FoodTech

À quelle sauce la foodtech va-t-elle nous manger cette année ? Le point de vue de DigitalFoodLab

5 Avril 2019 - 5760 vue(s)
Comment la foodtech modifie-t-elle nos modes de consommation et quelles seront les futures avancées technologiques qui vont dicter l’avenir de l’alimentation ? Des questions qui nous ramènent aux réponses se trouvant dans le tout dernier rapport de DigitalFoodLab paru en février dernier et qui fait état de huit émergences sur le marché, pas moins. Nous recevons Matthieu Vincent, cofondateur de DigitalFoodLab afin de nous éclairer sur ce secteur dynamique et qui séduit particulièrement la communauté snacking.

Matthieu Vincent, pourriez-vous nous présenter DigitalFoodLab ?

Quand nous avons créé WeCook en 2010, nous sommes entrés mes partenaires et moi-même de plain-pied dans la foodtech, par le biais de la nutrition personnalisée afin d’aider les consommateurs à créer des repas et leur liste de courses en fonction des recettes que nous leur proposions bien avant l’arrivée des acteurs d’aujourd’hui. Depuis 2016, nous nous consacrons entièrement à DigitalFoodLab après avoir conclu cette première expérience. Aujourd’hui, DigitalFoodLab étudie les startups et investissements de la FoodTech au niveau mondial pour permettre aux industriels et investisseurs de détecter et d’agir sur les prochaines opportunités et nous nous proposons d’aider les entrepreneurs, les grandes entreprises et les investisseurs à collaborer et à faire de la France le leader mondial de la foodtech. Nous sommes convaincus, au-delà de l’effet waouh des fonctionnalités que développent les startups, que l’avènement du digital permettra de nourrir convenablement les 10 milliards d’habitants que comptera la planète en 2050.

Le périmètre de la foodtech selon DigitalFoodLab
Le périmètre de la foodtech selon DigitalFoodLab

Pourriez-vous nous éclairer sur le positionnement de la foodtech française en Europe et dans le monde ?

2018 aura été une année charnière pour foodtech française puisqu’elle n'était que le quatrième pays en termes d'investissements en 2017 assez loin derrière le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Pays-Bas. Alors que les investissements ont augmenté en France, ils ont fortement ralenti à Londres et à Berlin, et, bonne nouvelle, la France gravit la première place du podium en Europe en termes d’investissements en 2018 avec près de 230 millions d'euros cumulés.

Les investissements en faveur de la foodtech en France, ont réussis à capter près de 230 M€ en 2018
Les investissements en faveur de la foodtech en France, ont réussi à capter près de 230 M€ en 2018

Paris centralise l’écosystème agroalimentaire français : ses startups ont reçu plus de 70 % des fonds répartis sur tout le territoire ! Si les startups Delivery & Retail (Deliveroo, Hello Fresh et Delivery Hero) ont réussi à collecter plus de 80 % des investissements en Europe en 2017, en France, aucun acteur ne s’est positionné sur ce segment. Au delà de l’effet de mode les investisseurs ont particulièrement misé sur le développement de la Delivery ces dernières années, place à la data et à d’autres secteurs cette année. L’écosystème français présente ainsi une répartition plus homogène axée sur le développement de la connaissance de la data et de l’intelligence artificielle, même s’il reste très difficile dans notre pays de lever de petits deals alors que c’est chose plus aisée dans les autres pays européens et dans d’autres à travers le monde. Parmi les dernières levées de fonds remarquables, celles d’Agricool, Ynsect, Tiller et Lunchr ont marqué les esprits du dernier trimestre cependant !

Votre rapport montre l’émergence de nouveaux canaux, lieux et moments de consommation. Quels exemples vont impacter le secteur du snacking en particulier ?

Nombreux sont les agrégateurs à se positionner avec succès sur ces problématiques pour améliorer l’expérience du consommateur : livraison pour le compte des restaurants (Deliveroo, Zomato et Delivery Hero), livraison à la demande pour les supermarchés dispositifs de commande automatisée avec les dashbuttons… Du côté des entreprises spécialisées dans les kits repas, sur abonnement, les choses se compliquent cependant. En cause, un client très volatile, et une logistique extrêmement coûteuse à cause de la multitude de services développés  par ces entreprises et une concurrence exacerbée.

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Mais d’autres business models se développent. Certaines jeunes pousses se sont concentrées sur la livraison de plats frais (Frichti, Freshly, Foodchéri), avec une offre B2B déjà intégrée. Malgré tout, les lignes sont en train de bouger, avec l’arrivée de plats en kits dans les supermarchés traditionnels, la vente de kits à cuisiner à partir de produits bruts chez les acteurs de plats cuisinés ou encore l’ouverture de cuisines en propre chez les acteurs de la livraison comme Deliveroo Editions. L'idée : qu’un acteur puisse couvrir l’ensemble des besoins des consommateurs et améliorer la fidélité de la clientèle en devenant un fournisseur incontournable du frigo et du placard vide et faire appel au supermarché online pour se faire livrer ses produits d’hygiène qui vont remplir les autres placards de la cellule familiale ! Dans le même registre, les dark et cloud kitchen se développent chez de nombreux agrégateurs comme Deliveroo et UberEats en permettant aux restaurateurs de créer de nouveaux concepts ou de bénéficier de leurs créations à partir des tendances émergeantes (le poke bowl, la cuisine ethnique) et combler une partie de leur chiffre d’affaires perdu à cause de la baisse des visites en restaurant que l’on constate déjà outre Atlantique, et ainsi rentabiliser leur outil de production.

Quelles seraient alors les conséquences pour les restaurateurs ?

