Alexis Bourdon Snarr
Communauté

La TVA à 5,5 % indispensable pour soutenir la restauration, selon Alexis Bourdon, président du Snarr

10 Mai 2020 - 3991 vue(s)
Face à la crise sans précédent du Covid-19 et alors que la branche se remet progressivement en ordre de bataille, le Président du Syndicat national de l’alimentation et de la restauration rapide, Alexis Bourdon livre son point de vue à snacking.fr sur la période et explique les combats du Snarr. Pour le patron du syndicat d’une branche qui pèse 19 md€ de CA, 175 000 salariés et 51,3 % % de la restauration commerciale, le Gouvernement, après avoir contribué à préserver les restaurateurs pendant le confinement, doit les soutenir dans la reprise. Et cela passe par la baisse de la TVA à 5,5 %.

Quel regard portez-vous sur les 8 semaines passées et l’état du secteur ? Quelles ont été les actions menées par le Snarr, depuis les annonces du 14 mars ?

Alors que va s’amorcer le début du déconfinement pour une partie des entreprises, la restauration devra encore attendre la fin du mois de mai pour avoir des réponses claires. Depuis déjà 8 longues semaines notre profession vit au rythme des annonces et tente bon gré mal gré, de s’inventer un futur qui ne sera plus comme avant. Après la stupéfaction générale qui a suivi les annonces du premier ministre le 14 mars et la possibilité indiquée dès le 15, de fonctionner en vente à emporter et en livraison, nos entreprises ont dû prendre la mesure de la situation. Après deux jours de fonctionnement compliqué, une grande partie de nos adhérents a fait le choix de fermer, le temps de réfléchir et de mettre en place une organisation nouvelle propre à assurer la sécurité parfaite de nos salariés et de nos clients dans le cadre des activités autorisées. Le Snarr a beaucoup travaillé sur ces questions avec la mise en commun de bonnes pratiques, de guides qui pouvaient être propres à certaines enseignes mais qui ont pu être partagés. Ce fut un travail collégial qui a permis à plusieurs d’entre-nous, de rouvrir progressivement mais partiellement, dans des conditions sanitaires encadrées et sécurisées. Mais, sans commune mesure avec l’activité qui était réalisée avant la crise.

Pendant cette période difficile, outre les combats sanitaires menés au quotidien pour préparer au mieux la reprise, le syndicat a apporté son soutien aux démarches engagées par différentes fédérations professionnelles du commerce et le Procos notamment pour les négociations avec les bailleurs ou encore les assureurs concernant les pertes d’exploitation. Le sujet des loyers reste très compliqué et provoque une angoisse très compréhensible chez de nombreux restaurateurs. Si les foncières, sur l’injonction des pouvoirs publics, ont légèrement infléchi leur position avec un geste ponctuel pour les TPE de moins de 10 salariés, le problème reste entier. Nous continuons à faire valoir, dans cette crise absolument sans précédent, qu’il doit y avoir un partage du fardeau. De nouvelles conditions acceptables pour rouvrir les commerces doivent être trouvées collectivement. Et si les bailleurs ne comprennent pas qu’ils ont un rôle central dans la création de ces conditions, eh bien ils auront sans doute des restaurants qui ne réouvriront pas ou des établissements qui lèveront le rideau pour le refermer rapidement ensuite compte tenu d’une absence totale de rentabilité. De fait, les bailleurs se retrouveront propriétaires de ces lieux vides qu’ils ne parviendront pas à relouer. C’est l’avenir des centres villes, des centres commerciaux et de l’activité commerçante au sens très large qui se joue sur ces discussions.

Le Snarr n’est pas associé au Comité Tourisme, interlocuteur privilégié du gouvernement dans les négociations en cours, comment être audible et quels sont les messages que vous portez ?

Nous sommes absents du Comité Tourisme pour des raisons historiques que je déplore. Malgré nos demandes, notre branche n’est pas invitée même si elle contribue, elle aussi à son niveau, au développement du tourisme à travers nos nombreux points de vente. Pour autant, les autres organisations professionnelles avec lesquelles nous travaillons, représentent bien les besoins et les intérêts du secteur au sens large. N’est-ce pas ce qui compte ? Cela ne nous empêche pas, au quotidien, de rester actifs, engagés et influents, que ce soit au niveau local et national. Il faut que tout le monde prenne conscience que le visage de la restauration a beaucoup changé en France et s’est modernisé. Il est aujourd’hui pluriel et même si d’aucuns ont encore tendance à l’idéaliser, nous devons faire entendre et expliquer cette diversité.

Si pendant le temps 1 de la crise, les actions et les revendications se sont surtout portées sur les aides immédiates à la profession, indispensables à la survie de nos entreprises, j’entends par là le chômage partiel, le PGE, le fonds de soutien, les abandons de charges…, il convient aujourd’hui de réfléchir au temps 2. Et de se poser les questions de la reprise alors que nous, restaurateurs, allons rester confinés plus longtemps que tout le monde. Dans un environnement qui va demeurer de longs mois encore, dégradé, il est fondamental de créer collectivement les conditions pour permettre à nos entreprises de redémarrer et de fonctionner dans un cadre viable. Il faut tout faire pour leur permettre d’abaisser leur point mort d’activité. Ce qui passe bien sûr par des mesures sur les loyers, mais aussi par tous les moyens possibles pour reconstituer un certain nombre de marges de manœuvre. En ce sens, nous sommes convaincus de l’intérêt pour tous, de l’alignement de la TVA sur l’alimentaire à 5,5 %.  

Des restaurateurs et des députés ont pris la parole dans les médias pour cette baisse de la TVA, qu’en pensez-vous ?

