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SIAL 2018 : #VertLeFutur du foodservice. Que mangerons-nous demain… et en 2030 ?

1 Novembre 2018 - 6236 vue(s)
Le SIAL vient tout juste de fermer ses portes après avoir accueilli 310 000 acteurs de la filière food, 7 200 exposants et 650 startups issues de la foodtech. C’était aussi l’occasion de s’inspirer et de voir plus loin, jusqu’en 2030, en visitant le « Future Lab », un tunnel immersif et expérientiel. Réalisé en partenariat avec Céline LAISNEY, du cabinet AlimAvenir, expert en veille alimentaire, selon l’étude prospective sur les grandes tendances du Food en 2030. Nous recevons, aujourd’hui, Céline, afin de nous éclairer sur les grandes tendances qui dicteront le monde de l’alimentation de demain…

Pourriez-vous nous présenter le cabinet AlimAvenir ?

J’ai la conviction que l’on ne saurait se nourrir sans se faire du bien, sans plaisir et sans considération pour la planète compte tenu des défis futurs qui s’annoncent pour l’humanité. Céline LAISNEY.

Je suis la fondatrice d’AlimAvenir, un cabinet de veille et de prospective sur les comportements alimentaires et les innovations food créé en 2013, et responsable du club Vigie Alimentation au sein de Futuribles International. Ce club réunit une trentaine de groupes de l’agroalimentaire et de la distribution, ainsi que d’autres organismes (centres de recherche, pôles de compétitivité, interprofessions, etc...) pour réfléchir, collectivement, à l’avenir du système alimentaire. Cette année marque la création de l’Etude Vigie Alimentation 2018, le fruit d’une année d'investigation et des nombreux entretiens effectués avec les acteurs et les experts du secteur. L’objectif est d’identifier les 10 transformations majeures du système alimentaire mondial avec des focus sur les pays émergents mais aussi sur l’évolution des pays développés et analysés avec le recul nécessaire pour préparer 2030 et s’inscrire également dans l’avenir de l’alimentation, dès aujourd’hui. Il s’adresse aussi bien aux producteurs qu’aux industriels, mais aussi aux distributeurs et aux restaurateurs afin de mesurer l’impact de leurs innovations et savoir si elles vont dans le bon sens, au-delà de l’effet de mode et de la recherche du fameux buzz.

Comment avez-vous travaillé spécifiquement sur ce projet du Future Lab avec le SIAL et quel en était l’objectif ?

L’objectif de ce tunnel immersif, spécialement aménagé pour le SIAL, était de proposer au visiteur un éveil ludique afin d’identifier les 4 thèmes des grandes tendances du Food en 2030 : quelles protéines alternatives à la viande traditionnelle allons-nous consommer ? Alimentation et Santé : vers des produits sur-mesure pour chacun d’entre nous ? Robots et Intelligence artificielle : qui sera réellement le Chef demain ? Ou bien encore : l’obligation de transparence et de traçabilité en alimentation comment s’y préparer ? J’ai donc travaillé sur la scénarisation des futurs possibles de manière à provoquer la réaction des visiteurs, la curiosité, l’échange et le questionnement, le tout mis en scène à l’aide de vidéo-projections, d’hologrammes 3D, de mapping digital, d’infographies, mais aussi d’affiches publicitaires de 2030 qui intègrent la réalité augmentée et virtuelle… Ce fut un exercice très agréable à réaliser que d’apporter une vision futuriste comme si on se baladait en temps réel, dans l’avenir, je me suis inspirée de nombreux scénarii de science-fiction et dont il est vrai, je suis fan !

Voici le film présenté aux visiteurs du SIAL PARIS 2018 dans le cadre du projet FUTURE LAB.

L’humanité est face à un nouveau défi : celui de nourrir 9.8 milliards d’individus en 2050. Serons-nous tous flexitariens, demain, par la force des choses ?

Les protéines végétales : ces produits développés à partir de légumineuses par Hari&Co.

La réponse est plus complexe qu’il n’y paraît ! Tout dépendra de la manière dont les pays comme la Chine, le Brésil mais aussi surtout l’Afrique, en accédant à un niveau de vie comparable aux pays occidentaux, grâce au développement économique, vont se comporter quant à leur consommation de viande animale. Mais les signaux adressés par les gouvernements de ces pays sont bons. Ainsi, les millennials aisés de Pékin et Shanghai sou­haitent à présent réduire leur consommation de viande, et le gouverne­ment chinois a encouragé la population à diminuer celle-ci de moitié, pour des raisons de santé publique. De même, l’activisme des associations, au Brésil, laisse à penser que le végétarisme pourrait s’y diffuser plus largement. De plus, les informations adressées sur les réseaux sociaux, qui intègrent déjà une consommation de protéines alternatives à la viande traditionnelle, influencent considérablement ces populations qui voyagent de plus en plus et démontrent, images et preuves à l’appui, des démarches différentes dans la manière de s’alimenter en intégrant des protéines de substitution et/ou végétales en remplacement de la viande. Le flexitarisme tend donc à se développer sur toute la planète, simultanément, au-delà du végétarisme et du véganisme qui ne concernent qu’une petite frange de la population pour des raisons avant tout socio-culturelles, idéologiques, sanitaires et/ou religieuses.

