La nouvelle livraison de la Revue Stratégique de la restauration réalisée par Food Service Vision laisse apparaître un paysage du secteur hors-domicile relativement contrasté. Du mois de mars à mai dernier, au global, le marché de la consommation hors domicile a en effet enregistré une croissance en valeur de 13 % par rapport à la même période de 2022, déjà débarrassée des dernières scories de la crise sanitaire. Et dans le détail, depuis le mois de janvier, c’est le chiffre d’affaires de la restauration commerciale qui a le plus progressé (16 % en valeur), devant la restauration collective (+ 9 %) et les commerces de proximité (+ 8 %). L’activité de la restauration a notamment été soutenue par une bonne tenue du marché des voyages professionnels et du tourisme (les vacances de Pâques ont connu une hausse de la fréquentation touristique de 15 % par rapport à celles de 2022). Quant au taux de pénétration du hors domicile, il se situe toujours à un niveau élevé (98 %, soit deux points de plus qu’en mai 2022).
Pourtant, ce tableau d’ensemble en apparence plutôt favorable doit être nuancé. D’abord et surtout, parce que la croissance en valeur du chiffre d’affaires de la restauration commerciale est essentiellement due à l’inflation. Le marché était même estimé légèrement en baisse en termes de fréquentation au mois d’avril, suivi d’une très légère progression en mai. Ensuite, parce que « deux facteurs pèsent sur les performances de la filière restauration : l’évolution des prix et les arbitrages de consommation des clients », souligne le cabinet Food Service Vision. Car, prise dans sa globalité, la consommation alimentaire des ménages continue de reculer. Il faut dire que 92 % des consommateurs sondés se déclareraient plus attentifs aux prix qu’auparavant. En mai 2023, 27 % des consommateurs affirmaient ainsi réduire leurs dépenses au restaurant, c’est 8 points de plus (19 %) qu’il y a un an ! En outre, 31 % des consommateurs indiquent leur intention de réduire ou de supprimer leur sortie au restaurant, ils n’étaient « que » 26 % en mai 2022.
En poussant encore l’analyse, on observe qu’une sorte de « fracture » se creuse au sein des consommateurs de restauration. La population des « gros consommateurs » (plus de 5 visites par mois), qui représentent 35 % des convives mais 73 % de la consommation hors domicile, ont augmenté leurs visites en mai par rapport à 2022, alors que les « petits consommateurs » (environ 2 visites par mois) ont clairement réduit leurs occasions de consommation. On voit aussi certains arbitrages s’opérer dans des secteurs comme la boulangerie-pâtisserie, qui fait pourtant figure de circuit refuge depuis la crise sanitaire. Les chiffres du second trimestre 2023 font certes état d’une croissance sur un rythme de + 9 % de janvier à mai mais un ralentissement s’est clairement fait sentir sur le mois d’avril. Le secteur reste porté par les catégories snacking, tandis qu’à l’inverse, les pâtisseries sont des segments davantage soumis aux arbitrages des consommateurs.
Pour plus de 9 restaurateurs sur 10, l’inflation des matières premières et l’augmentation des prix de l’énergie sont les facteurs qui impactent le plus leur activité, loin devant le manque de personnel, qui n’est évoqué que par 50 % d’entre eux. Food Service Vision a ainsi réalisé à un Top 5 des produits les plus inflationnistes (2e trimestre 2023 par rapport au 2e trimestre 2022) avec des hausses pour le moins édifiantes : + 35,7 % sur les œufs, + 32 % sur le riz, + 29,8 % pour les « cakes et gâteaux », + 28,4 % sur les préparations pour desserts ou encore + 27,3 % sur les viandes surgelées. Malheureusement, en dépit d’une baisse récente du prix d’un certain nombre de matières premières, les restaurateurs n’observent pas encore de répercussion sur le coût de leurs achats. Au deuxième trimestre, la hausse moyenne des prix de leurs approvisionnements se situait encore à 15,7 %, en très légère baisse par rapport au trimestre antérieur. Seuls les prix du surgelé connaissent une baisse plus significative (21,1 % contre 24,6 % au trimestre précédent), mais leurs prix sont ceux qui ont le plus augmenté depuis 2022. Dans ce contexte, 64 % des restaurateurs indépendants et les chaînes ont augmenté leur prix en 2023. Sur le second trimestre 2023, cette hausse serait estimée à 14,5 % par rapport aux niveaux de l’an dernier.
Néanmoins, en dépit de cette conjoncture complexe à décrypter, 62 % des restaurateurs se disent confiants ou très confiants au sujet de leur niveau d’activité de 2023. « La restauration devra néanmoins naviguer dans un univers contrasté », estiment les experts Food Service Vision. « L’envie d’aller au restaurant reste forte pour 85 % des Français, mais elle risque d’être tempérée par les préoccupations liées au pouvoir d’achat et à l’inflation ». Différents scenarii sont envisagés par le cabinet en termes de prévisions de croissance en 2023 en fonction de plusieurs facteurs clés (diverses évolutions de segments de marché, variations de flux de clientèle (touristiques, actifs…), niveaux d’inflation répercutés...). Mais le scénario moyen dessiné s’établirait à 9 % en valeur sur l’ensemble de l’année. A suivre et à affiner donc…