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Finies les appellations 'lardons', 'saucisses' ou 'merguez' pour les produits végétaux

1 Juillet 2022 - 3545 vue(s)
La décision était attendue par les filières animales depuis de nombreuses années, beaucoup moins par les fournisseurs de produits simili-végétaux en plein essor… Mais un décret paru au Journal Officiel va interdire l'utilisation des dénominations de type « lardons », « saucisse » ou encore « merguez » pour les produits à base de protéines végétales et produits dans l'Hexagone. En attendant des éclaircissements sur plusieurs zones d'ombres du décret, certains dénoncent déjà une décision qui va à l'encontre des acteurs français du secteur.

Ce sera bientôt la fin des dénominations se rapportant à la viande ou à la charcuterie pour les produits végétaux, en tout cas pour ceux qui sont fabriqués en France. En attendant un éventuel élargissement déjà réclamé de leurs vœux par les grands syndicats des filières animales. En effet, selon le décret n° 2022-947 paru hier au Journal Officiel, les substituts de produits carnés ou de poisson à base de protéines végétales ne pourront plus faire « référence aux noms des espèces et groupes d'espèces animales, à la morphologie ou à l'anatomie animale », ni même encore utiliser une référence « spécifique de la boucherie, de la charcuterie ou de la poissonnerie ». En gros, exit donc les dénominations « lardons », « saucisse » ou encore « merguez » dont pouvaient jusqu’ici user les fournisseurs de produits simili-végétaux, un secteur en pleine ébullition devant l’afflux de consommateurs végétariens, ou seulement flexitariens souhaitant réduire la part de produits d’origine animale au sein de leur alimentation. Il reste pourtant des zones d'ombre dans ce décret qui demande encore à être précisé, notamment pour le mot « steak » qui ne figure pas expréssément dans la première liste publiée des noms interdits (on parle de préparation de viande hachée).

Une entrée en application au 1er octobre 2022

Côté pratique, si le décret entre en vigueur le 1er octobre 2022, les « denrées fabriquées ou étiquetées » avant cette date pourront toutefois être commercialisées jusqu'au 31 décembre 2023 au plus tard. Ce texte était d’ailleurs attendu « depuis plusieurs années » et constitue « une étape essentielle en faveur de la transparence de l'information au consommateur ainsi que de la préservation de nos produits et savoir-faire », s'est félicité Jean-François Guihard, président d'Interbev, l'association interprofessionnelle du bétail et des viandes. D’ailleurs, de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) aux professionnels de la volaille, nombreux sont les représentants des principaux syndicats de filières animales à saluer ce texte. Toutefois, ils demandent aussi au gouvernement d'aller plus loin en portant le dossier à Bruxelles avec l’objectif d’élargir le périmètre d'application à tous les produits, quelle que soit leur origine. Échappent, en effet, à ce décret les produits « légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou en Turquie », ainsi que ceux qui sont légalement fabriqués dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Car au sein de l'Union européenne, la dénomination des produits végétaux par des termes associés à la viande animale est autorisée, exception faite des produits à base de lait animal. Ainsi, est-il interdit d'utiliser le mot « yaourt » ou « fromage » pour un produit simili végétal.

Des normes pour les produits semi-végétaux

En attendant, le décret précise la teneur maximale de protéines végétales autorisées pour conserver les dénominations dans le cas de denrées d'origine animale mais contenant une part de protéines végétales. Par exemple, un steak de viande hachée pourra continuer à s'appeler steak si et seulement si sa teneur en protéines végétales ne dépasse pas les 7 %. Ce ratio passe à 3 % pour la saucisse de Francfort, 1 % pour le saucisson sec et seulement 0,5 % pour le bacon ou des lardons. L’interprofession de la filière porcine s’est aussi exprimée afin que cette loi protège également « les dénominations animales par rapport aux aliments artificiels de synthèse », visant ainsi les « viandes » dites de « laboratoire » obtenues par la culture de cellules animales, mais aussi de protéines microbiennes ou fongiques.

Entre indignation et dénonciation de l'"absurdité" du décret pour les fournisseurs de produits végétaux 

De son côté, l'Observatoire national de l'alimentation végétale (Onav) regrette que le décret « place la France dans une position conservatrice, à contre-courant des enjeux actuels et de la politique européenne sur ces questions ». Et du côté des principaux fournisseurs d'alternatives végétales, on s'indigne de cette décision qui tranche, pour le moment, avec celles de nos voisins européens. "Le lobby de la viande industrielle, depuis plus de deux ans, s'active en coulisse pour limiter au maximum l'émergence d'alternatives végétales pourtant nécessaires à la décarbonisation de nos assitettes", regrette Romain Jolivet, Chief Marketing et Creative Officer de la marque La Vie, qui commercialise des alternatives végétales à la viande, rappelant le bacon ou les alumettes de jambon, et produites en Vendée, avec seulement 7 ingrédients. Il ajoute qu'"avec ce décret publié à la va-vite pour satisfaire des intérêts financiers privés, la France se tire une balle dans le pied. Au-delà de l'intérêt plus que discutable d'un tel projet, à la lecture de toutes les données scientifiques et après la publication du rapport du GIEC, il crée une situation concurrentielle absurde, qui favorise les filières étrangères, au détriment de la filière française". Le cofondateur d'Happyvore, Guillaume Dubois, qui vient de lever 35 millions d'euros pour installer la plus grande usine française de production dédiée au simili carné près d'Orléans, est du même avis. "Il s'agit encore d'une tentative pour freiner l'essor du végétal et les efforts menés en faveur de la transition alimentaire. Ce débat sur les appellations est un faux débat car il n'y a aucune tromperie du consommateur lorsque l'on annonce expressément sur un emballage une mention de type "steak végétal". C'est, au contraire, le moyen le plus ismple pour lui de pouvoir s'y retrouver". Présent avec ses produits dans plus de 2 000 points de vente en GMS et un millier de restaurants, le fondateur attend toutefois des éclaircissements sur un certain nombre de points qui demeurent flous dans le décret concernant certaines appellations alors même qu'Happyvore vient de lancer des produits de type nuggets et boulettes végétales. "L'absurdité de ce décret est poussée jusqu'au bout lorsque l'on va, en plus, créer une différenciation dans l'esprit du consommateur qui va au détriment des produits d'origine France. Ce sont potentiellement les produits venant de loin et aux listes d'ingrédients souvent bien plus longues qui risquent d'être favorisés", s'indigne-t-il même s'il se dit prêt à s'adapter, s'il le fallait, à ces nouvelles décisions.

Jonathan Douay Rédacteur en chef adjoint France Snacking
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