Vers une redistribution des cartes (aussi) dans la foodtech post Covid-19 ? L’avis de Matthieu Vincent, Digita
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Vers une redistribution des cartes dans la FoodTech post-Covid-19 ? L’avis de Matthieu Vincent DigitalFoodLab

13 Juin 2020 - 6060 vue(s)
Les investissements dans la FoodTech Européenne atteignent un nouveau record en se montant à 2,4 Mrd€ en 2019 alors qu’ils sont en recul partout dans le monde. C’était sans compter sur les effets de la crise sanitaire de la Covid-19 sans précédent et de la crise économique qui s’annonce. Pour en savoir plus sur le sujet, nous recevons Matthieu Vincent, co-fondateur du Cabinet Digital FoodLab, qui vient de publier deux rapports sur l’évolution de la foodtech en Europe et dans le monde. Décryptage.

70 % de croissance des investissements en Europe :  comment expliquer cette attractivité ?

Comme d’habitude, il faut relativiser : l'Europe ne pèse toujours qu'une petite partie des levées de fonds du secteur dans le monde (soit 14 % des investissements), mais la tendance s'est inversée cette année. Partout ailleurs, les investissements ont réduit, et les données dont nous disposons pour le premier trimestre écoulé confirment cette tendance. Cette performance s'explique notamment par l'arrivée à maturité de certains acteurs. Cinq des 2 000 start-ups (et plus) européennes qui ont reçu un soutien financier cumulent 58 % du montant total à elles seules : Deliveroo (500 millions), Glovo (deux fois 150 millions), Picnic (250 millions), Wolt (115 millions) et la française Ynsect (110 millions). Elles confirment ainsi, chacune dans leur secteur respectif, leurs résultats et des progrès prometteurs. Les investissements en Europe augmentent plus rapidement qu’ailleurs, ce qui fait du vieux continent une plaque tournante de l’innovation agricole, alimentaire et commerciale. Dans cet écosystème, le Royaume-Uni confirme sa position de leader, suivi de la France (avec Paris toujours en tête de ligne), l’Allemagne, les Pays Bas et les pays Scandinaves. L’Espagne se glisse en 4e position, notamment grâce à Glovo principalement et l’on constate que les pays qui mettent le plus en avant leur culture et identité culinaire ne sont pas en tête de ce classement ou en sont même absents, comme l’Italie, notamment. On peut donc se poser la question des habitudes et peut-être de la certitude de « savoir ce qui est bon et bien » pour nous au point de nous empêcher d’innover et de penser au futur !

Livraison de repas et de courses : pourquoi ces startups attirent 66 % des investissements mondiaux ?

La livraison est encore nouvelle en Europe et s’est installée avec succès partout dans le monde, au point de remporter le pactole des investisseurs. Ce niveau de financement traduit que seul le premier acteur du marché sera en capacité de l’emporter au final, notamment dans la livraison, ce qui représente un enjeu commercial et financier considérable. En Inde Alibaba investit massivement dans le secteur, d’autres start-ups comme La Belle Vie en France, ont récemment levé 11 m€, montrant ainsi que l’épicerie a aussi son mot à dire dans ce secteur.

Covid-19 : à quelles grandes révolutions va-t-il falloir s’attendre dans la foodtech ? 

S’il est encore trop tôt pour le dire, nous examinons trois grandes tendances émergentes dans la foodtech. En ce qui concerne les restaurants, nombreux sont ceux qui ont misé sur l’épicerie pour venir en aide aux consommateurs en cette période difficile.

