Le Syndicat National de l'Alimentation et de la Restauration Rapide (Snarr), dans un communiqué paru hier, tirait la sonnette d'alarme sur la proposition de loi déposée le 4 novembre 2024 par Anne-Laure Blin et Jean-Pierre Taite, visant à prolonger l’usage des titres-restaurant dans les grandes et moyennes surfaces. Ce projet, selon le Snarr, portait un coup dur aux acteurs de la restauration en raison des pertes économiques et des déséquilibres que cette extension génère. Le syndicat, dans son courrier, en appelait aux parlementaires à revoir cette proposition en proposant des solutions de compromis équitable pour répondre aux urgences tout en protégeant le secteur, au même titre que les boulangeries, boucheries et autres commerces de bouche, à qui près d’un milliard d’euros échappe depuis l’élargissement de l’utilisation de titres-restaurant dans les grandes surfaces. Une extension, adoptée initialement en réponse à une inflation élevée, qui n’a plus lieu d’être dans le contexte actuel où la hausse des prix est retombée à 1,1 % en septembre 2024. Ce cri d’alarme du Snarr qui fait écho à ceux de l'Umih et du GHR, qui soulignait le manque à gagner très significatif pour la branche et ses 48 000 établissements dans une période très difficile, devrait retentir de plus belle suite au vote, ce matin, d'un nouvel amendement qui noircit un peu plus le tableau.
Parmi les 22 amendements déposés, si le CE18, relatif justement à la pérennisation du dispositif d’extension, a été rejeté ce matin, en revanche, l’article additionnel CE22, porté par 4 députés dont Olivia Grégoire, ex-ministre en charge notamment de la restauration et qui connaissait bien toutes ses difficultés, a, lui, été voté. Et que dit-il in extenso ?
À l’article L. 3262-1 du code du travail, après le mot : « prix », le premier alinéa est ainsi rédigé : « d’un repas consommé au restaurant ou de tout produit alimentaire, qu’il soit directement consommable ou non, sauf ceux précisés par décret, acheté auprès d’une personne ou d’un organisme mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 3262-3 du même code. » EXPOSÉ SOMMAIRE : Alors que 96 % des salariés bénéficiaires des titres-restaurant déclarent souhaiter pouvoir continuer à faire des achats alimentaires avec leurs titres-restaurant et que plus de 60 % des salariés apportent désormais régulièrement leur repas pour déjeuner sur leur lieu de travail, l’objectif visé par cet amendement est de pérenniser leur utilisation pour l’achat de denrées alimentaires directement consommables ou non. Cette mesure répond à une demande forte des salariés et tient compte des évolutions de l’usage du titre-restaurant. Elle leur laisse la liberté de l’utiliser comme ils le souhaitent, sans remettre en cause son utilisation initiale dans les restaurants. Ces changements d’habitude dans la manière de prendre ses repas à la pause déjeuner, favorisant les plats faits maison et emportés sur le lieu de travail, ne sont pas un effet de la dérogation dans l’usage des titres-restaurant permise depuis deux ans mais bel et bien un profond changement d’habitudes des salariés depuis 2019 comme le démontre l’enquête réalisée par la Commission Nationale des Titres-Restaurant en mars 2024.
En clair, il autoriserait dorénavant à acheter tous types de produits alimentaires qu’ils soient immédiatement consommables ou pas. De source syndicale, cet amendement, s’il était finalement retenu dans sa forme, transformerait du même coup le titre-restaurant en véritable titre alimentaire et détournerait une partie des clients des commerces de bouche vers la grande distribution. Un véritable cadeau injustifié aux acteurs de la grande distribution, s’élève-t-on du côté des représentants de la profession. Si le texte doit encore passer par le Sénat et s’il était définitivement voté en l’état, il aggraverait encore davantage l’hémorragie dans une période où les faillites se multiplient et où les commerces de bouche cherchent un nouveau souffle.
Si dans son communiqué d’hier, le Snarr actait les conséquences négatives de cette réforme, le syndicat proposait plusieurs solutions concrètes, parmi lesquelles l’autorisation de l’usage des titres-restaurant dans les restaurants les dimanches et jours fériés. Une mesure qui permettrait de compenser les pertes dominicales, un jour représentant jusqu’à 15 % des ventes hebdomadaires de nombreux restaurants. Autre piste, la mise en place d’un double plafond journalier pour l’utilisation des titres-restaurant et l’importance de réaliser une étude d’impact détaillée avant d’adopter toute réforme structurelle qui risquerait de nuire à l’équilibre économique du secteur. Pour la déléguée générale du Snarr, Esther Kalonji, cet amendement, « consitue un nouveau cadeau injustifé à la grande distribution ».
Pour l'heure, et suite aux derniers rebondissements, les syndicats professionnels devraient se concerter pour crier d'une seule voix, leur opposition à ces cadeaux, que d'aucuns jugent injustifiés à l'égard de la distribution.