RD Finance Eric Dujourd'hui
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#snackingunited, Eric Dujourd'hui, patron de RD Finance 'le nerf de la guerre, c'est la tréso'

31 Mars 2020 - 14024 vue(s)
Dans notre nouvelle rubrique quotidienne « La Parole à… », nous invitions hier, le PDG de la chaîne Les Burgers de Papa qui a opté pour une réouverture progressive de ses restaurants. Ce mardi, c'est à l'entrepreneur indépendant Eric Dujourd'hui, à la tête d'une trentaine d'établissements dans le grand quart Est de la France, dont 7 Burger King et 5 Starbucks, de répondre à nos questions. Il en appelle à la solidarité de l'Etat, des foncières et des assureurs.

Snacking.fr : qui est le groupe Holding RD Finance et quels étaient vos projets avant crise ?

Eric Dujourd'hui : Cuisinier de métier et fils de restaurateur d’origine Savoyarde, je me suis lancé dans l’entrepreneuriat en 2001 en reprenant une franchise Au Bureau. Le premier maillon d’un groupe qui s’est ensuite construit aux côtés de mon frère Pierre Dujourd’hui et de mon cousin Serge Geneix, par acquisitions et opportunités dans tous les segments de la restauration jusqu’à l’hôtellerie, parce que nos clients sont zappeurs et papillonnent aujourd’hui entre toutes les formes de commerces. La Holding RD Finance a investi tous les segments et coiffe aujourd’hui une trentaine d’établissements pour un CA de 60 M€. Un périmètre qui va de la restauration gastronomique étoilée avec le Millénaire à Reims en passant par les brasseries traditionnelles avec les marques Edito et Sherlock Pub, Le Mr Fogg’s, l'expérience jusqu’à la restauration rapide avec 5 Starbucks en portefeuille et 7 Burger King, marque dont j’ai été le premier franchisé en France. Nous étions en phase de développement avant cette crise et nous nous apprêtions à investir le segment de la boulangerie comme porte-drapeau d’une grande marque dans notre région de déploiement dans le grand quart-Est de la France.

Comment avez-vous réagi aux annonces de nos gouvernants, les 15 et 16 mars ? Qu’en avez-vous pensé et qu’en pensez-vous aujourd’hui ? Et quelles ont été vos premières décisions ?

J’ai trouvé la forme très brutale. Nous avertir comme ça le samedi soir, à 19h30, en plein service et dans la précipitation a été d’une très grande violence. Pour nous restaurateurs comme pour nos collaborateurs. Si je peux comprendre l’urgence sanitaire, ce que j’ai eu du mal à digérer, c’est qu’il nous a fallu fermer nos affaires, le soir même à minuit alors que dans le même temps, on conviait le lendemain-même, 44 millions d’électeurs à se rendre aux urnes. Cette annonce a créé une profonde angoisse dans nos équipes et nous aurions préféré, en tant que chefs d’entreprise, être informés en avance pour être en mesure d’expliquer et rassurer. Gouverner, c’est prévoir et nos politiques auraient dû anticiper cette annonce au vu de la tournure des événements en Italie et nous laisser le temps de bien communiquer et de nous organiser. Nous l’avons donc fait le soir même, par téléphone, malheureusement dans la précipitation. Sans compter, que cette décision de fermeture administrative a été prise en plein week-end alors que nous avions constitué tous nos stocks pour la fin et le début de semaine. Après cet uppercut reçu en pleine face, nous avons en effet fermé tous les restaurants avec service à table et procédé à l’ensemble des inventaires, dans chaque établissement pour figer les stocks. Matières premières que nous avons ensuite données à l’ensemble de nos salariés pour éviter le gaspillage. 

Pourquoi fermer l’ensemble de vos enseignes alors que la livraison et la vente à emporter restaient autorisées. Envisagez-vous d’en rouvrir certaines ?

Si nos coffee-shop Starbucks sont restés portes closes car majoritairement situés dans des centres commerciaux fermés, dès le dimanche, nous avons cependant conservé les Burger King ouverts avec la vente à emporter et le drive. Rapidement, je me suis aperçu avec nos cadres dirigeants, qu’il nous était difficile de respecter les obligations de sécurité non seulement vis-à-vis de nos collaborateurs mais aussi envers nos clients. Nous n’avions ni les masques en quantité suffisante de disponibles, ni la possibilité de garantir les gestes barrières. Difficile dans ces conditions, en tant que responsable de mes salariés, d’exposer quiconque à des risques évidents. Aussi, dès le dimanche soir, j’ai pris la décision de baisser le rideau pour assurer la sécurité sanitaire de mes salariés, enregistrant, sur la même journée, une baisse d’activité très marquée. Pour l’heure, nous n’envisageons pas de réouvrir sauf à m’assurer que nous disposons bien de tout le matériel de protection de nos salariés mais aussi que l’activité soit au rendez-vous. Quant à la réouverture de tous mes restaurants, je ne l’anticipe pas avant le 1er juin. Et pas avant le 1er juillet dans mes business model révisés pour mes banques. Concernant la reprise, je la prévois molle et certaines projections qui nous viennent de Chine le confirment. 

