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Quel modèle pour les centres commerciaux de demain avec une restauration à la peine

1 Juillet 2020 - 5247 vue(s)
Dans son rapport semestriel, Procos détaille les effets du tsunami Covid-19 sur le commerce qui a perdu en 6 mois, entre 50 et 60 md€ de CA. Si de nombreuses questions se posent sur le futur et sur les modèles de demain, l’avenir de certains centres commerciaux est fragilisé. Qui plus est pour de nombreux sites qui ont beaucoup misé sur les pôles loisirs et restauration, activités qui vont avoir du mal à se relever.  

L’avenir est pour le moins incertain sur le futur du commerce en ville comme dans les centres commerciaux, avec bien plus de questions sur la table que de réponses. C’est un des constats du rapport de 30 pages de la Fédération pour la Promotion du Commerce spécialisé Procos, sur le premier semestre 2020. Après une baisse de 55,6 % en mars, l’activité des enseignes Procos est tombée à un plus bas historique jamais atteint en avril à - 94 % pour connaître un certain rebond à + 7,5 % en moyenne en juin sur les magasins ouverts (- 4,4 % au total) entrainant une perte estimée entre 50 et 60 md€ de CA sur les 6 premiers mois de l’année, essentiellement dans le secteur non-alimentaire.

- 43 % d’activité pour la restauration depuis janvier 2020

Ce trou d’air a entrainé une baisse moyenne du CA du commerce de 31,8 % au premier semestre et de 35,8 % dans les centres commerciaux avec, au cumul sur les 6 premiers mois de l’année, une restauration qui plonge de 43 %. Comme le souligne Procos, certains secteurs ont repris une activité de manière plus progressive à partir du 11 mai, la restauration quant à elle est restée pénalisée par les modalités de réouverture dont la distanciation, le retard en Ile-de-France, encore en zone orange au 11 mai. De fait, à fin juin, elle accusait encore un retrait de 34,5 % tandis que la moyenne des magasins fleurtait avec – 3 %. Le décalage des soldes au 15 juillet a aussi accentué mécaniquement la baisse d’activité comparée à l’année précédente. Et le rapport Procos de préciser que la restauration risque d’être durablement impactées à la fois par les contraintes imposées par les mesures barrières mais également par la baisse de flux dans les zones de bureaux (télétravail), les zones de travel (aéroport, gare) et dépendant du commerce international. Et une étude publiée par le cabinet Roland Berger d’enfoncer le clou en indiquant que si la reprise a toutes les raisons de s’étaler, selon les secteurs, entre 2021 et 2023, l’hôtellerie-restauration et des biens de consommation « non-essentiels » font partie des plus touchés et qu’ils pourraient ne retrouver la situation d’avant crise que fin 2023 début 2024 ! De quoi poser de sérieuses questions sur l’équilibre des modèles même de certains grands centres commerciaux qui ont fait des loisirs et de la restauration, leur pôle majeur d’attractivité.

Comme le rappelle Procos, la question même du merchandising et des locomotives se posent. Hypermarchés, grands magasins sont moins générateurs de trafic. Après la volonté de baisser le taux de présence d’enseignes de textile dans les centres, ces derniers se heurtent à la fragilité de ceux qu’ils voyaient comme des activités de substitution dynamique, en l’occurence la restauration et les loisirs. A cela, il convient de rajouter l’incertitude qui pèse sur la survie de nombreux commerces face à l’intransigeance d’une grande partie des foncières quant au sujet de l’exonération des loyers avec des questions majeures posées sur la nature même des business models et des nouveaux équilibres de la relation contractuelle entre propriétaires et locataires, notamment sur le partage de la valeur. Il n’est pas impossible que les conséquences de la crise actuelle obligent les acteurs à travailler plus rapidement que prévu sur ces sujets,

Les grandes villes en souffrance

Dans les centres-villes, une nouvelle tendance à la baisse depuis mi-juin est constatée après un boom post-confinement. Les centres-villes des métropoles, notamment à Paris, sont particulièrement en difficulté et ont tendance à se dégrader lors des dernières semaines de juin après avoir connu un pic au début du mois. Si les centres villes de taille moyenne ont une fréquentation de - 20 % par rapport à la même période en 2019, la baisse est plutôt de - 40 % dans les très grands centres villes selon les données de l’observatoire de la fréquentation des magasins Procos/Stackr, la baisse forte de la fréquentation parisienne a ici un impact important. Le retournement constaté début juin est un point de vigilance car si cette tendance devait se poursuivre les effets sur les chiffres d’affaires se feraient forcément sentir, ce qui a déjà été constaté avec le report des soldes.

Des centres commerciaux, un modèle fragilisé

L’ouverture tardive des plus grands centres commerciaux à Paris et à Lyon en particulier a retardé la mise en activité des points de vente. Après un pic de fréquentation atteint mi-juin pour les grands centres commerciaux, la tendance s’est retournée depuis, notamment à cause du report des soldes, explique le rapport Procos. Pour tous les autres centres, le pic de fréquentation constaté début juin (entre - 15 et - 20 % par rapport à 2019 selon l’observatoire Procos/Stackr) a été suivi d’un retournement défavorablement pour atteindre de l’ordre de - 40 % ce qui est préoccupant pour l’activité des points de vente en juillet. Reste à savoir si les soldes parviendront à être suffisamment attractifs pour redonner du dynamisme ? Rien n’est moins sûr dans les grandes villes compte tenu du départ en congés d’une partie des Français.

