La Piadina Thomas Barenfeld
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#snackingunited.Thomas Barenfeld, La Piadina.‘Comment vont se réorganiser les entreprises post-télétravail?''

13 Avril 2020 - 3534 vue(s)
Thomas Barenfeld, aux commandes de La Piadina en France et de ses 12 succursales s’interroge sur une reconstruction du modèle de l’alimentation hors domicile après Covid-19 et la manière dont la restauration devra y répondre face à la réorganisation des entreprises sans doute autour du télétravail, notamment. Il reste prudent sur les prêts de trésorerie pour financer des pertes d’exploitation 2020 à rembourser sur plusieurs années et demandent aux foncières de partager l’effort pendant cette crise sans précédent.

Qui est La Piadina et quels étaient vos projets avant crise ?  

La Piadina est une enseigne de restauration rapide positionnée sur le segment Fast Casual, qui compte 270 restaurants en Italie et déjà 12 succursales en France. Son développement a été repris en France par FrenchFood Capital suite à la JV montée fin 2018 entre le fonds d’investissement français et la chaîne de restauration La Piadineria, rebaptisée en France Piadina. La Piadine est un sandwich typique Italien encore peu connu en France. Une pate façonnée et cuite à la demande, garnie de légumes, de fromage et de charcuterie Italienne tranchée à la commande et servi chaud. Pour ce qui relève de nos projets, deux points de vente étaient en cours d’ouverture à Vélizy 2 et Plaisir Open Sky. On concentre maintenant notre développement sur des emplacements en centre-ville mais les projets en cours sont en standby le temps de comprendre comment va se recomposer le marché.

Suite aux annonces de la mi-mars, quelle a été votre stratégie ? 

Avec ce qui se passait en Italie, nous préparions un plan de continuité de l’entreprise. Car nous imaginions bien que la France n’échapperait pas à la pandémie mais nous avons été tout de même pris au dépourvu par la vitesse à laquelle c’est arrivé et surtout le temps qui nous a été laissé pour nous mettre en ordre de marche. Le gouvernement a prononcé la fermeture des établissements le 14 au soir ; nous nous y sommes pliés. La première action a été d’organiser cette gestion de crise avec les équipes du siège afin de coordonner les actions. Il a fallu être rapides et précis pour donner des consignes claires aux équipes sans semer la terreur : gestion des stocks, nettoyage des restaurants, informations à faire passer aux collaborateurs. Puis dans un second temps, on a pu institutionnaliser la communication en interne, notamment avec des notes d’informations sur les événements en cours ainsi que sur les modalités de fonctionnement du chômage partiel afin de rassurer les employés. Pour rester au plus proche d’eux, j’ai également demandé à chaque manager de créer, pour chaque restaurant, un groupe WhatsApp dédié à cette communication institutionnelle en y incluant l’équipe du siège afin d’avoir un retour direct sur les questions de nos équipes. Au moins une fois par semaine, nous l’animons afin de garder le contact et de s’assurer que tout le monde se porte bien. 

Pourquoi avoir fermé l’ensemble de vos enseignes alors que la restauration livrée et la VAE pouvaient fonctionner. Envisagez-vous d’en rouvrir certaines ?  

Quelques restaurants (pas tous !) qui sont restés ouverts annoncent réaliser de bons chiffres en livraison, mais nous n’avons pas de vision sur la valeur globale du marché pendant le confinement, et j’ai la conviction assez forte que malgré les livraisons sans contact mises en place par les plateformes, une grande majorité de consommateur n’est pas disposée à faire confiance actuellement à ce qui se passe dans une cuisine. Ce sera d’ailleurs un enjeu de réassurer nos clients lors de la réouverture. Néanmoins, nous n’envisageons pas de rouvrir nos établissements en livraison car nous sommes en période de confinement et nous pensons que nos produits sont certes délicieux mais ne sont pas de première nécessité. 

Avez-vous placé vos collaborateurs en chômage partiel dans tous vos commerces ? Et sur le volet trésorerie, des actions auprès de vos banques ? 

On met en place des capacités de production face à une demande supposée, et nous constatons qu’il n’y a pas de demande, ou extrêmement faible. Nous avons fait des demandes de chômage partiel pour tous les établissements, et avons reçu des accords pour tous, ce qui fut un soulagement car le chômage partiel est une mesure essentielle qui permet de préserver l’emploi en évitant un recours massif au licenciement. Ce qui aurait été socialement catastrophique si nous ne l’avions pas obtenu. S’il n’y a plus de cash, il n’y a plus d’entreprise. Le sujet de la trésorerie est complexe et il y a d’autres charges qui continuent de courir. Pour y faire face, nous allons prendre des prêts de trésorerie sur plusieurs années pour financer les pertes d’exploitation de 2020. Les banquiers nous disent que l’argent emprunté est presque gratuit, sauf que le capital se rembourse après l’IS. Les prêts de trésorerie pourraient donc impacter négativement la capacité d’autofinancement de nos entreprises et avec eux, le projet de repartir en développement externe. De plus, quand on aura rouvert, il faudra tenir, voir redimensionner des exploitations. En effet, l’après-crise sera compliqué quand on cumulera une baisse du chiffre d’affaires et une augmentation du besoin de remboursement. Cette crise aura un impact financier de plusieurs années sur nos entreprises.  

