+ 30 à 40 % de vol dans les établissements qui ont lancé les premiers tests de vaisselle réutilisable et non consignée, les chiffres ont de quoi laisser dubitatif et inquiet alors que la restauration rapide est contrainte, depuis le 1er janvier 2023, loi Agec oblige, pour les établissements de plus de 20 places, d’abandonner les gobelets, boîtes à frites, bols et couverts jetables au profit d’une vaisselle réemployable. Un défi en forme de casse-tête qui crée plusieurs risques, analyse François Charpy, consultant et fondateur de Food Strategy & Performance qui a accompagné Hub One, la filiale tech d’Aéroports de Paris, dans le transfert de son expertise de la traçabilité et de la restauration de chaîne. « Le passage au réutilisable, c’est un vrai coût supplémentaire avec un cumul de risques : opérationnels d’abord pour le restaurant avec un stock à suivre, financiers ensuite avec le vol ou encore d’image RSE. Lorsque les clients emportent les emballages dans le cas où ils sont gratuits et non consignés, cela crée un besoin de fonds de roulement permanent et un puits sans fonds en matière de vaisselle donc un gouffre économique». Selon une étude réalisée par Opinion Way pour HubOne 73 % des consommateurs se déclarent prêts à garder la vaisselle réutilisable. D’où la nécessité, selon le consultant, d’asseoir sa mutation de modèle, non pas seulement vers un système de remplacement du jetable par du réutilisable, mais vers une solution plus globale de suivi et de gestion individualisée de ses emballages reposant sur la consigne/déconsigne parfaitement tracée. Histoire, selon lui, de créer un cercle vertueux et d’inciter les consommateurs à rendre les emballages. De fait, on réduit voire on élimine les pertes inhérentes qui oscilleraient, selon les restaurants, entre 1 500 et 3 000 € par mois.
A travers la révolution « Re-use » à marche forcée qui est engagée et qui bouscule profondément le modèle même de la restauration rapide bâti jusqu’alors autour des emballages jetables, c’est tout un système qui est remis en question avec une vaisselle qui devient un véritable « actif » pour les chaînes de restauration rapide « Un asset qu’il va falloir dorénavant surveiller au plus près », prévient Stanislas de Cordoue, directeur des solutions digitales pour le retail et les ERP. « A travers notre expertise d’intégrateur de la traçabilité et de la mobilité, historiquement pour la gestion des containers pour les avions via puces RFID ou encore plus récemment dans l’élevage d’animaux ou dans le textile, nous avons ajusté des solutions tout spécifiquement pour la restauration rapide via Green Track». Le principe repose sur la consigne/déconsigne et consiste à suivre et à gérer, individuellement, les contenants grâce à la technologie RFID à travers des identifiants uniques apposés sur la vaisselle par étiquettes autocollantes ou tagués directement dans la matière verre, PP ou Tritan, chez les fabricants.
Alors que la grande bascule vers le réemploi est en cours et qu’une période de tolérance relative est ouverte, force est de constater que rares sont les chaînes qui ont définitivement acté leur stratégie en la matière. Et les solutions aujourd’hui à l’épreuve posent encore plus de questions qu’elles n’apportent de réponses concrètes. Faut-il faire payer au client une consigne par plateau, par contenant ? A un prix dissuasif ou pas, au risque de faire flamber les additions perçues, du moins sur le papier ? Comment rembourser sur un paiement liquide ou en titres restaurant ? Faut-il investir dans des contenants logotypés, vecteurs d’image au risque de se les faire voler ? Pour François Charpy, il devient urgent de fédérer les énergies et de travailler dans le sens de solutions unifiées à l’échelle de la branche. Mais, pour lui, collecter, tracer, historiser l’information devient aujourd’hui indispensable dans la nouvelle équation économique qui se pose tout comme le suivi et la gestion pointue des stocks de vaisselle alors que l’étape d’après concernera, à n’en pas douter, le réemploi pour la vente à emporter.