Subway Cédric Giacinti à propos du coronavirus dans le réseau de franchisés snacking.fr
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#snackingunited, Pour Cédric Giacinti, DG de Subway France, 'la gagnante de cette crise, sera la créativité'

5 Avril 2020 - 6886 vue(s)
Cédric Giacinti, directeur général de Subway France et Belgique, est l'un de nos invités de ce dimanche 5 avril de 'La Parole à...' sur snacking.fr. Pour le patron de la chaîne de sandwicherie qui compte 420 restaurants en France, la grande gagnante de cette situation de confinement, ce sera la créativité. Les plus fragiles ne résisteront pas et les réseaux qui s’en sortiront le mieux, seront ceux qui seront restés en permanence au contact de leurs franchisés.

Que représente Subway en France et quels étaient vos projets avant crise ? 

Subway c’est plus de 420 restaurants, 100 % en franchise, qui ont représenté un CA de 180 M€ consolidés en 2019 avec une croissance en comparable de 9 %. En 2020, jusqu’au 15 mars, la progression était de 11 % en comparable. Implantés en France depuis 2001, nous opérons depuis 4 ans une transformation de l’enseigne pour adapter le concept aux attentes des consommateurs français. Parmi les projets en cours, le développement des ventes multicanales comme le click & collect, l’élargissement de notre gamme pour multiplier les instants de consommation, le remodelling de nos restaurants, … 

Comment avez-vous réagi aux annonces de nos gouvernants et quelles ont été vos premières décisions ?  

Tout est allé très vite. D’abord, il y a eu l’allocution du Président le jeudi 12 mars au soir. Je l’ai écouté à la radio, en voiture, de retour d’une tournée de visites des restaurants en Auvergne. La veille je dinais avec une famille de franchisés et nous évoquions déjà ce qui risquait d’arriver mais avec l’envie de croire que ça passerait vite. Nous avons appris à ce moment la fermeture des écoles et la recommandation de favoriser le télétravail. Nos restaurants étant souvent proches des zones de vie scolaires et des bureaux, il a d’abord fallu rassurer les premiers franchisés inquiets de ces mesures et leur impact sur leur commerce. Nous leur avons répondu un par un sur la façon de s’organiser autour de cela. Puis, l’annonce du 14 mars de fermer 4 h plus tard tous les commerces nous a contraints à réagir très vite. Nous avons monté une cellule de crise avec plusieurs collaborateurs, afin de prendre les décisions les plus pertinentes pour notre réseau de franchisés, c’est-à-dire maintenir dans un premier temps, la vente à emporter, la livraison et la vente en drive, tout en appliquant des règles d’hygiène très strictes.

Notre objectif à ce moment-là, était de garantir la sécurité des équipes en restaurants et de nos clients. Cette décision de maintien de l’activité minimum nous a permis de gérer au mieux notre niveau de stock et ainsi de minimiser au maximum les pertes produits. Puis à l’annonce du confinement du 16 mars, nous avons immédiatement pris la décision d’autoriser nos franchisés à cesser toutes activités par mesure de sécurité. Ces annonces étaient inéluctables et elles devaient arriver vite pour faire front contre cette pandémie. Nous les avons accueillies avec toute la sagesse qui les accompagnait. 

Pourquoi fermer l’ensemble de vos enseignes alors que la restauration livrée et à emporter restaient de celles qui pouvaient fonctionner. Envisagez-vous d’en rouvrir certaines ? 

Nous avons suivi la recommandation de notre Président et de son gouvernement. Nous avions effectivement 2 choix : continuer la livraison et la vente à emporter ou tout stopper. Notre décision a été motivée par 2 aspects. D’abord, j’aime à penser que nous sommes une destination plaisir pour nos clients et non primaire. Par conséquent ne faisant pas partie des commerces essentiels devant rester ouverts, il ne fallait pas donner une raison supplémentaire aux gens de sortir de chez eux (nos clients, nos équipes, les livreurs, les franchisés). Nous avions tous en tête ce qu’il se passait ailleurs. En Italie par exemple où on voyait que le confinement d’une zone géographique ne fonctionnait pas ou encore en Chine, déjà confinée depuis 2 mois au moment de ces annonces et qui malgré une discipline sans faille de ces concitoyens, ne commençait que difficilement à émerger de cette période. Conscient de cela, je devais faire tout ce que je pouvais pour participer à l’effort collectif afin de revenir à notre vie d’avant au plus tôt. 

