Congrès du Snacking 2021 : vers une renaissance de la restauration grâce au digital post-covid ?
FoodTech

Congrès du Snacking 2021 : vers une renaissance post-covid de la restauration grâce au digital ?

2 Juillet 2021 - 6756 vue(s)
En l’espace de 15 mois, 85 % des chaînes de restauration commerciale ont adopté la commande en ligne (livraison et click and collect) dans leur stratégie alors qu’elles n’étaient que 17 % avant la crise pandémique selon les résultats du cabinet Food Service Vision dévoilés au Congrès du Snacking en exclusivité. Ces enseignes ont fait preuve d’une profonde résilience, d’adaptabilité et de créativité afin de réussir ce tour de force en un temps record. Un résultat payant qui permet à la filière de la restauration rapide française de limiter la casse avec « seulement » 16 % de recul en visites, en portant la dynamique de la filière food selon The NPD Group. Justement, ce nouveau segment de notre business model va-t-il s’installer durablement dans notre paysage ? Les indépendants, majoritaires en France, vont-ils pouvoir s’adapter à cette nouvelle normalité ? La 11e édition du Congrès du Snacking, qui s’est tenue le 29 juin à Paris, tombait à pic afin de préparer la rentrée qui s’annonce plus que jamais périlleuse…

Quel plaisir, après plusieurs mois successifs de visio-conférences, webinaires et rendez-vous en ligne qui auraient pu nous transformer en véritables « Zoombies », de se retrouver entre professionnels de la restauration, en chair et en os, à l'occasion du 11e Congrès du Snacking ! Si le digital nous a permis de traverser cette crise avec plus d’aisance qu’en temps normal, rien ne vaut le partage de l’expérience en vrai ! Bienvenue dans le Phygital ! Quand l’expérience du terrain rencontre tous les services que le digital nous autorise aujourd’hui. Et, avouons-le, sans cette avancée technologique, jamais nous n’aurions pu traverser cette crise hors du commun avec la même capacité de rebond ! A l’heure où l’économie mondiale s’emballe et que les prix s’envolent afin de faire face à la force de demande simultanée, quelles ressources digitales vont s’inscrire durablement dans la vie d’un entrepreneur de la food ?

 « Le digital est devenu banal » selon Philippe Goetzmann 

Lors du premier confinement, les consommateurs qui n’étaient pas convertis au digital se sont mis à le faire afin ne pas s’exposer aux contaminations. Le deuxième confinement, puis les couvre-feux successifs, ont permis un véritable glissement générationnel en faveur de la commande en ligne, du drive et du click and collect et de la livraison alimentaire. Nombreux sont les consommateurs qui ont trouvé ces nouveaux services digitaux plus faciles à utiliser qu’ils ne le pensaient et vont donc garder ces nouvelles habitudes durablement. Justement, selon l’expert en consommation Philippe Goetzmann, qui ouvrait les débats de cette édition du Congrès du Snacking pas tout à fait comme les autres, de nouvelles contraintes seraient en train d’apparaître. 

 

Philippe Goetzmann ouvre le 11e Congrès du Snacking - Crédits REA

D'abord, le facteur temps, inhérent à la progression de la restauration rapide ces vingt dernières années, favorisée par la croissance de la population française de plus de 10 %, tout comme de celle des ménages de plus de 20 % et la hausse de l’employabilité… « Dans ce contexte, La charge mentale pour faire à manger est très importante pour les consommateurs entraînant une consommation hors domicile qui va encore s’accentuer », pronostique l’expert. Deuxième facteur, l’espace. Nous télétravaillerons beaucoup plus qu’en 2019, entraînant inéluctablement un déplacement de la population en périphérie des villes plutôt qu’en hyper centre, ce qui va rebattre considérablement les cartes de l’attractivité de la restauration et des services de proximité dans les villes moyennes. Troisième facteur, le prix : au restaurant, l’expérience va se retrouver au cœur des concepts afin de justifier sa tarification, bien au-delà du besoin de socialisation des consommateurs. Dans le même temps, la livraison alimentaire à domicile, plus accessible est au cœur de la stratégie du retail qui ne va pas mettre longtemps à livrer ses « petits plats » à des prix très attractifs. De quoi amener Philippe Goetzmann à conclure que « Le balancier de la consommation alimentaire va repartir vers le hors domicile dans l’ère post Covid. Il va falloir être très bon sur ce terrain pour conserver ou reconquérir les « parts d’estomac » gagnées par le retail pendant la crise ».

