Eric Dujourd'hui RD Finance
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#snackingconnexion. Avec des aides en trompe l’œil, nous sommes en mode survie, Eric Dujourd’hui - RD Finance

11 Novembre 2020 - 3615 vue(s)
A la tête d’un groupe d’une trentaine d’établissements dont une douzaine de restaurants rapides Burger King et Starbucks, Eric Dujourd’hui se dit bien plus inquiet, à l’heure du second confinement, qu’il ne l’était en mars dernier. Seuls ses fast-foods sont ouverts aujourd’hui, après avoir finalement fermé ses coffee-shops. Il réclame non pas un plan de relance du secteur mais des mesures sérieuses et réelles de soutien. Il en va de la survie de nombreux restaurants aux portes de la faillite.

Comment le groupe est-il sorti du 1er confinement et en quoi cette crise a changé votre business model ?

J’avais prédit un retour très progressif à la normale suite au premier confinement lié à un certain traumatisme sanitaire du consommateur. Nous avons finalement été très surpris par la manière dont nos clients ont repris leurs habitudes notamment en restauration rapide. Chez Burger King et Starbucks, nos niveaux de chiffres d’affaires d’avant-confinement ont été retrouvés, portés par la forte poussée de la livraison et du drive. Sur ce segment, nous avons vécu des mois de mai et juin exceptionnels lors desquels, nous avons même battu des records de fréquentation sur certains jours. Pour la restauration avec service à table, le redémarrage a été un peu plus compliqué dans les débuts mais très vite la tendance s’est renversée avec des clients qui ont témoigné de leur envie de se retrouver à table. L’art de vivre à la française n’est pas un vain mot et ce retour en force nous a, à l’époque, rassurés quant à la pérennité des métiers de la restauration. Ce regain ne nous a pas permis de combler les 10 à 20 % de fréquentation qui ont fait défaut par rapport à l’an dernier. Manque que j’attribue aux réticences de certains clients au fait de se retrouver à table au restaurant mais aussi au protocole sanitaire qui nous a obligés à réduire d’un bon quart, notre capacité d’accueil. Jusqu’à la fin septembre tout allait bien avec un retour à une certaine normalité et nous n’avons pas jugé nécessaire de nous interroger ou de revoir nos modèles.

Comment avez-vous vécu l’annonce de ce 2e confinement et quel est votre état d’esprit ?

Nous avons beaucoup investi pour sécuriser nos collaborateurs, le cadre de travail et répondre au protocole négocié par nos représentants, avec les pouvoirs publics. Nous repartions plus rassurés malgré les règles sanitaires contraignantes pour tous, en cuisine comme en salle. Nous avions retrouvé nos clients, l’envie était forte aussi chez nos collaborateurs. Sans doute avons-nous cru trop vite à un retour à la normale même si on parlait bien d’une 2e vague probable. Mais la rapidité et la brutalité de son arrivée nous ont une nouvelle fois sonnés. L’électrochoc, chez nos clients, a été perceptible dès que Marseille a fait les gros titres. A partir du 20 septembre, la fréquentation a commencé à fléchir. Couplés au retour du mauvais temps, les clignotants orange ont commencé à s’activer un peu partout fin septembre. Si je pensais alors qu’on pourrait encore s’en sortir au prix d’un protocole encore renforcé, je n’ai pas vu venir cette seconde fermeture. Et les demi-mesures qui ont été prises vont forcément créer des demi-effets allongeant d’autant, l’incertitude et les délais de retour à des jours meilleurs.

Cette nouvelle épreuve va-t-elle avoir des conséquences sur vos organisations futures ?

