Il y a des enseignes qui sont nées avec, sur la base d’un socle de clientèle communautaire et qui assument leur origine sans même se poser de questions et sans arrières pensées. Puis il y a les autres plus prudentes qui indiquent timidement en être, lorsqu’on leur demande, sans en faire un argument commercial affiché. « On ne le dit pas mais les clients le savent et on peut leur prouver ». Oui, le halal est un sujet sensible, clivant voire tabou en hors domicile pour les enseignes qui visent le plus grand nombre tandis que la grande distribution a passé le cap. Et il divise en France bien plus qu’ailleurs où la halal food est un qualificatif usuel, voire un atout marketing au même titre que le végan ou le bio. Que l’on soit pour ou contre, il n’en demeure pas moins que la demande halal est une réalité de marché et qu’elle ne cesse de progresser. Exemple de plus en plus flagrant, si pendant le mois du Ramadan, les enseignes halal accusent une baisse d’activité souvent de plus de 50 % (sauf pour celles qui ont largement ouvert leur spectre de clientèle), la restauration traditionnelle, nous dit-on, connaît, elle aussi, une érosion de son trafic de l’ordre de 20 %, selon les zones. Donc, soit on choisit de l’ignorer et on passe à côté des 8 à 10 millions de personnes de confession musulmane en France1, ou alors on choisit de convertir son offre en supprimant le porc et ses dérivés, voire les alcools, au cas par cas en fonction des implantations, voire de renforcer ses alternatives végétales. Peut-être faudrait-il, pour éviter la stigmatisation que le marché soit plus transparent, ne serait-ce que pour les personnes sensibles au bien-être animal. Selon Food Service Vision, la demande a progressé de 29 % entre 2021 et 2023 en hors domicile. Un constat qui fait écho à notre classement des 150 majors de la restauration rapide où l’on constate une vraie poussée des acteurs de la catégorie, qui pèse près d’1 Md€ de CA (soit 5 % de notre échantillon) drivés par des poids lourds tels Quick et O’Tacos, 8e et 10e de notre palmarès2. Ces derniers ont même réalisé une année 2023 exceptionnelle dans un marché morose en fin de période. Comment expliquer ce boom d’une restauration qui n’existait pas sous cette forme organisée il y a encore une décennie ? « Parce que cette communauté ne consommait tout simplement pas en restauration rapide en dehors des kebabs chez les indépendants ou des O-fish de chez McDonald’s dont la filiale France affichait à l’époque, des taux de prise exceptionnels. Et pour cause », explique un observateur avisé. Son explication sur ce succès ? Ces enseignes ont su conquérir les territoires délaissés par les grandes majors, pour tisser leur réseau. Mais surtout, plus que le halal à proprement parler, elles ont investi deux terrains négligés par les autres acteurs : le rapport quantité/prix qui a fait le succès des kebabs chez les jeunes notamment mais surtout la communication massive sur les réseaux sociaux, aux côtés d’influenceurs ou de figures médiatiques, voire sportives qui ont, pour certaines, créé leur propre marque. De sorte que l’inauguration d’un simple restaurant, outre de proposer souvent de la gratuité, devient un véritable événement, une fête partagée, likée, commentée. À méditer !