NovLaw Avocats renégocier son bail commercial durant la crise covid-19
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Restaurateurs, comment renégocier le loyer de votre bail commercial, pendant le couvre-feu?

21 Octobre 2020 - 2615 vue(s)
Comme un air de déjà vu…! Ce n’est certes pas le reconfinement, mais le couvre-feu rappelle de douloureux souvenirs. Une fois de plus, ce sont les restaurateurs qui se trouvent les plus impactés, obligés de fermer le rideau dès 21 h dans un certain nombre de grandes villes françaises. La situation est d’autant plus difficile à accepter que, c’est précisément dans ces agglomérations, que le montant des loyers est le plus élevé (Paris, Marseille, Lyon…). Se pose donc de nouveau l’épineuse question des négociations que les restaurateurs peuvent mener avec leur bailleur afin de tenter de trouver un arrangement, et ce, alors que la crise est annoncée pour durer. Pour nous éclairer sur la question, snacking a donné la parole à l'avocat Baptiste Robelin du Cabinet NovLaw qui évoque les différentes options.

Trouver une issue amiable : un intérêt commun pour les bailleurs et leur locataire

Il faut le marteler, car c’est une réalité : dans la plupart des cas, les bailleurs ont intérêt, tout autant que leurs locataires, à trouver un arrangement pour traverser cette période de crise.

Les bailleurs refusant de tendre la main à leur locataire risquent fort de se trouver dans une impasse : si le restaurateur est contraint de mettre la clé sous la porte et d’ouvrir une procédure collective, les dettes locatives se trouveront gelées le temps de la procédure, et il y a fort à parier qu’en définitive, le bailleur n’ait rien à récupérer.

Surtout, les propriétaires de locaux doivent comprendre qu’il ne sera pas évident de trouver un nouveau locataire capable de payer le niveau de loyer que l’on connaissait par le passé. Les liquidations judiciaires « sèches » attendues en 2021, et l’augmentation de la vacance locative entraîneront mécaniquement une baisse des valeurs locatives.

Dans ce contexte, permettre à leur locataire de passer le dur de la crise constitue clairement un intérêt pour les bailleurs : c’est d’abord leur seul espoir de recouvrer, à terme, tout ou partie des dettes locatives accumulées (avec des échelonnements sur la durée). Surtout, c’est la garantie de préserver un locataire avec un niveau de loyer négocié avant la crise, ce qui dans le contexte actuel constitue un atout précieux.

Et pour inciter encore davantage les bailleurs à adopter une position conciliante, on rappellera les mesures fiscales prises au printemps dernier par le Gouvernement, offrant aux bailleurs la possibilité de défiscaliser les abandons de loyer consentis entre le 15 avril 2020 et le 31 décembre 2020 (article 14B du CGI introduit par la Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificatives pour 2020).

Les pistes de négociation commerciale pour un accord gagnant/gagnant

On sait qu’il est souvent compliqué pour les bailleurs de consentir des abandons purs et simples du loyer. Ceci d’autant plus que les difficultés que l’on croyait temporaires (mars, avril, mai) sont annoncées pour une durée indéfinie, au moins jusqu’à l’été prochain selon les récentes déclarations du Président.

Dans ces conditions, plutôt que de proposer des abandons de loyer, on peut suggérer la mise en place d’une « clause de retour à meilleure fortune ». Ce type de clause prévoit que le bailleur consent à abandonner une partie du loyer aujourd’hui, tout en ayant la possibilité, dans le futur, de réclamer de nouveau cette dette si la situation du preneur s’améliore. Il est logiquement plus simple de convaincre le bailleur d’abandonner une partie de sa créance, s’il sait qu’il aura un espoir de la récupérer après la crise.

Autre possibilité : négocier la mise en place d’un loyer variable jusqu’à la fin de la crise, en annexant temporairement le montant du loyer sur le chiffre d’affaires. Le bailleur se trouvera ainsi associé à toutes les mesures que le restaurateur pourra prendre pour dynamiser son activité pendant le couvre-feu (organisations de dîners à 18 h, happy hour, vente à emporter…). De même, il profitera de toute augmentation de chiffre d’affaires qui pourrait résulter d’un assouplissement – même provisoire – des restrictions du couvre-feu.