Vous avez entamé une action auprès des foncières pour demander non pas un report mais une exonération des loyers ? Pourquoi cette démarche ?

Je pense que c’est un enjeu pour la survie des commerçants, car il va falloir limiter au maximum les charges que nous aurons pendant cette période de fermeture si on veut rouvrir un jour et survivre aux difficultés économiques qui suivront sur le long terme. En effet, cette année nous allons réaliser un chiffre d’affaires sur 9 à 10 mois et lors des réouvertures, nous nous attendons à plusieurs mois d’une activité diminuée de moitié avant d’espérer un retour à la norme peut-être voir dans 6 mois. Nos hypothèses tablent sur une fourchette de 60 à 65 % de notre prévisionnel cette année. Et de l’autre côté il y a les dépenses. Sans me lancer à nouveau dans un débat comptable, il faut bien dissocier les charges des investissements. Il serait financièrement aberrant que les commerçants aient à prendre des prêts de trésorerie pour payer des loyers qui sont des charges d’exploitation pour nous, afin que les foncières remboursent des prêts immobiliers sur des actifs. Nous ne pouvons pas exploiter les locaux commerciaux, alors que les actifs ne vont pas se déprécier pendant la période de confinement. Et ça ne change pas grand-chose que des prêts accordés sur 120 mois soient prolongés à 126 mois. Pour les commerçants en revanche qui devront payer 100 % des charges fixes sur une année avec seulement 60 % des revenus, ça change tout… D’autant qu’il y a un paradoxe auquel devront répondre les foncières, car les centres commerciaux sont actuellement fermés aux clients, et la majorité des équipes sont (sauf erreur de ma part) au chômage partiel. Donc eux aussi bénéficient de ce dispositif de chômage partiel alors qu’ils réclament leur loyer.

Il serait intéressant d’envisager une décomposition des loyers de la partie charge d’exploitation tout en excluant les économies réalisées par le chômage partiel et le remboursement de la dette qui est reporté à plusieurs années. Car ce n’est pas aux commerçants, de supporter seuls les coûts de cette crise qu’il convient de partager entre toutes les parties prenantes afin qu’on en sorte tous. Le dialogue doit s’installer avec les foncières au-delà de la négociation individuelle. Dans cette optique, j’ai créé avec d’autres restaurateurs un collectif pour mener une action commune de négociation avec les foncières institutionnelles. Nous pensons qu’à plusieurs nous serons davantage entendus, et que nous aurons plus de force.  

Quels vont être, selon vous, les effets de cette crise inédite sur la profession ?  

La digitalisation de la restauration était en route, et c’est le coup d’accélérateur qui mettra tous les acteurs en ordre de marche. Car il est certain que les modes de consommation vont changer. C’est d’ailleurs aujourd’hui ce qui m’interroge le plus. Pendant plusieurs mois la quasi-totalité des entreprises de France va fonctionner en télétravail, et certaines entreprises qui y étaient réticentes vont probablement se rendre compte que cela fonctionne plutôt bien. A la reprise de l’activité, on peut donc supposer que ces entreprises poursuivront le télétravail. Quel sera l’impact sur la restauration du midi/semaine si une majorité d’entreprises proposent à leurs salariés de faire 1 jour de télétravail par semaine ? Certaines zones de chalandises autour des bureaux vont peut-être perdre 20 % de leurs clients, quand des zones d’habitation vont peut-être en voir arriver de nouveau. Est-ce que leurs actes d’achats pour leurs journées en télétravail iront à la restauration ? C’est un des grands enjeux de demain. 

Si vous aviez des conseils à transmettre aux restaurateurs ?  

Un restaurateur est par définition quelqu’un qui n’a pas de temps. Pour la première fois nous en avons tous. Ceux qui s’en sortiront le mieux sont sans doute ceux qui l’utiliseront pour mettre en place un vrai plan d’action stratégique, renforcer les process, la plateforme de marque et surtout l’échange avec les autres restaurateurs. C’est probablement le bon moment pour s’unir, échanger et progresser. 

Comment envisagez-vous cette sortie de crise ?

Nous travaillons à la sortie de crise avec des hypothèses très basses de chiffre d’affaires, car il est également possible que les écoles ne rouvrent pas avant septembre 2020, ce qui impliquerait beaucoup de télétravail ainsi que des congés pour les parents. La poursuite du chômage partiel de nos salariés est envisagée à divers pourcentages. Sur les projets de développement, je pense qu’il va falloir être très prudent, et se donner le temps de comprendre les impacts de cette crise sur les habitudes de consommation. Il va falloir comprendre comment le marché a muté. Nous ne savons pas où seront les consommateurs, et si leurs attentes auront changé. On peut mettre de côté les certitudes que nous avions avant la crise, je pense que ceux qui s’en sortiront le mieux, seront ceux capables de réadapter leur modèle rapidement.

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