A mi-chemin entre artisanat, restauration rapide et salon de café, Victorine propose depuis quelques semaines ses services et ses bressanes, déclinées en sucrées et salées, au coeur du 3e arrondissement lyonnais, à deux pas de la Part Dieu. Déborah Girardet aurait pu naturellement reprendre la voie tracée par ses parents, à la tête de plusieurs boulangeries Victor & Cie en banlieue lyonnaise. Mais très vite, elle prend conscience des contraintes du modèle traditionnel. "Le développement en boulangerie, c’est de plus en plus complexe", explique-t-elle. Difficultés à recruter, pression immobilière, besoin d’horaires étendus, gestion du personnel... Le modèle artisanal est exigeant. Et lorsque l'on envisage la franchise aujourd’hui, constate-t-elle, les personnes intéressées ne sont plus forcément des professionnels de métier, mais souvent de simples investisseurs. Pas compatible avec sa façon de voir les choses. Alors, plutôt que d’abandonner complètement l’univers dans lequel elle a grandi, Déborah a décidé d'imaginer une sorte de « spin-off » de Victor & Cie. Son choix s’est porté sur la brioche bressane servie dans la boulangerie familiale, qu’elle a décidé de revisiter, de creuser, de se réapproprier en élaguant tout ce qui alourdit le modèle pour en faire un lieu plus simple, plus agile, plus en phase avec les usages contemporains. Et surtout, plus facilement duplicable en gardant, bien sûr, l’essence des produits maison, des approvisionnements locaux et de la culture familiale.
Le déclic viendra lors d’un brainstorming avec une agence de communication. "Ils m’ont dit : tu as un super produit, c’est la bressane. Fais-en ton étendard", raconte-t-elle. Ce petit disque de pâte levée garnie de crème et de sucre, spécialité de la Bresse, est un produit de terroir, familier et pourtant sous-exploité. Mieux encore, après réflexion, le produit, à l’image d’une pâte à pizza recèle d’un vrai potentiel en se prêtant à toutes les variations en sucrée, comme en salée, végétarienne, gourmande, de saison, revisitée… Le défi est alors de transformer ce produit traditionnel et économique, en base de restauration rapide. Déborah développe, avec l’équipe des boulangers maison, une pâte à brioche allégée, neutre, ni trop sucrée ni salée, pré-poussée et surgelée, à base de farine locale des Robins des Champs et présentée en plaques calibrées. Le résultat est à la hauteur de ses attentes, explique Déborah avec une pâte prête à l’emploi, facile à garnir et à cuire en quelques minutes en show-cooking. Le tout sans perte de qualité, et sans nécessiter une main-d’œuvre ultra qualifiée sur site. Un tour de force technique au service d’une vision simple, celle de rendre l’artisanat accessible, sans le dénaturer.
Chez Victorine, l’offre est claire et généreuse avec six recettes salées dont la fameuse “Lyonnaise”, à base de crème, moutarde à l’ancienne, saucisson lyonnais, Saint-Marcellin et emmental rapé et quatre recettes sucrées autour de la praline, du choco-noisette, du chocolat blanc-framboise ou tout simplement du sucre. Chaque plaque est pensée pour être découpée en douze parts égales, vendues toutes, quelle que soit la garniture, à l’unité à 3,30 €, ou en formule déjeuner à 11,90 € avec boisson. Une carte pensée pour les différents moments de la journée, du snacking à l’assiette complète, dans un lieu chaleureux, aux codes graphiques soignés qui emprunte le bleu à la- maison familiale en y ajoutant du rose, pour une touche féminine et girly affirmée. Mais Victorine ne s’arrête pas là ! L’offre se complète de sandwichs focaccia maison, dont le “Lyonnais”, dont la recette est un clin d’œil à la cervelle de canut (fromage ail et fines herbes, saucisson, pistaches hachées). Et pour les becs sucrés, outre les bressanes choco, praline..., il y a aussi les brioche rolls à la crème de praline ou chocolat blanc-framboise qui offrent une alternative aux desserts industriels, bannis de la carte tout comme les autres inspirations américaines. Le tout est, bien sûr, accompagné d’une sélection pointue de boissons chaudes et froides depuis les déclinaisons du café au golden latte, en passant par les thés glacés maison, sodas detox (citron-concombre, fruits rouges épicés), citronnade, le tout à base d’eau filtrée, sans canettes, dans une logique écoresponsable que la maîtresse des lieux défend avant tout.
Pensé pour être duplicable, le modèle Victorine a donc arrêté des process simplifiés, des ingrédients pré-dosés, des équipements calibrés pour fonctionner avec deux à trois personnes maximum. Les plaques de 40 x 40 cm permettent un rangement optimal dans le comptoir créé sur mesure, et les recettes sont pensées pour alterner bressanes signatures et saisonnières. Le concept s’inscrit aussi dans une logique de franchise avec un ticket moyen maîtrisé (entre 6 et 12,90 € selon l’heure et l’offre choisie), une gestion RH allégée, et une forte identité visuelle et produit. Comme l’affirme Deborah, Victorine est un modèle de restauration singulier et spécialisé, flexible et incarné. Et surtout, ancré dans sa région. Si, pour l’heure, l'enseigne prend ses marques, l’avenir pourrait bien être aussi ailleurs. L’entrepreneuse, qui a fait ses armes à l’Institut Bocuse, devenu depuis Lyfe, ne cache pas son ambition de développer le concept mais sans jamais sacrifier l’essence d’un lieu qu’elle souhaite à taille humaine, chaleureux, avec une histoire à raconter.