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#snackingunited. Jonathan Jablonski ‘Se réinventer face à une redistribution des cartes inéluctable’

20 Avril 2020 - 4734 vue(s)
Pour Jonathan Jablonski, fondateur de la cantine new-yorkaise Factory & Co, également président du Leaders Club, la période que nous traversons est inédite pour le secteur. Une crise qui était annoncée par l'association de restaurateurs depuis plusieurs mois et qui va redistribuer les cartes en appelant chacun à se réinventer. Il partage sur snacking.fr sa vision du moment et donne rendez-vous à la profession, le 21 avril à 10 h, lors d'un webinar organisé par le Leaders Club sur la question.

Qui est Factory & Co et quels étaient vos projets avant crise ?

Factory & Co, cantine new-yorkaise en format fast casual et qui existe depuis maintenant 10 ans propose une offre gourmande sucrée et salée pour toute la journée du gourmet burgers au bagels, en passant par les pâtisseries US et l'offre coffee shop. Aujourd’hui le réseau compte 20 restaurants pour un CA de 35 millions d'euros pour les 8 restaurants en succursales, les franchisés indépendants et grands comptes. Avant la crise, nous avions élaboré un plan ambitieux de développement en franchise pour atteindre 100 unités ouvertes à fin 2025  

Comment avez-vous réagi aux annonces de nos gouvernants ? Et quelles ont été vos premières décisions ? 

Nous nous attendions à des mesures draconiennes similaires à nos amis italiens. En revanche, il est vrai que l'annonce de fermeture fut assez brutale. Nous avons réagi avec beaucoup de sang-froid, afin de sécuriser nos sites, nos matières et rassurer les membres de nos équipes qui ont été autant surpris que nous par cette annonce. Je trouve que le confinement était une décision obligatoire et non discutable. Le déconfinement pour le 11 mai n’est pas à l’ordre du jour pour la restauration, peut-être pour la fin mai. Nous suivrons ce qui se passe chez nos voisins transalpins. En tout état de cause, il nous semble acquis que nos restaurants ne seront pas autorisés à ouvrir au début du déconfinement. Lors des premières annonces, de fermetures des établissements, nos premières décisions ont été de baisser le rideau dans tous nos sites en succursales. Beaucoup de nos franchisés ont suivi. Une partie de nos matières a été offerte à nos équipes, afin de les aider à faire face à ce qui arrivait. Ensuite de nombreux produits ont été donnés à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière qui est le plus proche de notre atelier central de production.

Pourquoi fermer l’ensemble de vos enseignes alors que la restauration livrée et à emporter restaient de celles qui pouvaient fonctionner. Envisagez-vous d’en rouvrir certaines ?  

Il y a plusieurs réponses qui vont dans ce sens. En premier lieu, il était hors de question de mettre nos équipes en risque. Ne sachant pas grand-chose de ce virus et n’ayant pas reçu de préconisations de l’état concernant les moyens à déployer pour protéger nos collaborateurs. Par ailleurs, 90 % de nos restaurants sont situés en centres commerciaux. Ces derniers étant fermés, la livraison y était malheureusement inadaptée. A ce jour, 3 unités en franchise restent ouvertes à la livraison via les plateformes Uber Eats et Deliveroo. Celles d’Odéon à Paris, de Marseille et de Lille mais au prix d’un protocole sanitaire stricte. Lille Faidherbe et Paris Odéon ont quasiment doublé leur CA livraison vs avant covid-19. Marseille vient de rouvrir cette semaine, nous n’avons pas encore de recul.  

Et sur le plan social et bancaire, avez-vous actionné les aides ?

En effet, sur volet social, nous avons activé le chômage partiel avec des accords positifs des Direccte. Côté trésorerie, nous avons sollicité nos partenaires bancaires pour décaler les échéances de prêts et demander les PGE. Nos demandes ont été acceptées mais il a fallu nous battre. Certaines banques ne voulaient pas jouer le jeu en nous proposant plutôt des découverts autorisés plus chers que les PGE !

Avez-vous entamé des discussions auprès des bailleurs pour demander des aménagements ou exonérations de loyer ? 

Non pas encore, nous laissons les syndicats et les fédérations propres à la restauration entamer les débats. Car la situation concerne l’ensemble des enseignes dont la grande majorité ne pourra pas absorber un report de loyer en ayant subi à la fois une fermeture complète depuis le 15 mars mais également des baisses de chiffre d’affaires significatives dès la fin du mois de février. De notre côté, nous entamons des discussions plus directes avec les bailleurs cette semaine. En effet, à ce jour, leurs seules propositions reçues consistent en un report du loyer d’avril qui serait à payer lors de la reprise d’activité. Ce n’est pas acceptable. Nous allons en effet nous asseoir autour de la table et écrire ensemble le futur. Ce qui passera évidemment par une demande d’annulation totale des loyers et charges pendant la période de fermeture. Mais la bataille n’est pas seulement là face à un combat qu'il faudra liver sur les 18 mois qui suivront le déconfinement. Qu’en sera-t-il des nouvelles habitudes des consommateurs que nous ne connaissons pas encore ? C'est l'une des grandes questions !