L’autre raison est simplement économique. Les 2 jours avant l’annonce du 16 mars, où nous sommes restés ouverts avec ces modes de vente, ont vu le CA national de l’enseigne, chuter de plus 50 %, alors imaginez ce que cela aurait été avec le confinement. Le poids de la livraison n’est pas encore suffisant chez nous (environ 12 %) et la vente à emporter a pratiquement disparu après cette annonce. Il n’était donc pas économiquement viable de continuer de faire tourner les restaurants dans ces conditions. Sans compter toutes les contraintes de précautions qu’il fallait prendre en considération, dans des surfaces parfois exiguës. A titre personnel, cela a été une décision extrêmement difficile à prendre mais le soutien quasi sans faille que j’ai reçu de très nombreux franchisés, m’a conforté dans l’idée que nous avions fait ce qu’il fallait. 

Certains franchisés et leurs collaborateurs avaient peur. Certains avaient même déjà anticipé cette décision en fermant totalement dès le samedi soir. Et nos clients eux-mêmes n’auraient pas compris que nous persistions pour gagner quelques euros de plus. Ils ont d’ailleurs réagi très positivement sur les réseaux sociaux. Les mesures d’aide exceptionnelles et sans précédents, annoncées par l’Etat ont aussi contribué à prendre cette décision car il s’agissait de s’assurer que tous les franchisés puissent gérer la période de fermeture et rouvrir dans les meilleures conditions. Une réouverture, que nous envisagerons à la fin des mesures de confinement. Dans l’intervalle nous le déconseillons fortement. 

Avez-vous placé vos collaborateurs en chômage partiel dans tous vos commerces ? Et sur le volet trésorerie, une action auprès de vos banques ?

Les demandes de chômage partiel ont été faites par l’ensemble des franchisés, y compris pour les personnes du siège, du fait d’un réseau à l’arrêt total, mais tout en maintenant leur salaire. Les accords tombent les uns après les autres. C’est encourageant. Le Snarr et les enseignes adhérentes ont fait un travail extraordinaire afin de faire valoir les intérêts de la profession. Il est important de souligner cette solidarité et cette cohésion entre les enseignes face à un adversaire commun qu’est le COVID-19. Pendant cette période, les clivages doivent tomber. On doit tous se soutenir et s’entraider les uns les autres.

Vous avez entamé une action auprès des foncières pour demander non pas un report mais une exonération des loyers ? Pourquoi cette démarche ? 

Il est de notre responsabilité d’accompagner une multitude de TPE, tenues par des familles, des couples, des amis, qui ont investi les économies de toute une vie dans leur affaire. L’objectif majeur étant de parvenir à zéro dépense face à zéro ressource jusqu’à la réouverture. Il faut savoir que 80 % de notre réseau a un bailleur privé ou indépendant. Quelques-uns sont propriétaires, d’autres s’entendent très bien avec leurs bailleurs et certains ont la trésorerie suffisante pour tout simplement honorer leurs échéances. Les grandes foncières ont démontré une réelle volonté d’accompagnement et ont largement communiqué sur le sujet. Notre démarche a donc été de sonder les franchisés qui ont réussi à suspendre, annuler ou réduire leur loyer et surtout identifier ceux qui ont observé un refus. Pour ceux-là, nous avons préconisé une procédure simple à suivre, avec argumentaire et modèles de courriers. 

Quels vont être, selon vous, les effets de cette crise sans précédent sur la profession ? 

Je pense qu’il est un peu tôt pour le dire car nous ne savons pas encore quand cela va redevenir normal. Les conséquences dépendront aussi de la durée. Les cartes seront certainement redistribuées et probablement que des enseignes plus fragiles ne survivront pas à cette crise sans précédent et que d’autres vont se renforcer, ou même voir le jour car la grande gagnante de cette situation de confinement, ce sera la créativité ! L’expérience client va radicalement changer. Mais il me semble, à l’heure actuelle, que les réseaux qui s’en sortiront le mieux, seront ceux qui seront restés en permanence au contact de leur franchisés à travers deux axes essentiels : 

D’abord en monitorant la santé financière des restaurants.

