Avec 600 millions d’emballages à usage unique utilisés en 2019 en livraison, selon les sources gouvernementales, soit l’équivalent de 200 millions de repas livrés en France cette année-là, le ministère de la Transition écologique avait lancé une croisade auprès des acteurs du secteur en les sommant d’améliorer leur copie et de présenter un plan de réduction de l’utilisation notamment du plastique. Mais surtout, de s’engager plus nettement sur le chemin du réemploi. A sa tête à l’époque, Brune Poirson, alors secrétaire d’Etat à la Transition écologique qui avait convié 20 acteurs du secteur, à la fois des plateformes de livraison, des « restaurants » virtuels, mais aussi des startups spécialisées dans les solutions de réemploi et certains fabricants de vaisselle, en leur donnant alors 3 mois pour présenter un plan d’action qui engage la filière vers le zéro déchet.
Avec le 2e confinement, si les échéances ont été quelque peu bousculées, avec au passage, le départ de la secrétaire d’Etat et l’arrivée pendant l’été de l’écologiste Barbara Pompili au ministère de la Transition écologique , les ambitions étaient restées entières sur ce dossier, avait rappelé la nouvelle ministre lors de sa prise de fonction. Huit mois plus tard, une première étape a été franchie avec la signature, le lundi 15 février, à l’Hôtel de Roquelaure d’une charte comprenant 10 engagements entre le ministère de la Transition écologique et 19 des principaux acteurs de la filière dont Uber Eats, Deliveroo, Stuart, Tiptoque, CoopCycle (la ministre ayant regretté l’absence de Just Eat), les restaurants « virtuels » fonctionnant à partir d’une cuisine centrale dont FoodChéri, Popchef, Foodles, Nestor, Frichti ou encore Saveurs et Vie, des fournisseurs d’emballages dont METRO, Arc, International Cookware en encore des startups, porteuses de solutions de réemploi comme Uzaje, Reconcyl, Pyxo, En boite le plat ou encore GreenGo. Si Barbara Pompili s’est félicitée de cet accord, regrettant pour l’instant de n’avoir pas pu intégrer au tour de table, les restaurateurs très pénalisés en cette période, elle n’en a pas moins insisté sur la nécessité de s’engager plus nettement sur cette voie.
"La consommation est devenue un acte politique et écologique. Dans cette bataille, vous avez pris des engagements que je salue".
Si cette signature intervient un an après le vote de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, dite loi Agec, elle s’inscrit pleinement dans ses principes de suppression progressive des emballages plastiques à horizon 2040. Avec, en ce qui les concerne, des objectifs clairs de réduction, réutilisation, réemploi et recyclage qui sont d’ailleurs repris dans la charte d’engagement. Si la ministre n’a pas manqué de rappeler un calendrier de retrait des emballages en plastique à usage unique, de la même manière que la définition d’ici Le 1er janvier 2022, de gammes d’emballages réemployables standards dans la restauration (dans le cadre des filières REP restauration), elle a aussi insisté sur l’échéance de 2023 qui se dessine pour le secteur avec l’obligation d’une vaisselle réutilisable pour la restauration sur place.
Parmi les prises de position des signataires, l’objectif d’atteindre 50 % des emballages livrés sans plastique à usage unique d’ici le 1er janvier 2022 a été validé et 70 % d’ici le 1er janvier 2023. Exit aussi, d’ici là, l’utilisation de sacs en plastique pour la livraison ainsi que la délivrance systématique, de couverts et de sauces dès le 1er mars 2023. Alors que du côté des restaurateurs « virtuels » tels Popchef, Foodchéri et autre Nestor, Foodles ou Frichti qui maîtrisent toute la chaîne logistique depuis la production à la livraison, cette prise de position semble tenable, on peut s’interroger sur la portée de cet engagement du côté des plateformes de livraison qui ne restent « que » des intermédiaires entre des restaurateurs (absents de cet accord) et des livreurs indépendants ! Pour autant, comme l’a rappelé Bastien Pahus, Général Manager d’Uber Eats, « Nous comptons bien jouer notre rôle dans la sensibilisation de nos partenaires même si nous ne produisons pas de plats et n’avons pas la main sur les contenants ». Pour autant, Deliveroo comme Uber Eats, ont rappelé les mesures déjà en vigueur comme l’absence de couverts dans les livraisons par défaut, des accords avec des fournisseurs d’emballages pour promouvoir auprès des restaurateurs des packagings vertueux, tout en s’engageant à tester un modèle, avec un partenaire, où le client apporte son propre contenant. La filiale d’Uber a même cité BioBurger, comme enseigne d’expérimentation pour la consigne. Une goutte d’eau diront certains, un geste de bonne volonté, leur répondront d’autres, pour des opérateurs qui comptent des portefeuilles de plus de 20 000 restaurants.
