En France, la restauration rapide et nomade n’a pas vu le jour en 1972 avec l’ouverture du premier McDonald’s. Elle est bien plus ancienne ! Dès l’Antiquité, à Rome et dans les autres villes de l’empire, vendeurs de rue et thermopolia étaient très présents. Au Moyen Âge, on pouvait se procurer des mets prêts à manger auprès d’un marchand ambulant, à l’étal d’un traiteur ou d’un pâtissier, ou encore s’attabler dans une auberge. Le repas y était rapide et à prix modique, mais on ne choisissait ni ce que l’on allait manger, ni l’horaire ni ses voisins de table. Et la qualité des mets, du service et du décor laissaient à désirer ! Initiée il y a plus de quatre décennies, l’évolution des services de restauration rapide et des produits de snacking constitue une des caractéristiques majeures du paysage alimentaire des Français. Depuis le milieu des années 2010, de nouveaux – et nombreux – souhaits se sont ajoutés aux attentes « de base » des Français (satiété, sécurité sanitaire, praticité, goût, santé et prix accessible). Ils concernent le respect de l’environnement et du climat, la naturalité des produits, leur fraîcheur et leur saisonnalité, leur origine locale et leur caractère équitable, le refus de la maltraitance animale, le goût de la tradition et de l’innovation, etc. Plus profondément, on assiste à l’émergence d’une véritable éthique de l’alimentation. De plus en plus de personnes souhaitent consommer « responsable » et « durable ». Ils recherchent le bien-être via leur assiette, ont faim de naturalité, désirent manger bio et plébiscitent le local et la proximité humaine avec les producteurs. Certains désirent affirmer leurs valeurs, leur identité (culturelle, religieuse) ou leur statut social au travers d’une alimentation « particulière » (sans viande, sans gluten, locavore, bio, halal, crudivore, etc.). Tout en manifestant une attirance pour la tradition et le terroir, ils ne refusent pas l’innovation : chez certains, celle-ci exerce une forte capacité d’attraction (cf l’essor de la food tech : applications pour smartphone, restaurant « digital », livraison de courses ou de repas…).
«Les attentes varient svt chez une même personne en fct du contexte/ moment : s’il faut parler des consos au pluriel il importe égalmt de prendre en cpte le consommateur pluriel » ? bref ns sommes svt à la fois #consommateurs ignorants/avertis /éveillés @StripFood @BrunerieS ? https://t.co/tWaCGxT6U7
— MLH (@mlh2011) May 26, 2023
À partir du début de l’année 2020, ces attentes « historiques » se sont trouvées renforcées par la pandémie de Covid 19. Cette crise a, en effet, accentué les exigences de sécurité sanitaire des aliments (peur de la contamination microbienne), la quête de santé (booster son immunité par l’alimentation), le besoin de plaisir et de réconfort (dans un monde devenu très anxiogène), la recherche de praticité – notamment de facilité, de simplicité et d’immédiateté (dans une « vie au pas de course » devenue également plus « mobile ») – ainsi que la nécessité, en période d’inflation alimentaire, de bénéficier de prix accessibles.
Si les attentes de nos concitoyens vis-à-vis de leur alimentation sont de plus en plus nombreuses, elles sont également différentes selon les groupes d’individus. On observe ainsi une fragmentation croissante de la population des mangeurs français : tous n’ont ni le même « vouloir d’achat » ni le même pouvoir d’achat, et ils n’accordent pas tous la même attention à leur alimentation. Par ailleurs, les attentes varient souvent chez une même personne, en fonction du contexte et du moment : s’il faut désormais parler des consommateurs au pluriel, il importe également de prendre en compte le consommateur… pluriel. Toutefois, ces évolutions ne doivent pas masquer la fragmentation croissante de la population des mangeurs. Pour les acteurs de la restauration collective et nomade, l’enjeu consistera à mieux prendre en compte la multiplicité de ces nouvelles attentes dans une démarche de diversification et de segmentation de leur offre.
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Eric Birlouez exerce des activités d’études et de conseil, et enseigne l’histoire et la sociologie de l’alimentation au sein d’écoles d’ingénieurs et d’universités, en France et à l‘étranger. Il a publié près de 20 ouvrages grand public ainsi que de très nombreux articles sur l’alimentation et les aliments, dont il examine les dimensions culturelles, sociales, historiques et symboliques.