Quelles seront les tendances de la foodtech mondiale en 2024 ? L’avis de DigitalFoodLab
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Quelles seront les tendances de la foodtech mondiale en 2024 ? L’avis de DigitalFoodLab

15 Décembre 2023 - 5957 vue(s)
Pour la première fois en cinq années d’édition de son rapport, le cabinet DigitalFoodLab annonce une situation où les entreprises de la foodtech se répartissent équitablement sur la courbe de l’innovation. Cette dispersion crée une dynamique paradoxale car des écosystèmes que l’on croyait établis font faillite alors que d’autres émergent et sont particulièrement suivis par les investisseurs et les grands groupes agroalimentaires qui pratiquent l’open innovation. Quelles seront les tendances de la foodtech mondiale à l’aube de cette année historique ? Réponses avec Matthieu Vincent, cofondateur de DigitalFoodLab.

C’est une première. A l’occasion de sa 5e édition, le rapport est effectué au regard de la situation mondiale et n’évoque pas uniquement l’écosystème européen et les levées de fonds. L’occasion pour Matthieu Vincent, co-auteur du rapport, de rappeler que l’écosystème européen ne représente qu’une partie de l’activité et dispose de sa propre réglementation. En Asie, notamment, la culture de viande cellulaire est autorisée et dispose de son marché. Elle est même encouragée par certains gouvernements, dont celui de l’Indonésie de manière à répondre à une hausse démographique croissante. « On ne peut décorréler certains usages mondiaux de la foodtech. Un jour peut-être, la consommation des insectes et de la viande cultivée in-vitro par les humains, fera partie de nos usages et sera encouragée par nos instances politiques. Comme toujours, la vision micro du marché ne peut être dissociée de sa vision macro », constate en préambule Matthieu Vincent.

La digitalisation de la restauration est désormais mature et celle du back office se poursuit avec de nouvelles fonctionnalités 

La crise sanitaire a agi comme un catalyseur, accélérant l'adoption des solutions digitales tant du côté des restaurateurs que des consommateurs, et ce, jusqu'au domaine exigeant de l'hospitality, comme le souligne Matthieu Vincent. Aujourd'hui, le marché est prêt à intégrer ces innovations digitales pour répondre aux attentes du secteur des services et du retail. Les jours où il fallait téléphoner pour réserver une table au restaurant ou organiser une nuitée avec un billet de train sont désormais révolus. Face à une inflation persistante et malgré une possible stabilisation à venir dans les mois à venir, la nécessité de gérer efficacement son point de vente s'est ancrée. La gestion quotidienne des métriques est devenue une habitude, d'autant plus cruciale compte tenu de la persistance de la pénurie de personnel. Les processus simplifiant la gestion des commandes, tels que ceux mis en œuvre par des startups comme Choco et OrderLion, connaissent un essor significatif et s'étendent au-delà des frontières.

 

Dans le domaine du Front Office, l'exploitation de l'e-réputation, propulsée par l'arrivée de l'intelligence artificielle générative, offre la possibilité de répondre à tous les avis de manière pertinente. De plus, elle permet d'analyser les points à améliorer en termes de satisfaction client et d'assurance qualité. Ces fonctionnalités novatrices ont été récemment renforcées par la levée de fonds significative de 10 millions d'euros par Malou, soulignant que même sur un marché mature, des innovations incrémentales demeurent cruciales.

 

Le cabinet DigitalFoodLab a repéré 28 tendances, regroupées et analysées en six grandes catégories :

  1. Les protéines durables et alternatives : développer de nouvelles sources de protéines et d'ingrédients plus respectueux de l'environnement pour l'industrie alimentaire.
  2. L’agriculture résiliente : rendre l'agriculture plus durable et capable de résister aux changements climatiques.
  3. La chaîne d'approvisionnement intelligente : numériser la chaîne d'approvisionnement alimentaire pour améliorer l'efficacité tout en réduisant le gaspillage.
  4. L’automatisation alimentaire : envisager un avenir où des robots cuisinent et livrent une partie de notre nourriture.
  5. L’alimentation comme médicament : identifier des solutions alimentaires pour optimiser notre bien-être physique.
  6. La vente au détail instantanée : faciliter l'accès instantané aux produits alimentaires.

