Guillaume Aksil
Communauté

Assurances, que peut-on espérer? Avis d'expert

17 Décembre 2020 - 2208 vue(s)
Parmi les griefs actuels des restaurateurs, les assureurs sont, avec les bailleurs ou encore les émetteurs de titres-restaurants, parmi les premiers visés. On leur reproche leur manque de soutien à la branche en grande difficulté, le peu d'égard de certaines compagnies et même leur cynisme. Snacking.fr a interrogé l'avocat spécialisé Me Guillaume Aksil, avocat en droit des assurances pour en savoir un peu plus.

Les professionnels des CHR sont remontés contre les assurances et leur peu de soutien à la profession, qu’en pensez-vous ?   Il semblerait que ces dernières aient pourtant contribué à un fonds de soutien ? 


Les assurés du CHR ayant reçu des aides significatives ne sont que trop peu nombreux, c’est l’exception. La majorité ne s’est rien vu proposé, même lorsque les contrats permettaient une mobilisation de la garantie, d’où la grogne légitime. Pour preuve que la participation au fonds de soutien n’est pas suffisante, il a fallu que Bercy – et le Parlement - s’en mêlent, pendant la période du 1er confinement et ces dernières semaines encore.

Pourquoi tant de recours et ce chemin du combattant alors qu’un contrat d’Assurance est, par nature, factuel ?  Un restaurateur peut-il espérer récupérer quelque chose ? 

La grande majorité des contentieux concerne essentiellement AXA, il suffit de se rendre à une audience de procédure dans un Tribunal de commerce pour s’en convaincre. A ce jour, nous avons, à ma connaissance et concernant AXA, 11 Tribunaux de commerce qui se sont prononcés au fond dans des sens différents (= 33 juges [3 juges pour chaque jugement]) qui ne sont pas d’accord :
 ·         POUR AXA : BOURG-EN-BRESSE, TOULOUSE, BORDEAUX, LYON, TOULON ; 
 ·         POUR les restaurateurs : TARASCON, MARSEILLE [au fond], AIX-EN-PROVENCE [tribunal de commerce au fond en date du 30 novembre 2020], RENNES, PARIS, ANNECY [jugement du 24 novembre 2020 au fond]). Preuve que les choses ne sont pas si claires que ça…  D’autres assureurs, lorsque le contrat le permet, indemnisent spontanément. Lorsqu’on s’engage sur le terrain du contentieux, c’est qu’il existe plus de 50 % de chance de récupérer quelque chose, sinon on n'y va pas.
Pour preuve que les contrats ne sont pas clairs, les avenants adressés par la compagnie pour « clarifier » le contrat de base !

Est-ce normal que les compagnies ne remboursent que sur une base hors frais de personnel en chômage partiel ?  

Lorsque des aides de l’Etat ont été perçues, on doit les déduire de ce que l’assureur doit verser. Le problème c’est qu’in fine : les aides de l’Etat profitent aux assureurs – lorsque le contrat doit donner lieu à indemnisation – qui du coup, indemnisent moins.

Pourquoi, les interprétations divergent, selon les régions ? Comment les restaurateurs peuvent-ils s’y retrouver ? 

Il existe un principe général en droit : lorsqu’un contrat n’est pas clair, il s’interprète contre celui qui l’a rédigé. En assurance, si le contrat n’est pas clair, le doute profite à l’assuré, c’est constant.
Or, si, sur 11 juridictions (33 juges au total), il existe des divergences d’appréciation, c’est que le contrat n’est pas clair. Cela doit donc profiter aux assurés qui ne doivent pas hésiter à porter leur réclamation. Les assurés ne doivent pas se laisser dissuader par le discours d’AXA qui répand des idées fausses (ex. que le risque est inassurable par exemple).

Quelles sont les précautions à prendre aujourd’hui vis-à-vis des assurances ? Il y a, semble-t-il, un médiateur qui va être nommé.

Il faut s’entourer de l’avis d’un sachant (courtier, avocat en assurance …). L’ouverture de la médiation de l’assurance aux professionnels est heureuse, mais il est dommage que l’assureur puisse décliner la médiation en cas de « sinistres sériels », en série, ce qui est le cas ici avec les garanties pertes d’exploitation en raison du Covid 19. 

L’ennemi n° 1 pour les assurés, c’est le temps et j’aurais préféré que le Médiateur de l’assurance puisse se pencher sur cette question afin de gagner du temps et désengorger les Tribunaux.
Contrairement aux idées reçues, les avocats sont favorables aux médiations (la tentative de résolution amiable est d’ailleurs un préalable obligatoire avant d’entrer en voie judiciaire).

Il existe d’ailleurs un médiateur à Bercy pour lequel le recours est gratuit et confidentiel : https://www.economie.gouv.fr/mediateur-des-entreprises

Lincoln Avocats Conseil

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