Si les causes des difficultés rencontrées peuvent être différentes selon les acteurs concernés (difficultés structurelles, conséquences de la pandémie, parc immobilier trop lourd à gérer,...), les remèdes utilisés sont, eux, très semblables : l’ouverture d’une "procédure collective" et plus précisément de la sauvegarde et du redressement judiciaire. Ces outils juridiques doivent ainsi être perçus par les acteurs du marché de la restauration comme des mécanismes destinés à guérir les entreprises des difficultés qu'elles traversent. Mais qu’est-ce qui distingue ces deux procédures ? Laquelle privilégier lorsque l’on est confronté à des difficultés financières ? A-t-on d'ailleurs réellement le choix ?
Pour mieux présenter ce qui les distingue, il est d’abord important de comprendre ce que ces deux procédures ont en commun. En effet, la procédure de sauvegarde et la procédure de redressement judiciaire sont, s’agissant de leurs objectifs, assez similaires puisqu’il s’agit, en synthèse, d’imposer judiciairement le gel des dettes d’une entreprise pour lui laisser le temps, sous la protection du Tribunal et l’observation de professionnels désignés à cet effet (l’administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire) de préparer un plan qui doit lui permettre de préserver son activité. Les factures impayées au jour de l'ouverture de la procédure sont ainsi "gelées", afin de laisser le temps et la possibilité à l'entreprise de définir un plan d'action pour faire face à sa situation et assainir sa situation. Dans l’ensemble, les règles qui régissent cette période de répit (dite « période d’observation ») et la construction du plan sont assez similaires.
Toutefois, afin de traduire dans les textes l’importance pour tout chef d’entreprise d’anticiper les difficultés de son activité et notamment une éventuelle cessation des paiements, le législateur a créé, en 2005, la procédure de sauvegarde avec l’objectif d’éviter - autant que faire se peut - le nombre de défaillances. Et pour améliorer son attractivité, il a conféré à cette procédure de sauvegarde certains avantages venant, en quelques sortes, récompenser le dirigeant diligent et réactif. Tout d’abord, les difficultés d’une entreprise en procédure de sauvegarde ayant plus de probabilité d’être surmontées qu’en redressement judiciaire, la cession de l’activité n'est pas considérée comme l’issue naturelle et privilégiée. Bien entendu, cela n’empêche pas de procéder à la cession de certains actifs pour financer ou permettre la réalisation d’un plan de sauvegarde, mais le débiteur sera a priori moins en risque de se voir imposer une cession de son entreprise. En redressement judiciaire, deux pistes sont examinées : la cession de tout ou partie de l’entreprise ou la mise en place d'un plan de continuation de l'activité.
Pour le reste, les principales différences entre la sauvegarde et le redressement judiciaire peuvent être résumées comme suit :
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Sauvegarde |
Redressement judiciaire |
Difficultés rencontrées / Etat de cessation des paiements
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Difficultés que l’entreprise n’est pas en mesure de surmonter, sans être en état de cessation de paiements |
Impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible = état de cessation des paiements
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Demandeur à la procédure
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Seul le débiteur peut demander l'ouverture de la procédure
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La procédure peut être ouverte à la demande du débiteur sur déclaration de cessation des paiements ou sur assignation d’un créancier |
Solutions proposées |
Adoption d'un plan de continuation |
Adoption d'un plan de continuation/de cession de l'entreprise |
Rémunération du dirigeant
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La rémunération n’est pas encadrée |
La rémunération n’est pas encadrée mais le juge commissaire peut, sur demande de l'administrateur, du mandataire ou du ministère public, réduire la rémunération
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Intervention de l’AGS (régime de Garantie des Salaires)
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L'AGS n'intervient pas pour le paiement des salaires ou indemnités de ruptures dus aux salariés au jour du jugement ouvrant la procédure
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L'AGS peut intervenir pour le paiement des salaires ou indemnités de ruptures dus aux salariés au jour du jugement ouvrant la procédure
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Licenciements
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Les licenciements sont libres sous réserve du respect des règles découlant du droit du travail |
Les licenciements doivent être autorisés par le juge commissaire
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Cautions et coobligés personnes physiques |
La caution ne peut être poursuivie pendant la période d'observation du débiteur
La caution pourra également se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde (tant que le plan est respecté)
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La caution ne peut être poursuivie pendant la période d'observation du débiteur mais ne peut pas se prévaloir des dispositions du plan de redressement |
Inexécution du plan |
La résolution du plan de sauvegarde entraîne généralement l'ouverture d'un redressement judiciaire |
La cessation des paiements en cours de plan entraîne la résolution du plan et l’ouverture d’une liquidation judiciaire |
Faillite personnelle et autres mesures d’interdiction frappant le dirigeant
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Pas applicables à la procédure de sauvegarde |
Applicables
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Dire qu’il existe un choix entre la sauvegarde et le redressement judiciaire pour une entreprise en difficultés n’est donc pas tout à fait exact puisque si procédure collective il doit y avoir, c’est l’état ou non de cessation des paiements qui déterminera la procédure à suivre. En réalité, la procédure à suivre dépend essentiellement de la situation financière de l’entreprise.
Pour une entreprise qui fait face à des difficultés mais qui n’est pas en état de cessation des paiements, le choix à opérer est celui à faire entre les procédures de prévention (mandat ad hoc ou conciliation) et la procédure de sauvegarde. De manière très synthétique, les procédures de prévention présentent l’avantage d’être confidentielles mais ne créent pas d’effet automatique de gel des dettes, alors que la sauvegarde est publique, avec ce que cela implique, mais permet de proposer des délais de remboursement sur une période maximum de 10 ans, y compris de manière progressive. Le choix entre ces procédures sera donc à faire en fonction de la situation de l’entreprise, de ses difficultés, de sa typologie d’endettement, de ses objectifs mais aussi et surtout en fonction de sa capacité à présenter ou non une solution susceptible d’être amiablement acceptée par ses créanciers.
Une fois l’entreprise en état de cessation des paiements, les portes du mandat ad hoc et de la sauvegarde se referment et demeure l’option entre la conciliation, le redressement ou la liquidation judiciaire. Toutefois, l’ouverture d’une conciliation supposera alors (i) de démontrer que l’état de cessation des paiements date de moins de 45 jours et (ii) d’obtenir très rapidement l’accord amiable de tous les créanciers pour suspendre l’exigibilité de leur créance le temps des discussions.
En pratique, la sauvegarde et plus souvent, le redressement judiciaire, constituent un ultime recours en cas d’échec des discussions amiables ouvertes dans le cadre de procédures de prévention. Cette possibilité constitue un levier de négociation non négligeable, une sorte d’« épée de Damoclès », qui convainc généralement l’ensemble des intervenants à se mettre autour de la table pour faire émerger une solution amiable, ce qui est souvent préférable pour préserver l’activité.
Anticiper, c’est donc le maître mot pour se laisser le choix du traitement de ses difficultés mais ce n’est pas toujours possible, surtout dans une période d’incertitude comme celle que nous vivons actuellement.
Lorsque la procédure amiable n’est donc pas possible ou n’a pas été efficace, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement peut donc constituer une alternative. Mais là encore, la clé du succès de ces procédures découle souvent d’une bonne préparation. Il est donc préférable de ne pas la subir mais de s’entourer de ses conseils pour en discuter.