Avez-vous placé vos collaborateurs en chômage partiel dans tous vos commerces ? Et sur le volet trésorerie, une action auprès de vos banques ?

Déjà la semaine précédant le confinement, nous enregistrions des baisses d’activité marquées sur certaines affaires de l’ordre de – 40 à – 50 %. J’avais donc anticipé des demandes de chômage partiel qui ont reçu un avis favorable des Direccte. Pour les autres, nous attendons nos codes mais je reste optimiste et je pense qu’il n’y aura pas de refus. C’est en tout cas ce qui nous redescend de notre syndicat professionnel, le Snarr. Si c’était le cas, ce serait la mort de nos commerces eu égard au montant de salaires à avancer avec une activité très réduite sur le mois de mars et qui sera nulle en avril. Pour les prêts en cours, nous avons obtenu un décalage de 6 mois et nous sommes en négociation avec nos bailleurs pour les loyers. Quoiqu’il en soit, dès le lundi 16 mars, face à l’arrêt complet de mes affaires, j’ai fait bloquer l’ensemble des loyers. Si l’Etat a rapidement sorti un décret qui protège les locataires, pour autant, certaines foncières restent catégoriques dans leurs exigences. Nous allons entamer des négociations avec chacune d’entre-elles.

Vous avez lancé une pétition pour demander une solidarité des assurances ? Pourquoi cette démarche ?

Ce qu’il faut bien savoir, c’est que tout le monde doit prendre sa part, et ce ne sont pas les petits commerces ou les PME qui devront assumer seuls cette crise. Les foncières devront nous aider, voire envisager des exonérations pas uniquement des reports. Car même si l’Etat semble se montrer généreux en garantissant des emprunts ou en reportant des charges, on ne fait que rajouter de la dette, à de la dette qu’il faudra bien rembourser un jour. La pétition #sauvons nos restaurants nos emplois que j’ai lancée, a recueilli aujourd’hui 7 000 signatures et s’ajoute à d’autres pétitions du même genre, réclamant, en effet, une prise en charge des assurances. Pourquoi s’affranchissent-elles du volet perte d’exploitation sur l’autel de la crise sanitaire alors que la restauration est au bord du gouffre ? Nous demandons au gouvernement de déclarer l’état de catastrophe naturelle pour nous permettre de nous faire payer la perte d’exploitation ainsi que le remboursement de nos stocks.

Quels vont être, selon vous, les effets de ce tsunami sans précédent sur la profession ?

Cette très grave crise sanitaire va se doubler d’une grave crise économique dont on ne mesure pas encore complètement les effets et les dommages collatéraux. Il y aura des défaillances du côté des entreprises si l’Etat ne prend pas ses responsabilités. Après les différentes crises que nous avons connues (crise financière, les attentats, les gilets jaunes, les grèves à répétition), notre industrie avait déjà été fragilisée. Si l’Etat ne marque pas davantage son soutien par différentes formes d’exonération et de prise en charge directes de pertes d’exploitation (et non de reports), nous irons droit dans le mur. Je le répète, nous ne pourrons pas sortir de cette situation qu’avec des reports et de la dette sur de la dette. 

Si vous aviez des conseils à transmettre à des nombreux restaurateurs dans l’angoisse d’aujourd’hui et de demain ?

Je conseillerais de prendre le maximum de ce que les banques consentiront à prêter pour alimenter une trésorerie qui va faire clairement défaut. Mais il faudra aussi anticiper la reprise qui permettra de pouvoir rembourser la dette supplémentaire contractée et c’est toute la complexité de l’équation aujourd’hui, car nous n’avons aucune visibilité sur comment l’activité économique va repartir.

Comment envisagez-vous cette sortie de crise ? La préparez-vous ?

Comme je l’ai dit, j’envisage une reprise en douceur face à des consommateurs qui feront preuve de prudence et de réserve. Difficile en effet d’aller manger au restaurant avec un masque et des contraintes de sécurité dissuasives. Dès qu’on pourra redémarrer notre activité, je vais demander à l’ensemble de mes collaborateurs de reprendre le travail et si l’activité n’est pas au rendez-vous et que ce n’est pas le bon moment, alors nous réactionnerons le levier du chômage partiel, limité je le rappelle à 1 000 heures par an. Ce n’est qu’ensuite que des mesures plus draconiennes seraient envisagées. Mais je ne les envisage pas encore en privilégiant d’abord le volet humain. Ce groupe, je l’ai construit grâce et avec de nombreux collaborateurs qui me sont restés fidèles, je ferai tout pour les maintenir en fonction. Quoiqu’il en soit, l’heure est aux actions communes. Nous devons nous serrer les coudes pour unir nos efforts et sortir le mieux possible de cette crise inédite.

En attendant, restez chez vous… prenez soin de vous et de vos familles. On lâchera rien !!!

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Commentaires (1)
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Par Éric le 05/06/2020 à 15:28
J’approuve à 100% Et concernant les assurances mêmes avec un contrat spécifique perte d’exploitation ils ne répondent pas présent Une fois de plus tu as le devoir de t’assurer mais tu ne rentres jamais dans les cases pour être indemnisé....
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