La lutte contre le gaspillage alimentaire s’intensifie dans un contexte de maîtrise des coûts et des opérations

Parmi les avancées majeures dans le secteur de l'hospitality, la lutte contre le gaspillage alimentaire se distingue particulièrement. Au-delà de la maîtrise des coûts liés à la flambée des prix des matières premières, l'intelligence artificielle joue un rôle crucial en permettant la prédiction de la fréquentation des points de vente. Cette capacité prédictive facilite la gestion des commandes en ajustant les cadences de manière plus précise, évitant ainsi la surproduction et les commandes excessives. En cette période cruciale, cette approche prédictive non seulement facilite la maîtrise des coûts, mais également réduit le gaspillage alimentaire en évitant la surabondance de produits qui auraient pu être consommés. Un avantage double non seulement pour les entreprises mais aussi pour l'écosystème environnant. Des startups telles que FullSoon et Inpulse, ainsi que des acteurs de la foodtech comme Afresh outre-Atlantique, continuent de prospérer, réussissant à percer dans le secteur très compétitif des biens de consommation ultra frais. « La gestion de prise de commande associée à la prédiction de la fréquentation correspond au modèle économique qui plaît aux investisseurs. Il est stable même si les distributeurs ont du mal à passer le cap alors que l’ensemble des utilisateurs sont prêts à y passer », explique Matthieu Vincent.

Praso, une startup brésilienne, a levé 9,3 millions de dollars pour sa place de marché B2B qui aide les petits détaillants tels que les restaurants ou les boulangeries à se connecter avec les grossistes. La numérisation de la chaîne d’approvisionnement alimentaire B2B est un sujet très brûlant, à l’heure actuelle, notamment dans les grandes économies en développement comme le Brésil.

Les startups de la livraison alimentaire de plats de restaurants sont enfin rentables

Après plusieurs années de consolidation des acteurs, les startups de la livraison alimentaire affichent des comptes d’exploitation enfin positifs depuis plusieurs trimestres consécutifs. Pour preuve, le secteur n’est plus le secteur innovant qu’il a été ces dernières années. Toutes les métropoles mondiales et les villes même moyennes disposent désormais de leur service de livraison. La combinaison entre les livraisons de courses, de restaurants, le retail media (la publicité sur ces plateformes), laisse envisager l’atteinte d’une rentabilité alors que l’on fêtera cette année le 10e anniversaire de l’existence de ces startups. Par ailleurs, une consolidation des restaurants vertueux s’opère sur ces plateformes et une professionnalisation du secteur dans la manière d’opérer des marques virtuelles est en train de se mettre en place. Des startups comme FoodLab, Taster, FoodJer en France, lèvent encore des fonds afin de doper leur développement et séduisent toujours les investisseurs. « Enfin, la baisse des dépenses marketing - et de la concurrence - impacte les acteurs du secteur de la food delivery, surtout en ce moment. La mutualisation des livreurs entre les livraisons de courses et des plats de restaurant et surtout la fréquence des achats et l’usage du digital favorisent le réachat et aident à la rentabilité de ce secteur », analyse Matthieu Vincent.

Food as a medecine : le lien entre la food et la santé est désormais établi et tend à se renforcer chez les consommateurs, les restaurateurs et les industriels

Nous entrons dans une ère paradoxale pour les acteurs de l'agroalimentaire. D'un côté, dans les pays occidentaux, la population diminue et vieillit, tandis que dans les pays émergents, la pyramide des âges s'inverse, avec une population en croissance. Cette dualité crée une impulsion inévitable vers la premiumisation de l'offre alimentaire, motivée par des arguments axés sur la santé, intégrant des ingrédients aux bénéfices avérés.

 

Yeap, une startup israélienne, a obtenu un investissement non divulgué auprès du géant français de la fermentation, Lesaffre, pour son activité commerciale de développement de protéines à partir de levures recyclées.

Les acteurs du secteur mènent actuellement une réflexion stratégique destinée à résoudre les défis liés à la digestion, à l'optimisation du microbiote et au concept d'« âging », mettant en avant les aliments favorables au bien-vieillir, renforçant l'immunité et la prévention. L'avenir semble prometteur, avec les travaux de recherche des startups qui se concentrent sur le développement de produits, d'ingrédients et de compléments alimentaires. Cela implique également une acceptation croissante des protéines alternatives, ainsi que la validation réglementaire et des avantages associés à la création de ces nouvelles sources de protéines. Dans ce contexte, le coût de la santé tendra à diminuer dans les années à venir, grâce à la prévention des pathologies coûteuses et à la promotion de la santé à long terme de la population. Et l’alimentation, plus que jamais, sera au centre de ces mesures de manière à privilégier les comportements vertueux, - et dont l’alimentation fait partie - en diminuant les comportements à risque.

La décarbonisation de la production alimentaire excite les industriels

Après la diminution de l’impact de chaîne de valeur via le développement de protéines alternatives, les industriels et les investisseurs s’intéressent particulièrement à la décarbonisation engendrée par la création alimentaire. L’innovation alimentaire est ainsi reboostée par la maîtrise de l’eau et la production des protéines d’origine animale. Le gros du problème sur lequel se concentrent les industriels n’est pas la production de protéines poulet mais réellement de celles des vaches et des protéines du lait. Pour autant, communiquer sur son écoscore n’est pas aisé. Il faut donc mettre en place des actions concrètes qui permettent d’impliquer le consommateur dans cette nouvelle norme de production et qui lui permettent, également, de consommer des produits en parfaite conscience.

