Depur Expériences à propos de l'engagement en restauration et foodservice post covid-19 pour snacking
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Post-Covid 19, les nouveaux engagements du F&B : et si c'était (enfin) la fin du Bullsh-eat?

14 Avril 2020 - 5985 vue(s)
Après les épisodes 1 et 2 consacrés à la restauration d’aujourd’hui et de demain mais aussi la mort annoncée et probable du fonds de commerce, l’équipe de consultants de Depur Expériences a exploré les risques et opportunités d’une communication autour et post Covid-19. Ceci face à un consommateur qui a aiguisé sa propre conscience et doute de la sincérité des marques et des enseignes. A l’heure d’une restauration sans contact, où la marque employeur va prendre tout son sens, comment faire vivre une expérience sincère et palpable, en confiance et sans tomber dans une démarche aseptisée et surjouée ? C’est l’équation à laquelle répondent ces experts spécialisés dans le foodservice et les tendances.

Après la crise de la Vache Folle de 2001, c’est tout le monde du F&B qui s’est réveillé avec la gueule de bois. La stupeur et la colère ont laissé place à la prise de conscience, la rupture de mœurs, les changements de comportements consommateurs. Puis, ce fut la fraude à la Viande de cheval en 2013 qui a enfoncé le clou. Autant d’éléments choc qui nous ouvrent les yeux sur une terrible réalité héritée de l’industrialisation de la food des années 90’s : la sécurité alimentaire n’est assurée ni par les marques consommateurs, ni par la grande distribution et dans leur sillage, ni par les enseignes de restauration. Par effet miroir, ces 20 dernières années ont été alors marquées par un fabuleux contrepied : les cuisines se sont ouvertes, les labels et les certifications ont explosé, les terroirs sont réapparus, la tradition du passé empreinte de convivialité est (re)devenue branchée parallèlement à l’apparition d’une nourriture « Santé » de proximité où il est surtout question de donner plus de sens à ce qui nous est proche. Un vent d’authenticité embrase alors la France élevant le « petit producteur » au rang de héros d’une nation gastronomique qui, un temps, avait perdu de sa superbe. Mais sommes-nous allés trop loin ? N’y a-t-il pas comme un sentiment de retour en arrière tant on nous rabâche à longueur de journée que les marques et les enseignes ont un impact positif pour la planète ? 

Quel leader du foodservice être demain ?

Cette rupture du Coronavirus à laquelle on assiste met en lumière tout le paradoxe entre le discours et les actions. S’engager sur Facebook, est-ce vraiment s’engager ? Alors chez Depur Expériences, le débat qui nous anime pendant cette transition imposée tourne autour de la question de « Quel leader du F&B être demain » ? Comment s’engager, comment le faire savoir et comment mesurer les réels bienfaits ? La question n’est-elle pas plutôt : « Pourquoi le faire savoir ? ». Voici une plongée au cœur de ce qu’appellent les anglo-saxons : le « F&B Impact Investment » où « faire et dire » peuvent se conjuguer ? 

Les Prisunic sont devenus des Bio, c’est Bon 

La bonne nouvelle, c’est que le monde du F&B est devenu de plus en plus conscient :

- de son impact sur l’environnement avec l’apparition de la revalorisation des déchets et de l’empreinte bas carbone.

- de son rôle d’inter-connecteur entre filières, producteurs et distribution hybride.

- de sa capacité à développer et à protéger des talents.

- du lien qui le relie à la santé publique.

Filtre sociétal et lanceur de tendances, le marketing des produits, à l’instar des marques distributeurs, est lui aussi parti en mission ces 20 dernières années pour aller raconter au consommateur ce qu’il avait surtout besoin d’entendre pour le rassurer. Le trio gagnant : le commerce équitable d’abord, puis vient le goût du vrai avec le retour promis du fait-maison et plus récemment, la véritable marque France. Mieux qu’être conscient, il semble qu’il faille surtout le clamer sur les réseaux sociaux érigés en guise de porte-voix. Les enseignes elles-mêmes se racontent autrement. Les Freetime, Uniprix, Mamouth d’antan laissent place à Naturalia, Bioburger, ou encore Michel et Augustin d’aujourd’hui. On ne parle pas Food si on ne parle pas des valeurs de la Food. Surtout quand elles visent à renforcer le sentiment de sécurité et de bien-être. Qu’on se le dise malgré tout, mieux en être que pas du tout ! On ne reviendra plus en arrière. Impossible d’imaginer une carte de restaurant sans une petite appellation contrôlée (au fait, contrôlée par qui ?) ou un fromage de la ferme de « petits » artisans en Vendée… 