Justement, quelles protéines alternatives à la viande allons-nous manger demain et quels produits risquons-nous de trouver réellement dans notre assiette ?

La viande invitro cultivée par Memphis Meats

Le géant américain de la viande Tyson, Bill Gates, Richard Branson ou encore Cargill ont investi dans la start-up californienne Memphis Meats, qui annonce la mise sur le marché de son poulet « cultivé » en laboratoire à partir de cellules souches, pour 2021, c’est un fait porteur d’avenir… S’il vous fallait un exemple concret. Mais on ne peut que s’enorgueillir de la poussée des protéines végétales dans notre assiette et par l’intermédiaire de produits qui justement s’inspirent du snacking : il n’y a qu’à regarder le succès d’Impossible Foods, outre Atlantique qui propose un steak pour burger saignant réalisé à partir de légumes et de légumineuses. Les spécialistes de l’agro-alimentaire travaillent également sur des produits hybrides sous forme de steaks pour burgers qui comportent la viande de bœuf ou de volaille et les végétaux à part égale afin d’assurer une transition alimentaire possible et acceptable pour le consommateur, car l’enjeu est bien là : quoiqu’il arrive, c’est le consommateur qui décide de mettre un produit alternatif dans son panier pour s’alimenter au quotidien. Et il n’existe pas un profil de consommateur type mais bien plusieurs… À chacun correspondra donc une ou plutôt plusieurs alternatives, sous différentes formes : une personne très sportive qui surveille de près son apport nutritionnel au quotidien se tournera vers des poudres de protéines pour se confectionner des boissons (de type smoothie ou milkshake) en alternant ou mixant différentes protéines (de pois, de chlorelle, d’insectes, etc.) – éventuellement conçues sur-mesure en fonction de ses besoins nutritionnels propres alors qu’un bon vivant, plutôt flexitarien, privilégiera la fausse viande saignante ou la saucisse ultra-réaliste, présentées dans des plats traditionnels (choucroute, burgers, etc.) dans son alimentation traditionnelle et se fera d’autant plus plaisir en consommant une viande de qualité qu’il aura particulièrement sélectionnée, en circuit court, chez un éleveur, et de manière plus occasionnelle.

Dans cette étude, vous abordez un point sensible : celui de la robotisation de la restauration, et particulièrement pour la rapide où les robots remplaceraient le chef et le serveur. Quelle est votre point de vue sur cette question ?

Dans le nouveau restaurant Haidilao à Pékin, les robots vont prendre les commandes, préparer et livrer de la viande crue et des légumes frais aux clients dans leurs soupes... 5 000 à l'horizon.

Le life-hacking (faire abstraction des irritants du quotidien grâce au digital) est entré dans l’usage des consommateurs d’aujourd’hui, à en croire le développement des sociétés comme Meal Kit ou Blue Apron : ces sociétés qui proposent la livraison de paniers repas comprenant tous les ingrédients nécessaires à plusieurs recettes qu’il ne reste plus qu’à cuisiner une fois chez soi et à personnaliser. Si bien qu’aujourd’hui, en 2018, se faire livrer n’est plus une véritable innovation. Dans cette course folle à la performance et contre le temps qui est en train de s’organiser, pas à pas, il apparaît évident que le digital va entrer de plus en plus dans la cuisine des foyers de toute la planète, et d’autant plus dans celles des professionnels et particulièrement en restauration rapide où les tâches répétitives sont plus nombreuses que dans la restauration traditionnelle où l’expérience gastronomique et sensorielle sera, demain, l’unique manière de cultiver sa différence afin de garantir une véritable évasion au consommateur. Aux Etats-Unis, comme en France, les progrès de la robotique conjugués à ceux de l’intelligence artificielle (IA) ont donné naissance à des robots capables de réaliser des plats, ou du moins certaines tâches de préparation culinaire. La société californienne Miso robotics a ainsi créé Flippy, un « assistant de cuisine » équipé d’une caméra, de capteurs et d’un logiciel d’IA, qui peut cuire des steaks à la bonne température et peut les déposer sur des buns. Il est actuellement testé dans un restaurant de la chaîne Caliburger, avant d’être déployé plus largement. La start-up française Ekim a conçu le robot pizzaïolo Pazzi à trois bras, qui met seulement 4 minutes 30 pour préparer une pizza personnalisée. La société californienne Zume a elle aussi développé un robot pizzaïolo, et elle utilise en outre le big data et l’IA pour prévoir le nombre et le type de pizzas qui seront commandées. Et au moment même où nous nous parlons, nous venons d’apprendre que la plus grande chaîne de restaurants d’Asie s’associe à la société japonaise Panasonic Corp. pour ouvrir le 28 octobre, à Pékin, le premier restaurant au monde doté d’une cuisine entièrement automatisée et robotisée. Dans ce nouveau restaurant Haidilao, les robots vont prendre les commandes, préparer et livrer de la viande crue et des légumes frais aux clients afin de les incorporer aux soupes préparées à leurs tables. C’est un premier essai et s’il est concluant, 5 000 restaurants devraient voir le jour.