Malheureusement pour ces derniers, ces dispositifs sont entrés dans l’usage des consommateurs et il est désormais impossible de faire marche arrière. Ces solutions sont pensées pour simplifier la vie des utilisateurs au point de devenir indispensables dans sa vie quotidienne, ce que l’on appelle le life hacking. Les restaurateurs sont donc contraints d’adopter ces nouvelles technologies au risque d’y laisser un peu de leurs marges et de perdre en valorisation du fonds de commerce, tout comme de leurs datas.

L’intelligence artificielle, parlons-en, quelles nouvelles expériences devraient voir le jour cette année ?

La data est le nouveau Graal des acteurs de la Food Tech, qui vient nourrir les dispositifs drive to store de plus en plus développés et la technologie permet désormais d’optimiser le placement de produits et les décisions des services marketing grâce à la co-construction avec les consommateurs. Les exemples de Scan-Up ou Yuka en France, révèlent l’attrait des consommateurs pour davantage de transparence, de personnalisation et de reconnaissance au point d’abandonner les marques alimentaires qui ne partagent pas leurs valeurs. Cependant, il va être très important de respecter le RGPD et les données personnelles des utilisateurs de moins en moins enclins à confier leurs préférences alimentaires, et le respect va donc être prépondérant dans leurs choix de demain. La reconnaissance visuelle, les caméras et l’IA permettent également d’automatiser certaines tâches telles que l’encaissement, ou l'analyse des données des magasins alimentaires. Dans la guerre pour l'avenir du retail, les startups sont principalement des fournisseurs de technologies sur une bataille plus vaste que se livrent les grands distributeurs. On peut donc s'attendre à une hausse des investissements et des partenariats dans les années à venir une fois que ces nouveaux dispositifs seront entrés dans l’usage afin de contrer l’offensive des Amazon Go aux Etats-Unis et autres magasins sans caisse ni personnel en Asie… ou prendre l’exemple de McDonald’s qui investit 300 md€ dans la foodtech en intégrant dans sa grande famille Dynamic Yield, la startup Israélienne, afin de personnaliser ses recettes, favoriser l’upselling, le drive et la commande en ligne grâce à l'intelligence artificielle du Bigmac au Bigdata il n'y a qu'un pas !

Votre rapport prévoit un fort développement des startups spécialisées en produits végans et en protéines végétales comme alternative à la consommation de viande. Quels produits vont impacter notre secteur, particulièrement en snacking ?

Les startups spécialisées dans l’élaboration de produits sains et premium se développent également sur toute la planète et en France, au pays de la gastronomie, en particulier. Certains industrialisent déjà leur production et séduisent les investisseurs afin de rendre leurs produits accessibles dans les étals en GMS ou disponibles sur des sites e-commerce où l’expérience utilisateur est optimisée, tout comme leurs marges. A l’instar de sociétés comme Feed ou Hari&Co, par exemple. Ces véritables alternatives pour les consommateurs qui souhaitent diminuer voire supprimer leur consommation de produits d’origine animale ont désormais leurs leaders : Beyond Meat, Just, ImpossibleFoods... Si, depuis 2014, ces sociétés ont connu une phase d’expansion surtout aux Etats-Unis et dans les pays de l’Europe du Nord, le marché s’organise et leur déploiement va s’intensifier dans les mois à venir en France. Pour les acteurs du snacking, ce sont de nouvelles possibilités qui s’ouvrent à eux afin d’élargir leurs gammes de produits et conquérir de nombreux consommateurs séduits par la démarche. D’autres alternatives, vont encore se développer comme les snacks salés et sucrés élaborés à partir de protéines végétales qui permettront de répondre aux prises alimentaires multiples qu’adoptent des consommateurs de plus en plus nombreux également.

Pourtant, on ne peut que constater l’essor d’acteurs comme O’Tacos de Burger King et aussi de McDonald’s, bien éloignés de ces préoccupations. La nutrition personnalisée tarderait-elle à émerger ?

Certes, il y a toujours des différences entre le déclaratif et la réalité ! Mais, ces dispositifs sont encore très jeunes. L’arrivée de la foodtech date de 2011 et nous l’observons activement depuis 2013 et il s’agit, pour la plupart d’innovations de rupture. Inspirées par le secteur de la beauté, certaines entreprises proposent désormais des produits élaborés en fonction des souhaits et des besoins des consommateurs. Si cette fonctionnalité est encore assez peu développée en France, le quantified self, permettra aux acteurs de prendre un avantage décisif grâce à la data collectée, qui permettra d’améliorer les connaissances prédictives liées aux besoins des clients et d’anticiper leurs préférences tout en renforçant leur plateforme de marque à leurs yeux. Une manne dont il ne faudrait pas se priver !

Merci Matthieu pour ces éclairages qui vont trouver leur écho auprès de la communauté snacking. Et vous, quel est votre moment snacking préféré ?

Je suis un végétarien convaincu depuis de longues années mais je continue à consommer de la viande quand il ne m’est pas possible de faire autrement. Quand je suis invité ou lors des cocktails pendant lesquels j’interviens, il ne m’est réellement pas possible de trouver des produits me permettant de respecter mon régime alimentaire… Un message que j’adresse aux traiteurs qui liront cet article. Sinon, j’aime particulièrement l’idée du salad-bar qui permet de confectionner son assiette en fonction de ses envies et de son appétit tel que le propose l’enseigne Franprix avec Picadeli qui me permet de la consommer au bureau pour continuer mon travail ou déjeuner entre collègues. C’est bien du snacking, non ? 

Les tendances foodtech à suivre en 2019 par DigitalFoodLab

Pour aller plus loin, il vous est possible d’accéder à l’étude « Les tendances FoodTech à suivre en 2019 » par DigitalFoodLab.

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Pascal Perriot Web Manager Suivez Pascal Perriot sur @perriot_pascal
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