Agricarbon, une startup basée au Royaume-Uni, a levé 9 millions de livres sterling pour ses services de mesure du carbone dans le sol. La mesure du carbone dans le sol est un élément clé de l’agriculture régénérative. En effet, si l’on ne mesure pas l’impact des nouvelles pratiques mises en place par les agriculteurs, on ne peut pas les valoriser correctement (au travers des crédits carbone et autres incitations).

 

La production de protéines à faible impact est un enjeu majeur pour diminuer les conséquences du réchauffement climatique

Les protéines alternatives suscitent l'engouement de milliers d'entrepreneurs et génèrent des investissements colossaux, tout en étant au cœur de débats passionnés. En tant qu'individus, influencer notre choix alimentaire représente l'un des moyens les plus tangibles pour réduire notre impact sur le climat. Les protéines animales sont directement responsables jusqu'à 18 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les startups de la foodtech ont encore du mal à convaincre les consommateurs dans cette nouvelle approche de leur alimentation.  Elles cherchent principalement à reproduire les produits d'origine animale que nous connaissons et apprécions, de la viande aux produits laitiers. Cette stratégie est considérée comme la meilleure manière d'accompagner les consommateurs dans la transition de la viande vers des alternatives, les transformant ainsi en véritables flexitariens.

Ripple Foods, une société basée aux États-Unis, a levé 49 millions de dollars pour développer sa gamme de lait aux protéines de pois et d'autres produits laitiers alternatifs. Même si l’écosystème végétal, dans son ensemble, ne se porte pas très bien, les ventes de produits laitiers d’origine végétale continuent de croître si le prix psychologique est conforme aux attentes du consommateur et si le goût est acceptable. Le cas échéant, il s’adresse à une minorité de consommateurs et ne parvient pas à dépasser les 20 à 30 % d’acceptation.

Ces startups de la foodtech se positionnent comme des options plus saines, bénéfiques pour la planète et respectueuses des animaux. Elles aspirent à offrir des alternatives allant au-delà de simples « substituts », visant à élargir la gamme des choix disponibles. Ensuite, une question subsiste concernant l’avenir de ces startups : comment financer et structurer l'industrialisation des protéines alternatives ? En effet, des dizaines de milliards seront nécessaires, dans la prochaine décennie, si nous voulons que les protéines alternatives aient un impact sur la trajectoire du changement climatique alors que d’autres formes de production de protéines conventionnelles semblent s’imposer sur la planète grâce à l’aquaculture notamment !

 

JALA, une startup indonésienne, par exemple, vient de lever 13,1 $M pour ses solutions destinées à l'industrie de l'élevage de crevettes. Nous observons un appétit croissant pour les fournisseurs de solutions/technologies pour l’industrie aquacole alors que 40 % de la population mondiale dépend des produits de la mer pour son apport en protéines. Mais, comme vous le savez certainement, nous sommes arrivés à une situation de surexploitation pour la plupart des poissons, bien souvent au détriment de l’équilibre marin. Alors, quelle serait la solution ? L'Aquaculture. C’est notamment le cas en Asie avec une croissance impressionnante de l’aquaculture. Jusqu’à récemment, la pisciculture était souvent rudimentaire et exploitée par de nombreuses petites et moyennes exploitations. Quant à « l’agriculture en terre », la digitalisation touche enfin l’aquaculture avec des startups locales dont Jala fait partie. Dans le reste du monde, on observe également de nouvelles technologies dans l’aquaculture, notamment pour la surveillance, l’alimentation ou le maintien de la sécurité des installations. Alors que tout le monde parle des protéines alternatives, il ne faut pas oublier que pour la plupart des consommateurs, « manger moins de viande » signifie souvent « passer de la viande au poisson ».

 

Cette année, le cabinet DigitalFoodLab met à jour sa courbe des tendances FoodTech, en ajoutant une couche d'analyse supplémentaire et en analysant l’atteinte du marché des adopteurs précoces, rendant mâture l’innovation ; c’est-à-dire l’atteinte d’un modèle commercial adopté par plus de 30 % du public cible visé.

 

 

À propos de DigitalFoodLab :

Fondé par deux entrepreneurs de la FoodTech, DigitalFoodLab est un cabinet conseil qui a pour mission d'anticiper le futur de l'alimentation pour aider ses clients à être les leaders de demain. DigitalFoodLab fournit des analyses de tendances ainsi que du conseil en stratégie d’innovation pour les acteurs de l’alimentation d’aujourd’hui et de demain, boostés par la technologie.

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