Même si nous avons été parmi les premiers, à porter cette mesure via deux courriers adressés à Bruno Le Maire et ses services, les 21 et 26 avril dernier et des contacts multiples à tous les niveaux, tous ceux qui pourront s’associer à cette démarche qui, je le rappelle est vertueuse aussi bien pour la restauration que pour les caisses de l’Etat, seront les bienvenus. Et sur ce point, je suis convaincu que l’ensemble des acteurs de l’hotellerie-restauration nous rejoindra. Car pour nous, cette baisse est essentielle, voire vitale. Parce que dans l’environnement de réouverture qui se prépare, il est clair que les CA seront beaucoup plus faibles que la normale alors que les surcoûts d’organisation sanitaires sont bien réels sans compter le sujet épineux des loyers. Une réalité incontestable liée à notre capacité réduite d’accueil et de production. Certes, pour commencer, nos équipes seront moins nombreuses, distanciation oblige, mais l’essentiel, pour tous sera d’atteindre le plus rapidement le point mort et de réenclencher un dynamique d’activité. La TVA réduite à 5,5 % serait pour cela un outil précieux. Si l’on parle là d’une bouffée d’oxygène pour les restaurateurs, c’est de plus une mesure qui n’entraine pas de décaissement pour l’Etat. Aujourd’hui, avec la totalité de la restauration fermée, la TVA collectée est de zéro. Ramener le seuil à 5,5 % pour une période transitoire crée un manque à gagner pour l’Etat qui sera largement compensé par les effets bénéfiques de cette mesure pour l’ensemble de la collectivité avec des salariés qui seraient progressivement sortis du chômage partiel avec à la clé, des charges salariales et patronales pour l’Etat.  

C’est une démarche gagnant-gagnant et l’essentiel est que la restauration puisse participer au redémarrage économique du pays avec de vraies chances de succès malgré les contraintes. 

La restauration rapide est-elle selon vous, la mieux placée et mieux armée pour rebondir post-déconfinement.

Pour l’ensemble de la restauration, tout porte à croire que le service à table traditionnel sera impacté plus profondément et plus longtemps que d’autres canaux comme la livraison à domicile ou la vente à emporter. Ce qui implique une réinvention sans doute plus marquée de ce business model. Pour autant, et pour beaucoup d’entre nous, l’activité en salle reste une source majeure et essentielle de chiffre d’affaires avec des enjeux forts en matière d’accueil, de politique familles, de service en salle à l’aune des gestes barrières et des mesures de distanciation. La livraison à domicile qui était en développement fort depuis plusieurs années, devient un canal dont plus personne ne pourra se passer, y compris en centre-ville. Il en est de même avec la vente à emporter. Cet événement Covid-19 bouleverse nos vies et nos comportements sur l’ensemble des pans de la consommation. Il en sera de même sur la restauration au même titre que les sorties et toutes les formes de loisirs. Il faudra observer l’évolution des comportements et faire preuve d’écoute. En ce sens, la restauration a toujours su faire preuve d’agilité.

La multiplication des acteurs sur le terrain de la VAE et de la livraison ne risque-t-elle pas de fragiliser le modèle de la restauration rapide ?

La restauration hors domicile est sous-pondérée en France, contrairement à d’autres grands pays occidentaux. A charge à tous ses acteurs, à travers la multiplication des expériences et des services, de  faire grossir le gâteau et nous verrons ensuite comment il se partage. Je ne suis pas inquiet pour nos métiers. Toutes les occasions qui permettront de donner envie aux clients de reconsommer hors domicile, ou de vivre une expérience de restauration à domicile ou au bureau, via la livraison ou la vente à emporter, sont bonnes et salutaires pour dynamiser et vitaliser l’activité du secteur.

SI on part du principe que le déconfinement est un succès, je pense que l’activité reprendra progressivement du côté de la restauration. Il faudra être au rendez-vous face à des consommateurs attentifs qui viendront tester l’expérience chez chacun d’entre nous. A ce titre, chacun doit être irréprochable au risque de faire retomber la défiance, sur toute la profession. C’est pourquoi nous avons un rôle éminent dans la réassurance que nous devons à nos clients comme à nos salariés.

L’enjeu immédiat est donc de rallumer la lumière dans nos cuisines via les canaux qui sont autorisés, comprendre comment ils fonctionnent, quel est le volume d’activité qu’ils sont capables de générer tout comme les transferts de business qui vont s’opérer vers la livraison et la VAE. Car à la réduction de la capacité en salle, va s’ajouter celle opérationnelle en cuisine. La distanciation et les règles sanitaires vont entraîner des effectifs réduits, donc une capacité de service diminuée. De quoi s’interroger aussi sérieusement sur la largeur d’offre à maintenir, la simplification des gammes, l’organisation en cuisine. Il va falloir réinventer l’ensemble des maillons de la chaîne jusqu’aux approvisionnements, sans doute plus locaux également.

Comment pourra-t-on offrir aux clients une expérience avec toutes ces contraintes et un cadre sanitaire presque aseptisé ?

Les mentalités évoluent. On n’imaginait pas il y a 8 semaines qu’on aurait pu se parler avec un masque. Pourtant, il va falloir faire avec et imaginer de nouvelles manières de vivre ces interactions. Les solutions vont venir petit à petit face aux remontées et aux réalités du terrain. Protocoles et procédures sanitaires seront là pour offrir le cadre, à nous de scénariser au mieux le contenu. Préparer l’avenir, c’est aussi s’assurer qu’en cas de 2e épisode, l’ensemble de la restauration soit totalement préparé pour éviter des fermetures de plusieurs semaines comme nous le vivons. Un environnement aseptisé, je ne crois pas mais un cadre sécurisé qui reste une expérience plaisir, c’est tout l’enjeu de la profession.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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