??Les acteurs de la #restauration livrée signent aujourd'hui avec @barbarapompili et @Ecologie_Gouv une charte d'engagements
— Zero Waste France (@ZeroWasteFR) February 15, 2021
????Réduire réemployer recycler: nous avons salué avec @surfridereurope ces engagements qui vont dans le bon sens et rappelé l'urgence de leur mise en œuvre pic.twitter.com/7IGJCTHjY1
Pour le segment des livraisons en entreprises, a rappelé, l’un de ses représentants, qui concerne près de 1 million de repas par mois, là aussi des chantiers sont en cours souvent en duo avec des startups, spécialistes du réemploi : Popchef avec Pyxo, Foodles aux côtés de Pyxo et Uzaje, Frichti accompagné de GreenGo. De leur côté, Nestor ou Tiptoque, des expérimentations sont aussi au programme aux côtés d’entreprises clientes. Reste à confirmer l’impact réel du réemploi sur l’environnement et la prise en compte d’ACV (analyses de cycles de vie) indépendantes qui permettront à chacun de s’engager plus largement. D’ailleurs, ces différents tests seront scrutés en détail par une commission de suivi bimestrielle, à laquelle sera associée l’Ademe, chargée de valider l’intérêt écologique et la viabilité économique des solutions. L’idée est bien de faire remonter les résultats de ces tests pour évoluer les dimensions technico-économiques des opérations liées à la collecte, au transport et au nettoyage des contenants. La ministre ayant confirmé sa volonté de travailler en toute transparence pour construire le meilleur modèle qui soit en s'appuyant "sur du bon sens".
"Pour moi, il n’y a aucun dogme et si ces solutions proposées s’avèrent moins vertueuses que d’autres, je n’hésiterai pas à revoir ma position sur le sujet", a précisé Barbara Pompili.
Autre engagement : passer à 100 % de contenants réemployés livrés sur les lieux de restauration en entreprise d’ici le 1er janvier 2023 ou encore réduire les emballages jetables de regroupement de plats utilisés pour la logistique entre les cuisines, les entrepôts et les points de livraison. Les agrégateurs vont aussi porter l’idée, auprès de leurs partenaires restaurateurs, d’atteindre 100 % de contenants et emballages recyclables dès le 1er janvier 2022 et de bannir les résines plastiques polluantes au recyclage dès juillet 2021. Ils tâcheront aussi de favoriser la visibilité des restaurants engagés via des marquages particuliers tout comme sur les gestes de tri, mais aussi de mettre en place des indicateurs de suivi des restaurants passant à des emballages plus vertueux.
Parmi les annonces de la ministre, 226 M€ (sur le fond de relance de 500 M€ annoncé), seront dédiés aux solutions de remplacement du plastique. Un volet qui devrait largement soutenir de nombreuses initiatives, a indiqué la ministre. Pour autant, si Barbara Pompili repart avec une petite liste d’initiatives et un chemin pavé de bonnes intentions, il lui faudra maintenant convaincre les restaurateurs qui, par les temps qui courent, s’attachent plutôt à trouver des modèles vertueux de survie alors qu’ils doivent dans le même temps faire avec le calendrier de retrait des plastiques, la mise en place du tri 5 flux ou encore la perspective de disparition des emballages à usage unique pour ceux qui mangeront sur place.