Les plus « responsables » résistent mieux

D’ailleurs, il est intéressant de noter qu’une étude de la banque américaine Merrill Lynch montre que les entreprises cotées en bourse « socialement responsables » et répondant aux nouveaux critères E.S.G. (Environnement, Social, Gouvernance) sont celles qui ont le mieux résisté au krach de ce dernier mois. En d’autres termes, l’éthique d’une entreprise, son implication dans la vie publique, sa bonne réputation, le bien-être de ses employés, sa politique de rémunération, tout cela contribue à lui donner de la valeur. Malheureusement, dans le monde du F&B, tout le monde raconte la même chose : on est les meilleurs, on a les meilleurs produits issus des meilleurs producteurs, on a des recettes de grand-mère et on fait attention à la planète. C’est devenu le SMIC de la communication du secteur Food. Grâce ou à cause du Coronavirus, la vérité nous saute aux yeux. À mesure que « s’engager » est devenu l’argument de vente n°1 tous secteurs food confondus, le consommateur a aiguisé sa propre conscience et, cherchant toujours plus de sens à consommation, il doute à nouveau de la sincérité des marques et des enseignes. Pire encore, cette crise met en lumière, montre du doigt, démasque et amplifie les phénomènes… 

Coronawashing, le paroxysme de la vraie leçon du Coronavirus 

Issu des pages du journal de Lausanne, le terme fait référence au Greenwashing (né début 2000) qui consiste à user de l’argument écologique à des fins marketing.  En effet, depuis le début du confinement, pleuvent des initiatives de soutien de la part de chefs et enseignes qui offrent aux combattants de cette guerre sanitaire (personnel soignant, caissières, livreurs…) tout ce que le F&B a fait de de mieux ces dernières années : de bons petits plats chaleureux, faits maison, bienveillants, ornés de packaging toujours plus responsables et de hashtags bien sentis. Toutes ces actions sont bien évidemment remarquables. Pourtant et légitimement, de nombreuses critiques s’élèvent comme un retour de boomerang : tous ces élans sont-ils sincères ou est-ce par opportunisme que chaque communication évoque solidarité, don et empathie ? Les réseaux sociaux allant même jusqu’à comparer la période actuelle à celle de la Saint-Valentin ou de la Journée internationale de la Femme où l’on peut se demander ce que les marques et les enseignes font le reste de l’année… Ce procès d’intention est parfois injuste tant le moment est troublé.  Mais ces déclarations doivent être l’occasion d’une nécessaire (ré)adaptation. Une nouvelle séquence s’ouvre pour la notion d’engagement et de responsabilité. Car voilà l’enseignement majeur : la communication a ses limites, et qui plus est dans la restauration. Les discours seront demain encore plus mis à mal s’ils ne sont pas suivis de preuves tangibles pour les consommateurs. Et au-delà des déclarations, il s’agit de reconstruire la confiance car une enseigne a cette noble responsabilité de protéger. Et sans confiance, pas de retour des clients ni même des salariés. 

Repenser les process et le parcours sanitaire 

Sur le terrain, il est nécessaire de repenser au plus vite les process de la restauration rapide et notamment le parcours sanitaire offert tant aux clients qu’aux collaborateurs. On parle depuis le confinement de « restauration sans contact » : respect des distances, création d’une nouvelle signalétique pour rendre plus concrets les modalités de transformation des matières premières, activation d’une livraison pleinement sécurisée (les plateformes de logistique vont devoir jouer un rôle essentiel), accentuation du Click & Collect avec, si possible, un point retrait hors du point de vente, double packaging pour la vente à emporter dont l'activité va s'accélérer après le 11 mai (elle est autorisée aujourd’hui ??? (à l’heure où nous écrivons ce dossier, aucune date n’a été actée pour le déconfinement de la restauration traditionnelle).  Rapidement aussi les valeurs de marques devront être repensées car le mode de communication et les territoires d’expression sont appelés à devenir de véritables crash test. L’équation n’est pas simple à résoudre mais l’enjeu véritable est là : faire vivre une expérience sincère d’incarnation la plus palpable possible pour satisfaire et valoriser les nouvelles attentes des clients sans pour autant tomber dans une démarche aseptisée et surjouée. Plus que jamais, les maîtres-mots du F&B post Coronavirus sont sécurité, responsabilité, convivialité et fidélisation.  