Toujours dans l’idée d’un partage de valeurs entre bailleur et preneur, on peut envisager, dans certains cas, de convertir une partie de la dette locative en prise de participation au capital, afin d’associer carrément le bailleur à l’entreprise du locataire. Ce type de solution est souvent utilisée pour des groupes de taille importante (franchise, chaîne hôtelière, etc.). Cela peut avoir un intérêt, à condition évidemment d’avoir de bons rapports avec son bailleur et que ce dernier manifeste également un intérêt pour l’activité de son locataire. 

Le statut des baux commerciaux au soutien des locataires : révision triennale à la baisse

Si les négociations commerciales n’aboutissent pas, les restaurateurs peuvent également invoquer à leur profit les dispositions du Code de commerce pour renégocier à la baisse le montant du loyer.

En effet, on pense généralement à tort que la révision triennale du loyer du bail commercial prévu par le statut des baux commerciaux ne serait ouverte qu’au bailleur, pour solliciter une augmentation du loyer tous les 3 ans. Or, cette faculté de révision triennale est ouverte aux deux parties, et peut ainsi être invoquée par le locataire si les conditions légales sont réunies, à l’effet de solliciter une diminution du montant du loyer.

En l’occurrence, il est clair que la crise va entraîner de manière durable une baisse de la valeur locative. Indépendamment du nombre de locaux qui pourraient se libérer avec les liquidations judiciaires annoncées pour 2021, la plupart des quartiers ont vu leur zone de chalandise affectée de manière durable. Et toutes les zones semblent concernées, sans exception :

  • Les quartiers d’affaires souffrent d’un déficit de fréquentation avec le recours massif au télétravail ;
  • Les quartiers touristiques sont vides ;
  • Et même s’ils tirent un peu leur épingle du jeu, les quartiers résidentiels n’en demeurent pas moins impactés par le moral en berne des ménages et la baisse du pouvoir d’achat en période de crise.

Ceci peut être conjugué avec les politiques urbaines pour lutter contre le réchauffement climatique : à Paris, par exemple, toutes les mesures pour lutter contre les véhicules automobiles entraînent mécaniquement une baisse de la fréquentation de certains quartiers par les populations résidant en banlieue (phénomène qui a déjà pu être constaté par de nombreux restaurateurs). Il s’agit là encore d’arguments qui peuvent être invoqués pour solliciter des baisses de loyer.  

La négociation sous la protection du tribunal : conciliation et médiation judiciaire

Si le bailleur n’est sensible à aucun argument, il est toujours possible de le mettre sous pression en demandant au tribunal de commerce l’ouverture d’une procédure de conciliation. L’objectif de cette procédure est de parvenir à un accord amiable entre l’entreprise et ses principaux créanciers, pour résoudre les difficultés rencontrées.

En général, la conciliation est vécue par les parties comme l’antichambre des procédures collectives. L’administrateur judiciaire, rompu à ce type de procédure, saura bien souvent se montrer un négociateur persuasif, utilisant la menace de l’ouverture d’une procédure collective – et l’étalement forcé de la dette locative sur plusieurs années - comme un levier de négociation efficace. Attention cependant : cette procédure n’est pas permise pour les entreprises en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours.

Toujours dans l’idée d’une négociation sous la protection du tribunal, il convient de rappeler aux restaurateurs que le passage par une procédure judiciaire n’est pas forcément synonyme d’expulsion. Si votre bailleur vous a fait délivrer un commandement de payer, voire, vous a assigné, n’oubliez pas qu’il est possible de se défendre et de solliciter du tribunal la mise en place d’un échéancier pour apurement de la dette (jusqu’à deux ans).

Enfin, dans cette hypothèse, le locataire et son avocat auront toujours la possibilité de demander au tribunal l’ouverture d’une mesure de médiation judiciaire (les magistrats la proposent presque systématiquement aujourd’hui devant le tribunal judiciaire de Paris). Ces discussions en cours de procédure et sous la protection du tribunal, sont bien souvent l’occasion de parvenir, in extremis, à un accord équilibré entre les parties.

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