Soumise à un cadre réglementaire qui lui impose de contribuer au développement d’une alimentation saine et de réduire l’empreinte carbone de ses activités logistiques, la profession est également impactée par la crise du pouvoir d’achat et les arbitrages des consommateurs. Pourtant, les perspectives s’annoncent favorables pour les fournisseurs de la restauration si l’on considère que la France se rapproche peu à peu du modèle américain où la restauration pèse plus de la moitié du budget alimentaire des ménages, contre 30 % aujourd’hui en France. D’ailleurs, la restauration gagne régulièrement des parts de marché sur le commerce alimentaire et les repas faits maison. L’explosion du nombre d’établissements de fast food, de restauration collective et de débits de boissons ne dit pas autre chose (+ 20 % en 12 ans). Les produits alimentaires et boissons pour la restauration hors domicile ont généré un chiffre d’affaires en hausse de 9 % à 35 milliards d’euros en 2023 dont environ les deux-tiers entre les mains des 20 principaux fournisseurs. A court terme, les prévisions sont moins réjouissantes. D’abord, le rattrapage post-Covid est bel et bien terminé. Amorcé l’an dernier, le ralentissement de l’activité des restaurateurs persistera en 2024 et 2025. Cela affectera à l’évidence l’activité des grossistes alimentaires et cash & carry. L’activité des fournisseurs leaders de la restauration ne progressera plus que de 4 % en 2024 et 2,5 % en 2025 (en valeur). Or, proposer un large choix de produits à des prix compétitifs, ou un service logistique performant, ne suffira plus alors que la concurrence va monter d’un cran. Ils peuvent, en revanche, se positionner ou se renforcer sur des segments de marché en croissance. C’est, par exemple, le cas de gammes de produits pour les boulangeries, devenues des acteurs incontournables de la pause déjeuner. Les chaînes de boulangeries développent, en effet, des concepts de coffee shop à l’instar de Café Marie Blachère. Pour fidéliser les restaurateurs, les professionnels peuvent aussi jouer les accompagnateurs en proposant des solutions globales, y compris dans le non alimentaire (hygiène et nettoyage, mobilier…), et un bouquet de services (recrutement, comptabilité…).Pour devenir le guichet unique de leurs clients, les fournisseurs de la restauration vont devoir agréger et référencer des prestataires d’horizons variés. Avec son portail de services, Transgourmet a déjà fait un premier pas en ce sens.
Grossistes, cash & carry, producteurs exerçant une activité de vente directe aux restaurateurs, prestataires logistiques ou encore commerces de détail alimentaires : les fournisseurs ont des profils variés. L’activité reste toutefois concentrée puisque les vingt premiers en représentent les deux tiers, à commencer par Metro et Pomona. Nous estimons que la part de marché des grossistes (environ les deux tiers du marché) va se renforcer car ces acteurs vont poursuivre leur consolidation malgré l’échec du rapprochement entre C10 et Distriboissons. Ils doivent, en effet, massifier leurs achats dans un objectif de compétitivité prix mais aussi développer et sécuriser leurs approvisionnements locaux et bio pour s’aligner avec la loi EGalim. Selon nous, cette consolidation pourra se faire via des alliances entre groupements d’indépendants ou via des rachats de grossistes « suiveurs » par des grossistes leaders. Pour leur part, les enseignes de la grande distribution alimentaire tardent à développer des offres adaptées aux besoins des restaurateurs. Elle gagnerait pourtant à proposer des services spécialisés en magasin et en ligne. Des linéaires réservés aux professionnels pourraient permettre de réallouer des surfaces. Cela permettrait d’améliorer la rentabilité des hypermarchés et de rentabiliser plus rapidement leur activité e-commerce. Plus grand marché de gros au monde, Rungis est également un précurseur dans de nombreux domaines : circuits courts avec son projet Agoralim ou encore intelligence artificielle. En avance sur l’ensemble des fournisseurs de la RHD, son site Rungismarket.com regroupe les grossistes du marché et permet de proposer une livraison unique aux clients restaurateurs quand ils commandent auprès de plusieurs vendeurs.
Sous-équipés en sites et applications mobiles marchands, les professionnels doivent accélérer en matière de e-commerce. Pour conquérir les restaurateurs indépendants en général, les TPE-PME en particulier, le lancement de tels dispositifs est pourtant indispensable. Le digital est, en outre, au cœur de la stratégie des entrepreneurs- restaurateurs pour diversifier les services aux clients mais aussi pour optimiser leur business (comme la fonction achats entre autres). En tant qu’intermédiaires, les fournisseurs ont aussi le pouvoir de faciliter les échanges entre producteurs et consommateurs pour une valorisation optimale des productions locales. Les contrats tripartites et les plateformes numériques sont deux dispositifs pour renforcer les liens entre l’amont et l’aval. Aider les restaurateurs à valoriser les savoir-faire locaux auprès des clients est un autre axe possible de différenciation. Cela peut se matérialiser par le déploiement de supports publicitaires pour les producteurs locaux dans les salles de restaurant ou la mise en place d’animations pour promouvoir le « bien manger » en restauration collective. Les grossistes de la restauration ont également l’opportunité de s’associer à des marketplaces tierces d’approvisionnement en circuits courts. Ils peuvent leur apporter leur expertise logistique et ainsi générer de nouveaux revenus.
Communiqué Xerfi paru le 22 mai 2024.