Pourquoi une Revue Stratégique sur la livraison et que représente-t-elle aujourd’hui ?
La livraison est le principal disrupteur du marché de la restauration depuis plus de 15 ans. Elle est une source de croissance massive et entraîne des transferts de valeur ajoutée très forts entre les acteurs. Il était indispensable de croiser les attentes consommateurs, les perceptions des restaurants indépendants, le regard des chaînes historiquement présentes sur l’activité, comme Domino’s Pizza ou Planet Sushi, l’avis des market-place comme Just Eat ou des agrégateurs comme UberEats et Deliveroo. Ainsi, cette Revue Stratégique, fruit de deux études quantitatives auprès de 1 276 consommateurs, 12 dirigeants de gros acteurs de la restauration, 400 restaurateurs indépendants nous a permis d’établir un état du marché à 360°. De quoi quantifier un marché de la livraison à domicile et au bureau estimé à 3,3 md€ en progression de 20 % par an. 4 % des consommateurs la pratiquent uniquement au bureau, 37 % exclusivement à domicile et 59 % en mixité. 3 commandes sont passées chaque seconde pour une dépense moyenne de 16 € le midi et 17 € le soir.
Comment expliquer une telle poussée et va-t-elle se poursuivre ?
Cette forte croissance est la conjonction de plusieurs éléments. D’abord, on observe de nouvelles attentes sociologiques avec notamment des consommateurs millennials qui sont plus de 7 sur 10 à se faire livrer régulièrement un repas en lien avec de nouveaux modes de vie (binge watching, télétravail, homing…). D’ailleurs, 74 % de cette cible se fait livrer au moins occasionnellement au bureau ou à la maison. De plus, de nouvelles offres apparaissent couvrant de nouveaux besoins à l’image des solutions proposées par UberEats et Deliveroo qui ont ouvert la livraison à de nombreux restaurants qui jusque-là ne proposaient pas cette prestation. Il y a aussi des acteurs comme Nestor, Frichti, FoodChéri ou Popchef qui disruptent l’offre sur le midi semaine, les dark-kitchens qui inventent les repas de demain avec des restaurants sans front de vente… Et lorsque l’on sait que la food delivery représenterait 75 % des fonds levés dans la food tech dans le monde, on mesure l’ampleur d’un phénomène qui n’est pas prêt de s’arrêter. D’autant que la livraison répond aux attentes de rapidité et d’immédiateté que souhaitent les consommateurs et propose également une offre fonctionnelle, élargie et diversifiée. Nous avons identifié 56 startups de livraison et 33 de restauration virtuelle. Le marché n’est pas encore saturé et laisse encore de nombreuses opportunités.
Quelle incidence sur le marché ? Opportunité ou un risque pour un restaurateur ?
La livraison est le plus gros contributeur à la croissance du marché. Ce qui se fait au détriment de la GMS notamment mais aussi de la restauration. Elle impacte d’ailleurs chaque mode de restauration soit en accélérant leur croissance comme ce qui se passe sur le marché du burger, de la restauration rapide fast casual ou de la restauration ethnique asiatique…, soit en modifiant les pratiques de consommation. En restauration collective par exemple, le segment « entreprise » perd des clients sur le déjeuner du midi au profit des actifs qui se font livrer. Les restaurateurs doivent fixer une stratégie envers la livraison pour bénéficier de sa croissance tout en maitrisant leur modèle. Des questions s’imposent néanmoins : suis-je un restaurant de destination et d’expérience ou un restaurant de flux et de service optimisé… Suivant la réponse, il s'agira d'adapter ses pratiques.
Peut-on s’attendre à une recomposition du marché alors que chacun sort de son champ d’expertise pour multiplier les services ?
Nous en sommes aux débuts de l’histoire, chaque acteur teste ses modèles et ses offres, invente des services… à l’image de l’entrée récente d’Amazon au capital de Deliveroo. Il faut s’attendre à une poursuite des innovations et à une recomposition du marché dans lequel le segment des agrégateurs devrait capter de plus en plus de volume et de valeur, et dans lequel les nouveaux restaurants virtuels comme Nestor ou des cuisines fantôme comme Taster vont inventer de nouvelles solutions. Mais ils devront tenir compte d’ailleurs, comme les agrégateurs, de certaines réserves exprimées par les consommateurs notamment en termes d’impact environnemental, éthique et sociétal de la livraison. 70 % des non-utilisateurs jugent qu’elle est néfaste pour la planète, 65 % qu’elle encourage l’exploitation des livreurs et 61 % qu’elle favorise la malbouffe et l’obésité.