Frédérique Lardet CIT à propos du projet de tva à 5.5 % en restauration post confinement pour snacking
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Exclu. La députée Frédérique Lardet défend une TVA à 5,5 % pour inciter les CHR à rouvrir et les accompagner

3 Mai 2020 - 6838 vue(s)
Dès l’annonce de son déconfinement, la restauration devra être accompagnée par tous les moyens possibles pour être incitée à rouvrir. Et parmi les nouvelles options, Frédérique Lardet, députée de Haute-Savoie, membre du Conseil Interministériel du Tourisme et du Comité filière Tourisme , ex-restauratrice et cadre dirigeant dans l’industrie hôtelière mais aussi ex-présidente du Leaders Club, défend l’idée d’un retour ponctuel d’une TVA à 5,5 % en 2020 et 2021. Elle explique en exclusivité à snacking.fr, sa mission et pourquoi cette réduction de la fiscalité directe qu’elle avait proposée est essentielle dès la reprise de l’activité.

En tant qu’ex-restauratrice, comment avez-vous réagi à l’annonce de la fermeture des restaurants, le 14 mars au soir.

J’ai ressenti ce cataclysme dans mes tripes. Quand on a été comme moi restauratrice à différents niveaux, indépendante puis collaboratrice et dirigeante dans de grands groupes de restauration et hôteliers, on comprend autrement la situation et les incidences immédiates d’une fermeture et du zéro chiffre d’affaires pour un restaurant. Les interrogations et les craintes qui naissent du comment payer ses charges, ses fournisseurs. C’est d’autant plus prégnant pour cette profession dont l’équation économique et la rentabilité passent par un BFR négatif. Quand tout s’arrête sans plus aucune recette, on mesure d’autant mieux la manière dont la machine s’enraille, se grippe et les angoisses qui en découlent.

Comme toutes les entreprises, la restauration a d’abord pu bénéficier des aides PGE et Chômage partiel. Un accompagnement essentiel mais insuffisant pour assurer la survie d’un secteur qui ne retrouvera pas son activité avant de longs mois ? La profession a-t-elle été comprise et entendue dans les hautes instances ?

En tant que référente Tourisme, dans la commission des affaires économiques aux côtés de Vincent Roland, mais aussi présente au conseil interministériel du tourisme, j’ai été à l’initiative de la création du comité de filière Tourisme au début de l’année 2020. Une instance de gouvernance opérationnelle présidée par le secrétaire d’Etat Jean-Baptiste Lemoyne, dont les missions, face à l’Etat d’urgence actuel, ont été justement révisées pour jouer le rôle concret de courroie de transmission entre le terrain et les ministères. Pour preuve, tous les mardis, depuis le début de la crise, le comité Tourisme est convoqué par Jean-Baptiste Lemoyne en conférence téléphonique pour écouter, partager et faire le point, avec toutes les organisations professionnelles, sur l’avancée de la mise en place des dispositifs proposés par l’Etat, d’aides aux entreprises, notamment le PGE ou encore le chômage partiel qui sont aujourd’hui plutôt bien calés. Cette interface interactive élargie où sont présentes plus de 90 personnes, les membres du comité Tourisme bien sûr (mais pas que) notamment l’Umih, le GNC et le GNI pour les CHR, mais aussi la Caisse des dépôts et la PBI, permet à chacun d’évoquer les difficultés remontées du terrain, d’exprimer ses doléances et de travailler à des propositions. Il en ressort des actions concrètes et opérationnelles qui sont ensuite discutées et tranchées avec les différents ministères concernés. Ce comité m’a confortée dans le fait que ce sont bien les fédérations qui doivent prendre la parole et être force de proposition. Alors oui, la profession a été écoutée et entendue. Pour preuve, l’ensemble des mesures spécifiques au tourisme en général et la restauration en particulier, présentées le vendredi 24 avril dernier émanant des propositions des représentants des professionnels. 

Aujourd’hui vous revenez sur une proposition de baisse de la TVA, pourquoi ce sujet n’a-t-il pas fait partie des mesures proposées pour le post-confinement ?

J’ai jeté très tôt le pavé dans la mare et milité pour cette proposition de baisse de TVA ponctuelle sur l’alimentaire dans la restauration après avoir interrogé plusieurs exploitants et groupes de restauration qui réclamaient cette mesure. Mais elle n’avait pas été retenue parmi les priorités d’une partie des fédérations qui prônaient notamment d’autres pistes dont l’année blanche de cotisations salariales et patronales sur les ressources humaines ou encore la suppression du CFE. La TVA restant un sujet sensible et périlleux pour certains. En fin de semaine dernière, j’ai reçu de nombreux messages de restaurateurs qui sont revenus sur le sujet et d’autres qui ont pris position dans les médias comme Olivier Bertrand pour une baisse de la TVA. Comme j’avais déjà planché sur le sujet avec mon équipe, je suis donc repartie au front dès lundi dernier, ai évoqué le sujet dès jeudi en réunion de groupe avec Edouard Philippe, puis avec Bruno Le Maire qui se sont montrés surpris que ce sujet « neuf » refasse surface, mais pas hostiles.

Pourquoi, selon-vous, la TVA à 5,5 % est un outil encore plus essentiel aujourd’hui ?

