Et si le débarquement américain n’était finalement pas terminé ? Et si cette culture continuait de se propager subrepticement mais sûrement par la food ? Voilà bien une querelle de clocher ravivée à chaque incursion de l’Oncle Sam au pays de la gastronomie ! Souvenez-vous 1972… L’envahisseur, à l’époque flanqué d’un grand M jaune, prenait position en région parisienne et, déjà, le coq montait sur ses ergots pour s’élever contre cette atteinte à notre sacro-saint modèle français. 50 ans plus tard, c’est le même refrain quand Dunkin’, le leader mondial du donut annonce vouloir faire son trou au royaume du croissant. Son concurrent, Krispy Kreme, avait déjà lancé l’assaut, rejoignant la longue liste des majors américaines de restauration rapide à s’être mêlées à la bataille de France. Wendy’s ou Dairy Queen, qui ont déjà affiché leurs velléités, n’ont pas encore rejoint les troupes que l’on entend déjà les défenseurs de la cuisine gauloise s’insurger. Ainsi, notre « snacking », synonyme encore pour beaucoup de malbouffe « made in » Yankee moyen, ne serait-il pas finalement l’émanation vite digérée d’un impérialisme culturel américain ? La récente enquête menée par François Charpy, du cabinet Food Strategy & Performance, apporte néanmoins un éclairage différent et susceptible de tempérer ces réflexes tribaux. Celui-ci a passé au crible les 5 grands marchés européens afin de répertorier toutes les marques de restauration rapide y opérant sur au moins 50 points de vente. Bilan, sur les 48 chaînes recensées en France, 80 % sont bel et bien françaises, dominant tous les segments à l’exception du burger (McDonald’s) et du poulet frit (KFC). Nos enseignes « locales » représentent même près des deux tiers (60 %) des points de vente de restauration rapide dans le pays ! Loin devant le burger, la primauté revient d’ailleurs aux… boulangeries-sandwicheries, qui pèsent à elles seules 40 % des sites de restauration rapide en France avec 20 marques répertoriées ! Et 19 d’entre elles sont françaises ! Ainsi, même si le cadre de l’étude n’est pas exhaustif, on perçoit à quel point le processus d’acculturation en restauration, marqué par la réappropriation des saveurs et des us de consommation, offre au contraire un terreau formidable d’innovation pour l’entrepreneuriat français. Comme un retour à l’envoyeur, la volonté du boulanger Jean-François Feuillette de « désaméricaniser le coffee shop » avec son Café Feuillette (voir p. 32), où madeleines, pains perdus et financiers retrouvent une place aux côtés des cookies et brownies qui n’ont pas disparu, sonne comme un joli pied de nez ! Ce phénomène d’assimilation dépasse, d’ailleurs, largement le seul axe Paris-New York à observer les inspirations multiples des concepts émergents, dont ce numéro de France Snacking se fait une nouvelle fois l’écho. Passé en 20 ans de 13 000 à 53 000 points de vente, le snacking voit ainsi plus d’une vingtaine d’enseignes enclencher un mode développement chaque année selon une étude FEEF/Strateg’eat. Et il est bien devenu un secteur clé de l’économie française offrant de très belles opportunités de carrière diversifiées et accessibles, pour les jeunes comme les moins jeunes. Voilà de quoi remettre l’église, pour de bon, au milieu du village !