Liberation.fr Dans la fabrique culinaire qui se dessine en ce moment à Lyon, capitale des «gueules», pendant le Sirha (Salon international de la restauration, de l’hôtellerie et de l’alimentation), les acteurs ne peuvent nous convaincre qu’ils savent anticiper, bâtir «l’alimentation de demain», alors qu’aucun d’entre eux n’avait prévu il y a vingt ans le développement du bio, du terroir ou l’exigence d’une qualité inspirée par la nature. Heureusement, il se passe pour l’alimentation ce qui s’est passé pour le vin, décrit par Roger Dion, professeur au Collège de France, expliquant que les consommateurs ont toujours le dernier mot quand ceux qui produisent veulent imposer leurs désirs. On ne lésine pas sur les superlatifs pour ce «Davos de la gastronomie»(sic) à Lyon. Tout est jugé «world» : les plus grands chefs «du monde», la Coupe du monde de la pâtisserie, la Biennale internationale du goût, le«plus long plateau de fromages du monde» sous le tunnel de la Croix-Rousse (1,7 km) pour la dégustation grand public, le World Cuisine Summit… Et la pression sur les milliers de cuisiniers présents est montée avec dix-huit concours dont l’acmé est le Bocuse d’or «mettant en compétition soixante pays» (re-sic). Tout Lyon, que Curnonsky (1872-1956) avait baptisé «capitale mondiale de la gastronomie», vibre aux jeux d’un grand cirque culinaire. Comme si les Master Chef, Top Chef et autresCombat des régions (re-re-sic) dépassaient la réalité de la télé en descendant dans l’arène du grand public.