Nous naviguons aujourd’hui à vue et il est devenu impossible de se projeter dans l’avenir. Nous devrions enregistrer au mieux, une baisse globale sur l’année de notre chiffre d’affaires (qui s’était établi à 60 M€ en 2019) de 30 à 40 %.  A une dizaine de jours du reconfinement, nos chiffres en restauration rapide ne sont pas au rendez-vous, ou du moins à la hauteur des performances du premier confinement. Il faut dire qu’il y a aujourd’hui du monde sur le terrain de la livraison et que la concurrence est vive. Quant à la mise en place de nouveaux canaux de distribution type click & collect voire livraison, dans nos affaires « traditionnelles », je ne pense pas qu’on soit formaté pour cela. Nos maisons offrent une expérience qui ne peut être partagée que sur place, c’est la force de nos brasseries et restaurants français. Le test que j’ai quand même mis en place à Reims, depuis une dizaine de jours, et qui me permet de récupérer à peine 10 % de notre CA habituel, ne m’encourage pas à investir plus largement sur cette voie dans le cadre de mes affaires actuelles. En revanche, la question se pose clairement sur mes futurs investissements, si nous sortons indemnes de cette période, avec des restaurants plus orientés vers la VAE et la livraison. Si un 8e Burger King, bien avancé, verra bientôt le jour à la Neuvillette, deux autres ouvertures sont pour l’heure reportées.

Quels sont vos projets ?

Nous nous plaçons plus en mode survie qu’en mode projet. J’avais indiqué, lors de nos échanges à l’entrée du premier confinement, que le nerf de la guerre, c’était bien la trésorerie. Une vérité d’autant plus réelle actuellement que nous sommes figés dans une situation sans activité, pour la plupart de nos établissements, mais qu’une partie des charges fixes court toujours. Les loyers, les crédit-baux, les abonnements, les assurances… et ce, face à un calendrier de réouverture inconnu. Sans compter que le chômage partiel ne constitue pas pour nous, contrairement à ce qui se dit, une véritable aide. Au mieux une mise sous cloche de nos salariés qui auraient été, sinon, placés en chômage économique devenant par voie de conséquence, une charge pour l’Etat. S’il nous faut, de toute manière, avancer les rémunérations en fin de mois, gardons à l’esprit quand même que les congés payés qui s’accumulent, restent à notre charge.

Et que penser des PGE qui ont été une bouée pour beaucoup, et dans lesquels nous commençons largement à puiser ? Nous sommes tous conscients qu’ils restent des prêts toxiques et qu’ils ajoutent de la dette, à la dette. Même si nous bénéficions d’un sursis pour le remboursement, il faudra passer à la caisse alors qu’il sera vital dans le même temps d’investir pour relancer la machine. Il est surprenant qu’on mette aujourd’hui les entreprises devant l’obligation de rembourser un PGE sur 4 ans alors qu’il couvre des pertes abyssales ! Il aurait été plus rassurant de le rembourser sur 10 ou 15 ans et de leur laisser ainsi la possibilité d’investir surtout s’il était assimilé (vu du côté bancaire) à des fonds propres. Tout le monde aurait été gagnant, l’Etat et les banques avec moins de dépôts de bilan, plus de recettes fiscales, et l’économie dans son ensemble avec un paysage commercial sauvegardé et des emplois préservés.

Nous sommes face à trop de questions qui ne trouvent pas de réponse aujourd’hui. Les incertitudes qui pèsent et l’absence de chiffre d’affaires nous font craindre le pire avec une addition qui, quoiqu’on fasse, devra être payée. D’autant que la 2e vague qu’on nous a promis deux fois plus forte que la première, risque de nous immobiliser deux fois plus longtemps. Alors faut-il croire le Président de la République et son slogan « Quoiqu’il en coûte » ? Ce qui est sûr en tout cas, c’est qu’il devient très urgent de parler de vraies mesures de soutien plus que de mesures de relance. Et qu’elles passent bien plus sérieusement que ce qui a été proposé, par la question des loyers, voire de la remise sur la table de la baisse de la TVA. C’est la survie de nos maisons qui en dépend.

Paul Fedèle Rédacteur en chef France Snacking Retrouvez Paul Fedèle sur Linkedin
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