700 K€ réalisée auprès de Extendam, décide d'aller de l’avant pour défendre sa vision d’un métier en pleine mutation. Militant d’un sourcing de proximité en filière courte à travers l’association Robin des Champs qu’il a créée avec 6 producteurs de blé local, il veut faire grandir ses idées. Il croit notamment en une hybridation de plus en plus marquée de la boulangerie qui passe par un snacking boulanger aujourd’hui incontournable. A quelques jours d'Europain, il explique à snacking.fr, ses choix et ses orientations.

Qui est VICTOR & Compagnie et quelles sont ses ambitions ?

VICTOR & Compagnie, c’est aujourd’hui deux boulangeries traditionnelles aux abords de Lyon à Craponne et l’Arbresle et une à la Croix-Rousse que nous avons créées avec ma femme Nathalie. Près de 3 000 baguettes sortent tous les jours de nos 3 affaires, mais aussi des buns pour le Hard Rock Café lyonnais ou encore pour la chaîne Burgers de Papa. Depuis novembre 2017, la célèbre Brasserie Georges à Lyon nous a confié la fabrication de ses pains de seigle, campagne et miche. Une belle reconnaissance alors que leur volonté était clairement de monter en gamme et de miser sur la transparence et le local. VICTOR & Compagnie est à la fois notre vitrine, notre laboratoire et notre bras armé pour exprimer la manière dont nous voyons la boulangerie d’aujourd’hui, authentique et engagée. Un métier en mutation et en plein questionnement qui doit, face à la concurrence de plus en plus vive, se réinventer, se renouveler, se diversifier, sans jamais oublier qui elle est : un commerce artisanal et de proximité.

Pourquoi se renouveler et s'engager ?

Ecouter le marché, c’est consentir à faire évoluer son offre pour s’adapter aux nouvelles attentes exprimées par les consommateurs. Christophe Girardet, VICTOR et Compagnie. Et cette transformation passe dorénavant par l’hybridation de nos métiers, j'en suis convaincu. Le snacking boulanger est aujourd’hui partie prenante de notre profession. Ceux qui ne veulent pas l’entendre se coupent d’une vraie réalité. Il y a 5 ans, je défendais l’idée qu’un boulanger n’était pas un cuisinier ; aujourd’hui j’envisage sérieusement d’embaucher un profil cuisinier pour nous aider à construire une offre traiteur. Une nécessité pour répondre au syndrome du frigo vide le soir avec des plats à emporter, mais aussi pour muscler notre restauration boulangère du midi. Nos maisons doivent plus que jamais être des lieux de vie, capables d’accueillir nos clients toute la journée également à table avec une offre suffisamment large pour se positionner dorénavant sur tous les moments de la journée, du petit-déjeuner au dîner. Le métier est aussi l’un des premiers porte-drapeaux de notre artisanat français et nous devons le rappeler. Fier de mon terroir lyonnais et très attaché à la transparence, il m’a semblé comme un devoir de le traduire dans les actes. Aux côtés de 6 agriculteurs-céréaliers, nous avons créé l’association Robin des Champs, sélectionné et assemblé 3 variétés de blé écrasées à l’aide d’un meunier du coin.  Unique en France, cette filière courte et locale, à l’échelle de notre territoire régional me permet aujourd’hui de fabriquer mon pain avec des farines de tradition française et de rémunérer les producteurs à la juste valeur. C’est dans le même esprit que je conserve un ancrage local pour les produits maraîchers qu’on retrouve dans les salades ou les yaourts et autres produits laitiers pour les desserts.

Pourquoi cette levée de fonds et quels sont vos projets ?

Je m’ennuie dans le quotidien, je suis curieux et je ne me lasse pas de parcourir les salons et les rendez-vous professionnels. Pour passer à l’étape supérieure, aller jusqu’au bout de mes idées et me permettre de tester, créer, innover. il nous fallait donc des moyens supplémentaires. D’où cette décision, avec Nathalie, d’ouvrir notre capital à hauteur de 30 % à quelqu’un qui partage nos valeurs, notre ambition et notre façon de voir les choses. Une confiance que nous avons accordée à l’équipe d’ Extendam, une société de gestion constituée d’investisseurs privés qui placent leur capital en défiscalisation dans des entreprises françaises. Cet apport va nous permettre d’actionner le levier bancaire pour nous développer et accéder à cette taille critique nécessaire. Nous n’avons pas l’obsession du nombre même si une dizaine d’adresses à 5 ans est tout à fait réalisable, en propre, en croissance externe, en franchise ou en licence de marque. La modernisation de notre outil est aussi à l’ordre du jour dans notre laboratoire de Craponne de 700 m² pour faciliter le travail de nos collaborateurs. Enfin, l’idée de créer une boulangerie « Incubateur » est un autre projet qui me tient vraiment à cœur. Un lieu de type pop-up qui hébergerait des jeunes porteurs de projet et leur servirait de tremplin pour entreprendre. Le partage de savoir est au cœur de notre philosophie à l’image d’une culture forte d’entreprise que nous transmettons à nos équipes aux côtés de la société The Goût Job qui nous accompagne. Enfin, l’heure des changements va aussi sonner pour VICTOR & Cie qui devra demain, par son décor, par sa signalétique et ses messages renvoyer de manière plus lisible encore l’histoire que l'on est en train d’écrire.Un chemin qui passera forcément par la modernité et le digital face aux jeunes générations qui seront nos clients de demain. Christophe Girardet, VICTOR et Compagnie.

 

Paul Bocuse nous a quittés samedi 20 janvier. Un mot sur la disparition du grand chef emblématique que vous admiriez ?

L’Auberge de Collonges a jalonné ma vie, mon père nous y a emmenés dès notre plus tendre enfance, pour fêter des événements…ou pas.  Nous avons fêté les 10 ans de ma fille Deborah là-bas... Il était toujours là pour une photo, une main sur l’épaule... J’ai des souvenirs de plats, d’odeurs... Professionnellement il m’a montré la voie de l’excellence et la possibilité de réaliser nos rêves. Avec son « bac d’eau chaude et bac d’eau froide », il nous a prouvé, à nous petits détenteurs d’un CAP de pâtissier, que nous pouvions imaginer notre avenir en grand avec un grand G. J’ai compris au fur et à mesure de mes rencontres avec lui, que si j’étais très bon dans mon métier cela pourrait m’ouvrir des portes et des frontières. Il venait de temps en temps boire le café quand nous étions à Rillieux, le samedi matin. J’avoue que je ne cachais pas ma fierté de le recevoir et de l’entendre me féliciter pour la qualité de nos produits et notre belle boulangerie. Je me rappelle aussi ses conseils éclairés et bienveillants quand nous avons fait notre Croisière Gastronomique avec Michel Roth et toute la fine équipe. Et qu’il a fallu que je fasse 700 croûtes de feuilletage pour les soupes VGE que nous avons servies. Que de souvenirs qui resteront, à jamais, gravés dans ma mémoire.

 

Christophe Girardet interviendra sur le Forum du salon Europain qui se tient du 3 au 6 février prochain à Paris-Nord Villepinte. Le dimanche 4 février à 10 h sur le thème "Produire local" et le même jour à 14 h 05 sur le thème "Pain & Nutrition".  

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