 

Quelle sera la place de l’homme dans ce nouvel univers ?

Justement, c’est une vraie question ! Comment allons-nous continuer à travailler, et quel équilibre économique allons-nous développer à l’avenir si ces scénarii se confirment ? De nombreux emplois sont en jeu ce qui devrait laisser aussi la place à de nombreuses alternatives qui s’inscriront en contrepoint à ces innovations ultra-technologiques, on peut aussi imaginer des réactions : des restaurants porteront peut-être un logo avec un robot barré pour indiquer « Ici la cuisine est faite par un humain », une autre qualification du « fait maison » ou bien encore le développement de systèmes de ventes ou de troc de conserves « faites maison » et artisanales entre particuliers, mais qui représentent des volumes marginaux par rapport aux nouveaux plats préparés industriels (de même que les disques vinyles font de la résistance face au numérique). Le « vrai » risque ainsi de se retrouver de plus chahuté à l’avenir.

Et vous, Céline, quel est votre moment snacking préféré que vous auriez envie de partager avec nous ?

J’apprécie particulièrement les apéros dînatoires entre amis ou en famille parce qu’ils permettent d’associer plaisir, convivialité et variété au centre de la table. J’ai une préférence pour le houmous qui est un incontournable à ce moment précis, et c’est aussi une protéine végétale ! Quand je dispose de suffisamment de temps, je le confectionne moi-même, et j’aime particulièrement y associer des parfums et des couleurs différents par l’apport de légumes, notamment. Sinon, j’aime beaucoup ceux de l’Atelier V, parce qu’ils sont aussi bons voire meilleurs que les miens !

C’est aussi un Snacking d’Or 2018 ! Merci beaucoup Céline, et bon appétit !

A notre avis !

Nous n’avons pas pu vous relater tous les résultats de cette étude qui comporte, 72 pages au total et que nous vous invitons à télécharger ici pour aller plus loin.

Vous découvrirez, également, comment, les aliments pourraient bien devenir nos meilleurs médicaments, au-delà des allégations santé, tout en nous prévenant, cependant, des risques du phénomène « quantified self » et du développement de ces coachs nutritionnels (Yuka, Scan-up et autres FitBit). Si l’objectif consiste à se responsabiliser soi-même en prenant garde à ingérer des aliments qui nous conviennent le mieux en fonction de notre profil génétique et de nos besoins nutritionnels liés à notre activité, afin de vivre mieux, plus longtemps et protéger son capital santé. Nul doute que la dérive et la protection de nos précieuses données personnelles sont en jeu et que nous paierons notre future mutuelle à la carte en fonction de notre prise de risques. Des possibilités offertes par le digital, à encadrer et à réglementer, par conséquent !

Vous découvrirez, aussi, comment l’ultra-transparence demandée par le consommateur risque de se traduire et touchera toute la supply chain en conséquence. Vidéo des producteurs proposées depuis le menu au restaurant ou sur le smartphone afin d’enrichir la fiche produit, informations sur la traçabilité des aliments que nous consommerons, participation à des événements portes et usines ouvertes, pêche du poisson avec les consommateurs au milieu de l’océan, risquent ainsi de se développer considérablement dans un avenir très proche grâce et avec la poussée du numérique dans notre société et des progrès technologiques offerts par la blockchain.

Et l’humain dans tout cela ? Quelle sera sa place ? Il reste donc à écrire la société que nous voulons vraiment, non ?

#InSnackingWeTrust !

N'oubliez pas d'interagir avec nous, et avec Céline LAISNEY : c'est un sujet qui vous passionne, vous aussi, non ? Laissez-nous vos commentaires.

Pascal Perriot Web Manager Suivez Pascal Perriot sur @perriot_pascal
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