La connaissance des situations individuelles donne un avantage énorme dans l’aide que l’on peut apporter à son réseau. Car il permet d’être au cœur du système et de remonter parfois très haut, les difficultés du terrain, pour les solutionner ensuite. C’est un grand écart important et une agilité indispensable. Nous pouvons passer d’une discussion avec un franchisé seul dans sa maison qui essaye de préparer l’avenir de son commerce à une discussion avec le Ministre de l’Economie ou du Travail, via le Snarr, le Medef ou d’autres canaux.

Et deuxièmement, il y a le contact humain avec les franchisés et les collaborateurs.

Au siège et en régions, nous organisons des vidéo-conférences 4-5 x par semaine pour nous voir, donner des nouvelles, raconter notre vie pendant le confinement. De temps en temps, on organise un apéritif virtuel pour parler d’autre chose et rigoler un peu. Nous dupliquons ces petits événements avec les franchisés du réseau, que nous avons tous les jours au téléphone via les équipes en régions. A mon niveau, je prends également soin de contacter directement le plus de franchisés possibles. Pour savoir comment ils vont, quel est leur moral, comment ils gèrent les enfants, passent le temps ou simplement pour parler de leurs inquiétudes. 

Finalement, je crois que cette épreuve aura resserré les liens, que l’humain sera plus important et que l’expérience client va devenir encore plus forte, notamment au sein de notre enseigne de par notre concept connivent et convivial. La profession se relèvera, nous avons la chance de répondre à un besoin important dans un pays où la restauration est reine, donc les gens continueront de sortir et auront surtout envie de continuer à se faire plaisir, tous les jours. 

Si vous aviez des conseils à transmettre aux restaurateurs ? 

C’est un exercice difficile. Chaque enseigne fait déjà son maximum. Je vais donc parler des restaurateurs qui ne sont pas rassemblés sous une enseigne. D’abord, ils doivent s’appuyer sur les organisations nationales comme le Snarr, l’Umih, le Medef, la CPME, un BNI ou bien leur expert-comptable, pour collecter toutes les informations nécessaires et adéquates à leur situation. Car il y a des tonnes d’infos qui circulent, plus ou moins digestes. Il faut donc faire le tri. Ensuite, pour reprendre l’expression d’un franchisé interviewé ici, « la trésorerie est le nerf de la guerre ». Tout salut d’une entreprise passe par là. Il faut donc de façon très méthodique élaborer un plan de trésorerie sur 12 mois ou à défaut jusqu’à fin décembre. Indiquer toutes les échéances qui passeront quoi qu’il arrive et positionner les reports et échelonnements obtenus ou souhaités.

Puis contacter sa banque et solliciter le prêt garanti par l’Etat, si nécessaire. Ne pas surcharger pour ne pas surendetter son établissement. Car il s’agit bien d’un crédit. Si vous sécurisez votre trésorerie et que vous maitrisez au centime près vos sorties, vous maximisez vos chances de passer à travers cette épreuve. Enfin, garder le contact avec ses amis restaurateurs pour partager, questionner, soutenir et garder la tête hors de l’eau. 

Comment envisagez-vous cette sortie de crise ? La préparez-vous ? Un ralentissement dans vos projets de développement ? 

Bien sûr, nous préparons déjà le retour à la normale, … cela permet de garder le cap. C’est presque comme préparer une ouverture d’un restaurant car il repart de zéro. On identifie les contrôles à effectuer, les entretiens des machines, le nettoyage régulier, les commandes pour reconstituer les stocks. On garde le contact avec les employés pour les garder motivés, sans les effrayer sur la tâche qui les attendra. Nous maintenons avec eux les formations disponibles sur mobiles, pour rester alertes sur nos process et nos opérations. Les ouvertures qui étaient prévues sont reportées. Même si le développement n’est pas une priorité absolue pour nous depuis plusieurs années, les projets en cours, verront le jour. Donc pas de ralentissement à ce niveau-là, juste un décalage dans le temps.

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