Face à la baisse structurelle de la consommation de pain en France, la plupart des boulangeries se sont tournées vers la vente de produits de petite restauration. Elles se retrouvent ainsi en concurrence frontale avec la restauration rapide. Sandwichs, pizzas, quiches, burgers et autres boissons génèrent aujourd’hui 35 % du chiffre d’affaires des terminaux de cuisson et 17 % de celui des boulangeries. Au total, ces produits de snacking commercialisés dans les enseignes de boulangeries pèsent trois milliards d’euros et représentent 10% du marché de la restauration rapide. Pour renforcer leurs positions sur le marché de la pause-déjeuner, les grands réseaux ne ménagent pas leur peine pour étoffer leur offre de snacking. Certaines grandes enseignes proposent en outre des menus low-cost en réponse aux formules anti inflation des chaînes de fast-food. Marie Blachère commercialise par exemple un Menu Ptit Malin à cinq euros. D’autres encore n’hésitent pas à installer des espaces de restauration dans leurs points de vente, signe de la porosité croissante entre boulangerie et restauration. Pour s’implanter en centre-ville, les grandes chaînes ouvrent également des coffee shops, à l’instar du groupe Holder avec son concept Paul Le Café qui compte une quarantaine de boutiques.
Pour compenser la hausse des coûts de l’énergie et des matières premières, les boulangeries artisanales ont surtout augmenté leurs tarifs. Les prix du pain ont ainsi bondi de 17 % entre 2021 et 2023. L’élargissement de l’offre de snacking, la montée en gamme, le développement du parc de points de vente et la commercialisation via les plateformes de livraison ont également soutenu l’activité. Le chiffre d’affaires des boulangeries artisanales a ainsi progressé de près de 8 % par an ces dix dernières années pour s’établir à 18 milliards d’euros. L’activité des terminaux de cuisson a elle augmenté de moins de 6 % en raison de l’érosion du parc et du recul de la fréquentation. En revanche, les marges des enseignes ont souffert, la hausse des prix n’ayant pas suffi à compenser la flambée des coûts. D’ici 2026, leur situation financière devrait s’améliorer à la faveur de la détente des cours des matières premières. La croissance du secteur devrait, elle, toujours profiter de l’ouverture de points de vente mais aussi de moindres pressions sur le pouvoir d’achat des ménages. C’est d’autant plus vrai que de nouveaux investisseurs se montrent très offensifs dans le secteur de la boulangerie.
Rappelons au préalable que la coopérative agricole Invivo a racheté Boulangerie Louise tandis que le groupe diversifié Lov, déjà propriétaire des pâtisseries Ladurée et des boulangeries Liberté à Paris, a pris 35 % du capital de Boulangerie Ange en septembre 2023. La coopérative céréalière Arterris a, pour sa part, mis la main sur Occipain et son réseau de terminaux de cuisson La Panetière/Secrets de Pain. Trois exemples qui illustrent comment ces investisseurs essaient de reproduire le modèle à succès du partenariat Marie Blachère/Grand Frais en adossant un réseau de boulangerie à une enseigne multifrais. L’incursion de ces nouveaux venus devrait se solder par la multiplication des ouvertures de magasins sous enseigne et par une consolidation accrue du secteur. De quoi nuire aux boulangeries indépendantes. Précisons que les boulangeries s’imposent comme le premier commerce de proximité en France avec près de 34 000 points de vente.
Propos repris du communiqué de presse publié par Xerfi le 3 septembre 2024.