Bienvenue en 2025 ! Le e-commerce a gagné 4 années d’acquisition client et fait un boom de 27 % dans le secteur alimentaire *

* Source Kantar World Panel 2021

Alors, demain, tous e-commerçants en restauration ? La crise a fait repenser les modèles et la manière de concevoir le business de nombreux artisans et entrepreneurs de la food en misant sur le segment de la commande en ligne comme une nouvelle activité. Il n'en fallait pas moins pour répondre aux besoins des consommateurs, bien décidés à utiliser ces nouvelles solutions digitales à cause du risque sanitaire.

« On ne peut plus opposer l’artisanal et le digital, bien au contraire ! » confirmait au Congrès du Snacking Christophe Girardet, fondateur du réseau de boulangeries Victor et Cie en région Rhône-Alpes. Il constate que le parcours d’achat s’est fortement digitalisé en 2020 et renforcé en 2021, en favorisant l’apparition de nouvelles formes de commerces alimentaires, de concepts hybrides off/online qui floutent la frontière entre hors domicile et domicile. Une nouvelle ère qui nécessitera de repenser les modes de production, de livraison et de communication.

La digitalisation au service de la restauration ? Table ronde animée par Paul Fedèle, en présence, de gauche à droite de Yves Hecker (Les Burgers de Papa), Sarah Princen (Napoli Gang by Big Mamma), Isabelle Bernardot (KellyDeli) et Pascal Perriot (Umameet).

C’est d'ailleurs dans ce contexte qu’est né Napoli Gang. En 2019, les fondateurs de Big Mamma n’envisageaient absolument pas de miser sur la commande en ligne afin de respecter l’expérience unique proposée dans chacun de leurs restaurants. « Nous avons souffert de la crise avec la fermeture de nos restaurants. Nous avons créé Napoli Gang avec l’idée d’aller en lutte contre la pizza junk food présente sur le marché », explique la DG de Napoli Gang Sarah Princen. Pour réussir le pari, en seulement 3 mois, une équipe est alors constituée, différente de celle des restaurants, les recettes de pâtes et de pizzas sont optimisées pour la livraison et le packaging est lui aussi personnalisé afin de répondre aux impératifs de la commande en ligne. Et place au grand saut !

Pour Maxime Buhler, cofondateur de Pokawa, l'enseigne de poke bowls née avec le digital en premier lieu, n'a pas subi le marasme de la pandémie en poursuivant son chemin et en enregistrant une croissance de 70 % malgré les fermetures administratives. "Au contraire, cette année à été celle de l'action et avons misé dans notre marque employeur car le succès vient surtout des collaborateurs dans les restaurants qui sont, eux, au contact des clients. Nous avons profité de la période pour développer notre application mobile qui s'inspire des best practices du secteur de l'entertainment. Elle verra le jour à la rentrée, positionnera Pokawa comme une marque lifestyle et sera réservée à un public d'ambassadeurs dans un premier temps".

Comment s'adapter à la nouvelle normalité en restauration (de gauche à droite) ? Nicolas Riché (Columbus Café & Co), Christophe Girardet (Victor & Cie), Maxime Buhler (Pokawa) et Maurizio Biondi (Big Fernand).

Pour Maurizio Biondi, le passage à la commande en ligne a permis à Big Fernand de maintenir un lien fort avec tous les franchisés et les collaborateurs de l'enseigne tout comme avec les consommateurs pendant cette période exceptionnelle. Malgré la réouverture des restaurants et l'abolissement progressif des contraintes sanitaires, il confirme que la commande en ligne reste un segment qui perdurera dans le business model de l'enseigne positionnée sur le gourmet burger à la française...