Alors que se profile le déconfinement, et que l’Etat a assuré les professionnels de la restauration de son soutien en termes de poursuite de chômage partiel et de prolongation du fonds de garantie… entre autres, il faut les encourager à rouvrir mais surtout les accompagner dans ce lever de rideau et leur redonner confiance. Pour autant, au regard des mesures de restriction et de distanciation, il y a fort à parier que de nombreux professionnels vont s’interroger sur la pertinence même de rouvrir avec seulement 50 % de leur  capacité d’exploitation et une activité prévisible qui ne couvrira pas leurs charges.  C’est pourquoi ma position, que je vais partager avec les représentants des professionnels dès lundi 4 mai, est d’appuyer cette demande des exploitants de baisse de la TVA pour redonner de l’oxygène aux entreprises de la restauration au moment de l’ouverture et de leur permettre de baisser au maximum leur point mort. Il vaut mieux accompagner quelqu’un qui fait 30, 40 ou 50 % de son chiffre d’affaires habituel que d’enterrer quelqu’un qui en fait zéro. L’objectif est donc de permettre aux restaurateurs d’optimiser au maximum tout euro de CA généré, d’augmenter mécaniquement la recette récupérée et de fait, d’améliorer les marges et les coûts. Ce que permettrait une baisse de la fiscalité de 4,5 points. Lors de la dernière crise de 2008-2009, j’ai pu mesurer comment la baisse de la TVA a sauvé de nombreuses entreprises et groupes. Cette mesure est d’autant plus facile à défendre et à mettre en place aujourd’hui que pour le retour temporaire à une TVA de 5,5 %, n’impose pas l’accord des institutions de Bruxelles. Un point que nous avons vérifié avec les administrateurs de l’Assemblée nationale.

Quel va être votre calendrier pour porter cette mesure ?

Après avoir auditionné notamment l’Umih et la FNHPA, nous avons un rendez-vous lundi avec le GNI lundi dans le cadre du groupe Tourisme. Nous ne manquerons pas, non plus, d’interpeler Jean-Baptiste Lemoyne sur ce sujet. Mais je tiens à revenir sur le fait que mon rôle est de défendre et promouvoir des initiatives suggérées par le terrain mais de ne pas aller à l’encontre des fédérations qui les représentent. Il n’empêche que je pense sincèrement que toute mesure qui consisterait à desserrer l’étau sur le compte de résultat des professionnels, serait une bonne chose. L’intérêt de tous est de remettre le plus rapidement la machine en route et, ce, dans ces conditions les plus sécurisées possibles. 

Les annonces de déconfinement du président de la République pour le 11 mai, excluant la restauration, ont douché les espoirs des professionnels. Et pour l’heure le calendrier reste flou. Comment rester serein ?

Même si nous nous battons pour une réouverture pour la première semaine de juin, c’est vrai qu’aucune annonce concrète de date n’a été prononcée. Le chef de l’Etat et le Gouvernement ont indiqué que pour la fin mai, un calendrier serait fixé, le temps de mesurer les premiers effets du déconfinement. Mais l’absence de date précise, n’empêche pas les choses d’avancer et chaque secteur d’activité a été chargé de préparer le cadre général d’un protocole sanitaire de déconfinement. Plan qui a été d’ailleurs présenté cette semaine par le représentant des CHR, Sébastien Bazin, à la commission « déconfinement » piloté par Jean Castex. Ces protocoles passeront ensuite par leur ministère de tutelle. Il demeure encore quelques grands sujets majeurs qui méritent des éclaircissements comme la responsabilité des exploitants face au Covid. Des grandes questions ne sont pas encore tranchées notamment de savoir si c’est une obligation de moyen ou de résultat.  Je me bats pour qu’on soit dans une obligation de moyen qui décharge le dirigeant de toute responsabilité au cas où un client ou un collaborateur attraperaient le virus dans son établissement.

Sitôt validés par les institutions concernées, les protocoles doivent redescendre très vite sur le terrain pour permettre à chacun de se les approprier et de les adapter à son entreprise. Supprimer par exemple les menus papier, mettre en place des outils digitaux, prévoir la réorganisation de son plan de restaurants, exigent de sérieuses adaptations selon la configuration de chaque entreprise et une formation du personnel pour être prêt le jour J. De même, sortir les salariés du chômage partiel et les confronter à de nouvelles exigences d’entreprise et de sécurité sanitaire va demander du temps. Ces 3 semaines devant nous, en temps masqué, qui nous séparent des annonces de reprise d’activité doivent servir à mettre en place cette phrase préparatoire de la mécanique de reprise.

On prédit 20 à 30 % de restaurateurs qui ne se relèveront pas, votre sentiment ?

C’est du réel. Le gouvernement a déjà fait beaucoup et a prévu d’autres mesures spécifiques pour soutenir la branche. Mais il y a des jeunes entreprises ou des groupes qui ont beaucoup investi, avec des niveaux d'endettement élevés, donc un point mort plus haut, qui ne pourront pas survivre à cette crise inédite et violente. Rajouter de la dette pour subvenir à la trésorerie permettra très difficilement de survivre surtout si l’activité n’est que partiellement revenue.  Pour les autres, ceux qui restent encore dubitatifs et souhaiteront attendre, je leur dis qu’il faudra ouvrir coûte que coûte. A nous élus, comme à l'Etat,  d’étudier toutes les solutions pour leur permettre d’abaisser leur point mort et de trouver toutes les solutions possible les aider à s'adapter à la reprise progressive de l’activité. En ce sens, la baisse de la TVA à 5,5 %, comme je l’ai expliqué, est un outil sérieux.

Paul Fedèle Rédacteur en chef France Snacking Retrouvez Paul Fedèle sur Linkedin
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