C’est notamment le cas de Subway, mais aussi de Pitaya, du groupe Big Mamma pour n’en citer que certains, mais nous observons le même phénomène au niveau mondial. Au-delà de l’épicerie en elle-même, les marques et les enseignes tiennent à maintenir le lien avec les consommateurs pendant ces temps de crise profonde. Un bon moyen de pénétrer les placards et les frigos avec des produits intimes que le consommateur a envie de retrouver chez soi tout en s’appropriant l’intimité des marques. Des initiatives qui risquent de s’installer et se multiplier à la longue si elles sont bien valorisées. Autre fait, également, depuis quelques années, l’activité très conservatrice de la vente en gros de produits réservés aux CHR est visée par de nouveaux challengers plus digitaux en garantissant une bien meilleure expérience digitale comme l’allemand Choco par exemple ou le français Prestachef (snacking d'or 2020).

Avec la crise et la fermeture des restaurants imposée le 14 mars par le gouvernement plusieurs start-ups ont basculé vers le B2C et ont même étendu en quelques semaines leur zone de chalandise à tout le territoire, montrant l’agilité de leur structure. Elles permettent, par la même occasion, d’écouler des produits en souffrance de notre agriculture et prouvent qu’elles sont en mesure de s’adapter à toutes les circonstances en étant au plus proche des consommateurs.

Enfin, dernière tendance, les startups du foodservice et l’agroalimentaire : leur avenir et leur situation dépendra vraiment de la qualité de leur financement et de la pertinence de leur raison d’être. Si tout va bien pour les alternatives à la viande, bien que Beyond Meat n’ait pas réussi sa percée en Europe, il sera aujourd’hui d’autant plus compliqué pour les concepts produits aux business models instables et farfelus alors que le secteur évolue de plus en plus vers « l’innovation utile ».

Fooddelivery : bientôt des robots dans les rues ?

Avec la crise, la hausse des livraisons était inévitable et elle a été un véritable déclencheur de la digitalisation de la restauration, on compte d’ailleurs, en quelques mois, sur deux ou trois années d’acquisition client gagnées ! " Matthieu Vincent, DigitalFoodLab.

En Europe et pas si loin de chez nous, en Irlande, le stade de l’expérience tant attendue est enfin arrivé à maturité. Les drônes de Manna (photo) ont pu délivrer les plats et burgers des restaurants ; aux Etats-Unis les voitures autonomes, en partenariat avec Valmart et Kroger ont effectué leurs premières livraisons ; Alphabet, société mère de Google, s’est également lancée à la livraison alimentaire avec les drones. Les choses avancent incroyablement vite au bénéfice de la distanciation sociale avec les livreurs. A voir si les early adopters du foodservice qui ont déjà opté pour ces nouveaux services seront récompensés par leur audace et leur pugnacité.

Foodservice et agroalimentaire : quelles innovations vont émerger dans les mois à venir ?

Face à un consommateur fragilisé et une société sous perfusion, les secteurs de l’agroalimentaire et du foodservice vont nécessairement poursuivre leurs innovations misant sur l’innovation utile également. Tout ce qui aura du sens et pourra améliorer les processus en cours sera donc privilégié, c’est ainsi que la startup Lactips vient de lever 13 M€ en pleine crise alors qu’elle propose un emballage réalisé en bio plastique réalisé à partir d’excédents de production de lait, et protège par la même nos rivières et nos océans. Ce qui risque considérablement d’influer sur notre consommation en restauration également... compte tenu des nouvelles dispositions réglementaires. Dans un autre esprit d’ouverture avec les consommateurs et afin de garantir la transparence, l’implication de l’utilisateur devrait être amplifiée dans la création des produits avant leur mise sur le marché. Ce qui va considérablement bouleverser les processus de l’innovation.

Qui est DigitalFoodLab ?

DigitalFoodLab est un cabinet européen de conseil en stratégie et analyse des aliments. Il accompagne les entreprises du secteur de l'alimentation et des boissons à atteindre une croissance durable et supérieure en agissant sur les meilleures opportunités d'innovation. Il vient de publier deux rapports relatifs à l’évolution des investissements en Europe en 2019  et le second sur l’impact de la crise du Covid19 sur la FoodTech. 

Pascal Perriot Web Manager Suivez Pascal Perriot sur @perriot_pascal
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