Connue pour ses kiosques en hypermarchés où des sushimen oeuvrent devant les clients, Sushi Daily, la marque phare du groupe KellyDeli, a aussi ouvert une cuisine centrale en région parisienne. L'objectif : pouvoir livrer le client chez lui ou dans des magasins de proximité. « Il est important pour la marque d'être présente aussi en dehors des hypermarchés de manière à affirmer notre rapprochement auprès des consommateurs », analaysait ainsi la directrice générale Isabelle Bernardot, au Congrès organisé par France Snacking. L'entreprise française a capitalisé, en outre, sur l'ouverture de sa cuisine centrale pour lancer une nouvelle griffe, Kalei Poke, surfant sur la vague des « poke bowls » et disponible seulement en livraison. « Le principe de dark kitchen accompagne le développement de notre portefeuille de marques et nous autorise plus de libertés », précise la dirigeante, qui à l’occasion des 10 ans de l’entreprise, s'est offert une nouvelle identité visuelle, plus proche de son ancrage japonais.

 « La livraison, plus qu’une interdépendance avec les plateformes, doit s’envisager comme une relation de partenariat, car personne ne souhaite miser sur la livraison en propre alors que l’automatisme des consommateurs est de passer à 70 % via les agrégateurs et que la recherche de rentabilité est impossible en zone urbaine ». Ce constat établi par Yves Hecker, le président des Burgers de Papa est assez équivoque. Réaliser des marges cohérentes est désormais possible en livraison, selon le patron de l'enseigne qui a profité de cette pandémie pour réviser ses offres, tant bien même que 85 % des établissements restaient ouverts durant la crise. Il a ainsi oeuvré à optimiser son mix opérations/marketing/technologie. La commande en ligne est aujourd’hui basée sur l’optimisation de la performance grâce à l’analyse de la data en restauration fournie par les agrégateurs offrant ainsi une vision ROIste… Une nouvelle manière de faire de ce segment un centre de profits à part entière et à  distinguer de l’expérience en restaurant dont les charges de gestion sont totalement différentes ! "Justement…", s’accordent à dire ces restaurateurs convertis.

Ne m’appelez plus jamais Dark Kitchen !

La Dark Kitchen peut en effet prendre des formes extrêmement diverses qui vont du point du retrait pour un consommateur, à un centre de production organisé en cuisines partagées permettant l’optimisation des dépenses mises en commun à la manière d’une cuisine Editions comme le propose Deliveroo ou bien Food'Lab à Lyon, venus témoigner de leurs expériences.

Table ronde "La Tentation des Dark Kitchens" en présence de Melvina Sarfati El Grably (Deliveroo France), Aubert Loury (Taster) et Adrien de Schompré (SmartKitchen).

« Le secteur de la livraison a connu une croissance de 100 % en 2020 », nous rappelait ainsi Melvina Sarfati El Grably, General Manager de Deliveroo France, qui mise sur une croissance comprise entre 30 et 40 % cette année, ce qui reste une formidable opportunité pour toute la filière. La dirigeante en profitait pour dévoiler en exclusivité au Congrès du Snacking une nouvelle étape du développement de Deliveroo en France : l'implantation à Bagneux d’un quatrième site Editions français pour le 4e trimestre 2021 : « Il va permettre à nos marques partenaires de rayonner dans une nouvelle zone, et à plus de clients d'avoir accès à leurs plats préférés en exclusivité », en choisissant ainsi, les zones résidentielles et les villes moyennes de l’Ile-de-France pour renforcer une emprise sur le marché alors que de nombreuses zones ne sont pas encore desservies.

Table ronde "Speed Dating Dark Kitchens" (de gauche à droite) : Raphaël Roques (Food'Lab), Benjamin Cavrois et Maxime Huet (DéliRoutine).