Depur

La marque solidaire et collaborative 

Et si demain, on modifiait tout le sens de la communication F&B en orientant les discours vers l’action en direction de ses collaborateurs d’une part et d’autre part vers les acteurs de la restauration ? Ainsi, il s’agit surtout d’investir plus massivement sur sa marque employeur et plus largement sur ses collaborations visant entraide et synergies. Étant un collectif de consultants, commençons par nous-mêmes… Chez Depur Expériences, nous avons pris part à ces actions de solidarité pendant cette période mais nous avons pris une décision collégiale : celle de ne pas le faire savoir à l’extérieur de l’entreprise car nous sommes arrivés à la conclusion que l’intention était déjà suffisante pour nous en rendre fiers. Les nouveaux courants de pensées RH évoquent de plus en plus ce principe de « Sharity » (contraction de share et de charity) pour lequel faire du bien à l’autre serait avant tout une action en partage. Une étude de 2017 du Labor Institute du MIT nous apporte à cet effet un éclairage précieux : passer un certain niveau de rémunération (celui qui nous permet d’assurer l’essentiel pour vivre honorablement), le rapport de motivation et de fierté des équipes entre un dollar supplémentaire gagné et gardé pour soi et un dollar supplémentaire gagné et redistribué sous forme d’une cagnotte entre collaborateurs pour des associations locales est de 1 à 20 ! On peut alors émettre l’hypothèse que l’engagement et la responsabilité sont avant tout des actions de communication interne qui visent à renforcer le sentiment d’appartenance, la fierté de défendre les couleurs de son entreprise et de mettre au cœur de l’action son meilleur ambassadeur : le collaborateur. 

Offrir une expérience collaborateur

Demain, les concepts F&B devront être encore plus pensés en ce sens : offrir à ses équipes une véritable « expérience collaborateur » différenciante pour les protéger, s’assurer de leur bien-être (financier et moral) et les valoriser dans leur propre empreinte sociétale. Aussi, souvent imaginés pour les clients uniquement, et même si parfois on peut déplorer un manque d’espace, les design devront être plus fluides opérationnellement pour les collaborateurs qui, à leur tour, seront plus fidèles et plus enclins à coopter leur réseau pour les futurs recrutements.  Aussi, nous pressentons (enfin) qu’une économie collaborative physique est en train de naître où unir nos forces BtoB est une chance à saisir pour satisfaire les clients finaux, affronter les turbulences à venir et servir cette notion de responsabilité qui nous engage tous : bailleurs et locataires ensemble pour un commerce plus équitable, restaurateurs voisins d’un même quartier qui centralisent leurs achats F&B et leurs actions marketing pour un commerce local plus fort. Avant de clamer ses actes sur les réseaux sociaux et viser une respectabilité de la part de clients, nous incitons les acteurs du F&B à rapidement repositionner l’action du quotidien en direction des collaborateurs et des partenaires car ce marketing de réseau est plus efficace sur un plan symbolique et humain, et au final beaucoup plus rentable. 

F&B Impact Investment 

Cette crise sanitaire nous révèle une autre crise, plus lancinante encore, celle du Leadership. Les critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) évoqués plus hauts nous le rappellent dans leur définition : l’Environnement et le Social sont les décisions de la Gouvernance. Se dire « engagé », c’est d’abord être exemplaire. L’Impact Investment, alors c’est quoi ? Basiquement, c’est l’art d’aligner les discours et les actes, et en d’autres termes, faire ce qu’on dit et dire ce qu’on fait. Largement plébiscité en Grande Bretagne et aux États-Unis, le terme est généralement utilisé pour les projets d’aménagement d’ampleur chez les foncières immobilières. Les investisseurs de cette nouvelle finance plus engagée et plus responsable, ont à cœur de financer des projets qui gagneront de l’argent car sans argent, pas de réinvestissement dans d’autres projets.  Mais outre les critères financiers, d’autres enjeux viennent compléter leur décision d’investissement : quel impact sur le tissu local en termes d’emploi et de synergies avec les associations, quel impact sur la réinsertion sociale, sur la revalorisation des déchets, quel impact économique pour les locataires et quel équilibre dans la programmation entre chaînes et indépendants pour garantir une commercialité pérenne…autant d’éléments concrets ancrés d’emblée au cœur des projets. 

S’engager et redonner du sens

A Londres, tous les Food Market sont bâtis sur ces principes sans compter les actions caritatives mises en place qui permettent de reverser une partie des profits aux bonnes œuvres…et ce tous les jours de l’année. Naturellement, les clients le savent tous, et à l’image des pourboires, ils sont fiers de partager et ainsi contribuer à l’action collective. C’est cela la responsabilité des entreprises : aider son collaborateur et son client à aider les autres. Ainsi, chez nous, il appartient véritablement aux acteurs du F&B de se positionner dans une réflexion globale sur ses modes de commerce pour enfin (re)donner du sens. Le bullsh-eat a vécu : il devient tout aussi criminel de servir de la malbouffe que de servir des discours où les actes ne suivent pas sous peine de détruire la confiance.

Commentaires (1)
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Par Agathe le 17/04/2020 à 00:25
Bonjour, Article très intéressant. Je partage votre analyse. Trop d’effets de com, peu de preuves créent un brouhaha dont il va vite falloir se sortir pour émerger et être crédible. La restauration doit évoluer compte tenu de cette nouvelle crise qui ne sera malheureusement pas la dernière. Le déconfinement passé, dans notre secteur déjà cruellement en manque de bras, comment renforcerons nous la puissance humaniste et durable de nos entreprises ?
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