Un consommateur ultra-sensible au prix et à la proximité

Parmi les constats dressés, il apparaît que la restriction de circulation des personnes a entrainé une augmentation des paniers moyens à chaque achat, accentuant ainsi la perception de cherté pouvant nuire à l’image « prix » des enseignes voire être ressentie comme le moyen de « profiter » de la situation. Le boom de l’alimentaire de proximité et des magasins bio. Ces derniers ont séduit de nouveaux profils de consommateurs, les axes santé et proximité ont pleinement joué en leur faveur. En alimentaire, le circuit court, la vente directe producteur se sont progressivement mis en place localement. Reste à savoir si ce comportement consommateur se poursuivra post-covid et à quelle hauteur. Quoiqu’il en soit, la crise a accéléré certaines tendances déjà engagées chez une partie des consommateurs en exacerbant leur sensibilité aux sujets de santé, un besoin de transparence, de naturel… L’attente est forte au niveau sécurité vis-à-vis des enseignes, engagement de la part des marques et des commerçants. Un nombre considérable de Français ont pris conscience qu’ils pouvaient bien vivre en consommant moins ! Cette frugalité « forcée » pourrait se transformer en un « retour à l’essentiel » pour une partie de plus en plus croissante des consommateurs. La crise a également mis en évidence la dépendance de très nombreux acteurs du commerce aux approvisionnements lointains. Blocage dans les ports, fermetures usines asiatiques … Les réflexions sur la chaîne d’approvisionnement, logistique…, étaient déjà engagées pour des motivations de RSE et d’objectifs d’amélioration du modèle commercial (acheter moins, être plus agile, acheter en fonction de ce que l’on peut vendre…). La crise donne une motivation supplémentaire à de nombreux acteurs du commerce, pour traiter ces sujets en priorité : dépendance à des fournisseurs lointains, fragilité des approvisionnements, fragilité de la chaîne logistique.

L’ominical, la clé du commerce de demain

Parmi les grands gagnants du confinement, l’e-commerce a connu un boom sans précédent. Confortant un peu plus son rôle majeur. L’ecommerce alimentaire notamment a atteint 10 % de parts de marché contre 6 % en 2019 (Nielsen). Par ailleurs, la période a mis en évidence l’importance vitale de l’omnicanal et de la complémentarité entre point de vente et e-commerce. Avant même la réouverture des points de vente et encore davantage après, ce sont les sites web des enseignes qui ont le mieux profité en combinant magasins et solutions digitales : ship from store, click & collect, solutions drives provisoires, livraisons à domicile. D’ailleurs selon une Etude Future Shopper WPP pilotée par Wunderman Thompson, 65 % des Français prévoient d’avoir recours au e-commerce dans un futur proche. 42 % ont augmenté leurs recours au e-commerce pendant le confinement. Amazon, est devenu le 1er moteur de recherche de produits pour 74 % des Français (68 % en 2019). 48 % des Français préfèrent acheter avec une marque disposant à la fois de magasins et d’un site e-commerce.

Si de nombreuses enseignes, restauration comprise ont mis en place, sous contrainte, des solutions d’urgence, beaucoup plus rapidement qu’elles ne l’auraient fait dans une situation d’exploitation normale, il convient maintenant de consolider ces solutions et de les structurer sur le plan opérationnel et sur le plan des coûts de mise en œuvre. Le développement très rapide des ventes Internet a posé des problèmes de rentabilité, de qualité de service notamment dans la livraison. 2,4 millions de nouveaux foyers se sont tournés vers le e-commerce, le nombre de transactions a connu une croissance très importante (+ 70 %) (source Kantar). Pour ces nouveaux utilisateurs qui ont testé la praticité de certaines solutions e-commerce, Procos pose la question de leur comportement dans les prochains mois.  

Quelle consommation demain ?

La fin de l’année 2020, et peut-être même au-delà, se présente avec de nombreuses inconnues en termes économiques, sociaux et sanitaires … autant de facteurs qui influencent les comportements des consommateurs, indique le rapport Procos. La manière dont la consommation va reprendre est centrale car la crise a surtout provoqué un arrêt de la demande, en particulier pour les biens non alimentaires. Dans le même temps, la période a généré un niveau d’épargne très important pour les Français, estimé entre 75 et 100 milliards d’euros. Une partie résulte bien entendu de la difficulté de consommer, une sorte d’épargne forcée, mais également compte tenu des inconnus concernant l’avenir et par précaution. Le sursaut de la consommation pourrait se tarir selon l’INSEE, en particulier compte tenu de la crainte d’augmentation du chômage qui devrait passer de 7,8 % en 2020 à 11,5 % mi-2021 pour redescendre à 10 % en 2022.

Quels sont les changements mondiaux et leurs conséquences sur le commerce ? La Covid pourrait-elle remettre en cause le mouvement de densification urbaine en cours depuis des années don modifier le rapport au transport en commun avec des conséquences notables sur le commerce de gare, les centres commerciaux en relation très importante avec nœuds de transport. De même, l’accroissement du recours au télétravail risque de modifier fortement le comportement des Français, la fréquentation des lieux de bureaux et/ou les lieux de commerce associés. Autant de questions posées qui peuvent avoir des conséquences sur les lieux de vie, de commerce et les stratégiques des enseignes. Reste à savoir quelles seront les modifications provisoires ? Et celles qui seront durables ?

 

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