Côté solidarité, vous avez apporté votre pierre à l’édifice par une action auprès des soignants ? Pouvez-vous nous l’expliquer ?  

 

Il nous restait des stocks de matières et nous avons la chance d’avoir un magnifique atelier central de 1 600 m2 en région parisienne. Nous avons décidé de féliciter le personnel soignant qui subit des stress tout au long de la journée en leur apportant, comme nous savons le faire si bien, des petites douceurs. Cette semaine, l’opération sera réitérée pour la 3e fois et nous continuerons tant que nous pourrons le faire. On livre toutes les semaines 4 hôpitaux ou services différents, en moyenne 400 repas par session. Il s’agit de sandwichs fabriqués avec nos délicieux pains buns, des muffins, des cookies, des cakes et des cheesecakes individuels.

Quels vont être, selon vous, les effets de cette crise inédite sur la profession ?

Une redistribution totale des cartes ! On va devoir se réinventer. Et tout porte à croire que la livraison va prendre une place de plus en plus importante. A nous de nous adapter aux demandes et aux besoins de nos clients. Cette écoute du marché et des nouvelles réalités va déboucher sur une reconfiguration de certains espaces dans nos points de vente notamment pour faciliter la livraison et le click & collect. D’après certains experts économistes, notre profession pourrait subir des fermetures de l’ordre de 30 % du nombre de restaurants. Ce qui serait une situation dramatique pour notre corporation. Il faut espérer que les aides de l’Etat vont pouvoir accompagner les plus fragiles. 

Si vous aviez des conseils à transmettre, en tant que restaurateur d’une part et président du Leaders Club d’autre part, à des nombreux restaurateurs dans l’angoisse ?

Gardez le moral, il faut être positif et s’adapter à ce que le gouvernement français nous met à disposition. Nous avons une chance incroyable par rapport à d’autres pays touchés d’avoir des aides de chômage partiel, les PGE, les reports de charges… Prenez le temps d’analyser, anticiper la reprise, mettez vos équipes au centre des idées nouvelles, remettez les choses à plat, redistribuez les cartes, en un mot réinventez vous !

Nous annoncions au Leaders Club, grâce au travail de Frédéric Loeb, Vice-Président Tendances et Innovations de l’association, depuis quelques mois, une crise sans précédent. On est en plein dedans. Malheureusement, ceux qui étaient « borderline » avant cette période sombre vont avoir du mal à se relever. Profitez de ce moment difficile pour rejoindre le Leaders Club. C’est le moment de nous suivre et de partager avec toute notre communauté. Nous organisons le 21 avril un webinaire sur le rebond d’après crise avec des intervenants de qualité. Vous aurez une vision claire et précise de ce qui nous attend. 

Est-ce que cette crise vous appelle à vous interroger sur le rôle d’une association comme la vôtre, ses missions vis-à-vis des restaurateurs. Comment agit-elle en cette période ?

Notre association est née en 1993 lors d’une précédente crise économique où nous avions vu surgir en masse les bâtiments solos et la livraison (attentats de 1995 qui avait redessiné le modèle centre-ville au profit des périphéries). Notre but est d’imaginer au plus juste ce qui va se passer tant sur la question des tendances que des changements de comportements des consommateurs. Nous organisons chaque semaine des réunions internes pour véhiculer les meilleures informations et cette réunion de mardi sera très importante. Nous avons à date près de 400 inscrits. 

Comment envisagez-vous cette sortie de crise ? Un ralentissement dans vos projets de développement ?

Il s’agira comme je l’ai souligné de réadaptation nos concepts afin de rassurer les clients au maximum sur les pans de la sécurité sanitaire, sur la traçabilité des produits (en adaptant vraisemblablement la carte), sur de nouveaux plans d’accueils et des parcours clients réinventés. Pour être plus clair, il s’agit de mettre en place de nouveaux flux de distribution sur nos différentes marques. Nous avons la chance de maitriser plusieurs spécialités dans le groupe comme le burger, le healthy, le mexicain ou encore la pizza napolitaine…). On peut imaginer de nombreuses options pour un groupe comme le nôtre, comme de tout réunir sous un même toit pour livrer nos clients. Quant à nos projets de développement, nos ambitions restent entières. Sans doute certains projets seront-ils décalés.

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