Raphaël Roques, cofondateur de foodlab à Lyon confirme : « La cuisine partagée permet de lancer un point de restauration en quelques semaines au lieu de plusieurs mois avec un investissement moindre et une rentabilité immédiate alors que le marché est porteur. Il permet, aussi, à de nombreux restaurateurs de créer de nouvelles marques qui correspondent à la demande actuelle, grâce à notre incubateur intégré. Qu’il s’agisse d’un concept de burger, de poutine et pourquoi pas de poke bowls indépendamment » !  A Lille, le concept DéliRoutine, ouvert lors du premier déconfinement a déjà été récompensé lors du 14e Grand Prix Commerce d’Unibail-Rodamco-Westfield 2021. Maxime Huet et Benjamin Cavrois, les cofondateurs invités à s'exprimer au Congrès définissent leur concept comme n'étant « ni un restaurant traditionnel ni une dark kitchen » mais un lieu de vie avec un foodmarket intégré. Ils annoncent d’ailleurs l’entrée au capital de Steve Burggraf, cofondateur de Big Fernand et de Polichinelle pour les aider à se développer après une année exceptionnelle…

Des lieux de restauration de plus en plus hybrides, Taster, lui, en a fait sa spécialité en proposant en pleine pandémie les licences de marques aux restaurateurs en quête de nouvelles solutions adaptées à la livraison et dans l’Europe entière. « La livraison s’est clairement ancrée dans les habitudes des consommateurs qui utilisent, selon le moment, leur envie, leur projet, ce canal comme ils le feraient avec un autre », explique Aubert Loury, le directeur des opérations de Taster qui, avec l’objectif de plus de 1 000 villes en Europe, démontre encore une fois que la livraison n’est pas qu’un feu de paille. A la condition, cependant, de créer des marques à forte résonnance auprès des consommateurs !

Enfin, SmartKitchen, représentée par son cofondateur Adrien de Schompré fait office cde nouvel OVNI dans la galaxie Dark Kitchen. La société a en tout cas bien l’intention de faire sa place sur ce marché encore naissant et qui a la faveur des investisseurs de la foodtech. En effet, SmartKitchen n’a pas misé sur des marques virtuelles mais se présente plutôt comme le porte-drapeau digital de restaurants physiques existants. SmartKitchen conçoit ainsi des cuisines adaptées aux process spécifiques pour la livraison, y installe les marques partenaires et les exploite avec ses propres équipes et sa technologie d’optimisation opérationnelle duplicable d’un site à l’autre. Un peu à l’image d’un franchisé, selon le cahier des charges de chaque restaurateur. Une nouvelle possibilité, pour ce dernier, de miser ainsi sur la livraison sans la charge mentale opérationnelle… PNY Burger, Grazie, Bambou, Matsuri, WAJ, Island Poké, Frenchie To Go ou encore Clasico Argentino qui verra le jour à Lille le 8 juillet prochain… les ont ainsi déjà rejoints, curieux du potentiel.

Alors, 2021, l’heure de la transformation digitale pour la restauration ?

Tout est envisagé et tout est envisageable dans notre secteur de la restauration où les opportunités de développement, via la commande en ligne, restent nombreuses et sont encore à leurs balbutiements… Une bonne opportunité à saisir dès maintenant ainsi que pour toute la filière de la food… Reste à connaître la nature du papillon qui sortira de sa chrysalide !

Retrouvez dans les prochains jours et dans le prochain magazine France Snacking, la suite du compte-rendu du Congrès du Snacking. Vous connaîtrez Eric présenté par Nicolas Nouchi de CHD Expert ainsi que les 10 challenges de la restauration rapide, tout comme les défis qui attendent les acteurs au niveau emballage et réemploi..

Le 11e Congrès du Snacking est organisé en partenariat avec Crisalid, Delifrance, Deliveroo France, Enodis, Idhéa, MbPack, Metro France, Pepsico et Uzaje  

et les précieux soutiens de la FEB, Geco Food Service, Leaders Club France, Sandwich & Snack Show, Parizza, Point de Vente, Franchise Expo Paris, Elles Sont Food et le Snarr que nous remercions chaleureusement ainsi que tous les experts et les intervenants qui ont contribué au succès de cette édition.

Retrouvez toutes les interactions sur les réseaux sociaux en utilisant le hashtag officiel du Congrès du Snacking : #CDSnacking.

Si cet article vous a été utile, et nous l’espérons, n’oubliez pas de le commenter et de le partager avec votre communauté !

Pascal Perriot Web Manager Suivez Pascal Perriot sur @perriot_pascal
Commentaires (0)
Les concepts Snacking
décrypter

Dans la même thématique