Exercice périlleux que d’aucuns jugent glissant auxquels se sont livrés les deux cabinets d'experts Bleu Vert Concepts, dirigé par Sarah Jafarshad-Rajaei, et l’agence Twin piloté par Alexandre Bouvrain. Imaginer, alors que nous ne connaissons pas encore toutes les répcercussions que pourra avoir cette crise sans précédent sur la profession et sur les attentes de nos convives, à quoi pourrait bien ressembler le restaurant de l'après Covid-19 ? Si, bien sûr, tout n’est pas à prendre au pied de la lettre, ce sont autant de pistes et d’idées pour pousser à la réflexion. Si le cadre règlementaire de la réouverture par les pouvoirs publics sera sans doute amené à évoluer dans les premières semaines (il n'avait d'ailleurs pas encore été complètement fixé à l'heure où nous avons bouclé le magazine), les suggestions et astuces ne manquent pas pour anticiper le redémarrage !
Le point de vue de Sarah Jafarshad - Rajaei : la restauration a su s’adapter et sortir de chaque crise économique et/ou sanitaire avec des changements durables et bénéfiques. Si les cuisines se sont ouvertes pour donner plus de transparence aux consommateurs, le Covid-19 va générer des changements profonds dans les comportements. L’accélération du digital s’est imposée avec des applications dédiées, click and collect, livraison à domicile ou sur le lieu de travail. Il y a 2 typologies de conséquences dans les aménagements : celles qui sont ponctuelles pour protéger les clients (comme le plexiglass) et le personnel pour leur redonner confiance. D’autres vont se pérenniser comme la détection automatique pour les ouvertures pour éviter les zones de contact. Des changements importants sont aussi à attendre dans les surfaces et leur destination. Avec le développement du canal digital, la surface commerciale va être réduite a minima pour la clientèle qui déjeune sur place. Il faut aménager les espaces pour permettre aux clients qui viennent et emportent leur repas, de ne pas entrer dans le point de vente, en leur facilitant le retrait. Nous pouvons imaginer aussi le développement plus marqué des « dark kitchens », des laboratoires de production et cuisines partagés qui ne seront dédiés qu’à la production, la livraison et le retrait. A l’extrême, on peut pousser jusqu’aux lieux de retrait automatisés, sans contact humain.
#2 L'OUVERTURE
Le point de vue de Alexandre Bouvrain : la crise que nous traversons va être un véritable accélérateur de tendances qui, pour certaines, étaient des signaux faibles et qui auraient mis une génération avant de s’installer. Là, tout le monde, sans exception, a été projeté dans un monde nouveau. Confinés, les gens, en même temps qu’ils ont pris de nouvelles habitudes, ont ouvert les yeux sur le monde qui les entourait. La proximité a pris tout son sens, notamment les approvisionnements locaux. Pour autant, pandémie oblige, le rapport à l’autre a changé. A marche forcée, le digital s’est imposé à tous et avec lui tout un ensemble de nouveaux réflexes dont beaucoup devraient perdurer. En ce qui nous concerne, nous architectes, la donne va changer. Certes, les pouvoirs publics vont imposer de nouvelles règles de précautions, mais quelles qu’elles soient, il nous faudra demain créer des lieux plus hygiéniques, plus automatisés, plus canalisés dans leurs flux. À travers ce projet présenté ci-contre, nous avons voulu lancer des idées même les plus originales, à chacun d’y puiser des sources d’inspiration.