Fleur de Mets Sébastien Le Bescond
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#AuSecoursMonPerso. 'La formation, un des leviers pour fidéliser et recruter'. Sébastien Le Bescond

23 Avril 2021 - 2827 vue(s)
Sans vraie ligne d’horizon et dans l’incertitude, le monde des traiteurs est dans l’expectative comme tous les CHR d'ailleurs. Mais le secteur est bien conscient qu’il ne retrouvera pas tous ses talents et qu’il va falloir faire preuve de souplesse et de formation pour conquérir de nouveaux profils avec de sérieuses questions qui se posent pour les extras. Répondront-ils à l’appel lors de la reprise ? Avec un chiffre d’affaires passé de 16 M€ à 3 M€ l’an dernier, en retrait de plus de 80 % , le traiteur parisien Fleur de Mets s’est efforcé de garder le contact avec ses équipes et a activé, entre autres, le levier formation. Son président est l’invité de Snacking.fr.

Comment avez-vous traversé ces 12 derniers mois et quelles ont été vos priorités ?

L’année qui s’est écoulée a été terrible pour notre métier ! Un avis que je partage avec l’ensemble des adhérents du collectif Traiteurs Evénementiels Paris auquel appartient Fleur de Mets et qui regroupe les 8 grandes maisons parisiennes... En ce qui nous concerne, nous avons perdu plus de 80 % de notre chiffre d’affaires, une situation inédite qui a bousculé tout notre univers et bien des certitudes. D’autant que nous venions, en janvier 2020 d’investir notre nouvel outil flambant neuf à Saint Denis, 3 200 m² où nous avons redomicilié la production, le stockage et les bureaux de nos activités. Rapidement, dès le 1er confinement, nous avons décidé de réduire la voilure, mis à disposition une partie de nos locaux à des invités de la grande distribution pour écraser les coûts et cédé nos salons de réception, les salons Marceau, dont nous détenions le bail. Notre 2e marque, Cuisine & Cie a été quant à elle désactivée et mise en sommeil afin de nous concentrer sur notre griffe Fleur de Mets qui accueille ainsi une gamme plus large. Si nous avons traversé, tant bien que mal, l’orage , notamment grâce au PGE et au chômage partiel, le mal est fait.  Sur les 70 collaborateurs de l’entreprise, 30 % nous ont quittés. Dans la majorité des cas il s’agissait d’une volonté de changement de vie ou de secteur ou simplement de quitter la région parisienne. Une désaffection qui a touché aussi bien les cadres que les salariés plus opérationnels. Cette hémorragie quasi-générale dans le monde du traiteur est délicate alors même que l’identité et l’ADN-même de nos maisons, passent avant tout par un savoir-faire incarné par toutes nos équipes bien plus que par les outils ou la logistique. La part importante de la masse salariale de notre activité, 50 % du CA, en atteste entre les ressources internes et les vacataires. Perdre des talents, c’est perdre aussi un petit bout de son histoire et hypothéquer l’avenir.  

Comment avez-vous gardé le contact et limité autant que faire se peut, l’hémorragie ?

Toute la difficulté de la situation est de tracer des perspectives et offrir un horizon à notre activité, comme à nos collaborateurs. En septembre dernier, après un été qui semblait installer un retour à la normalité, nous avions remobilisé nos troupes et regardions avec optimisme l’avenir. Le coup d’arrêt d’octobre a douché tous nos espoirs. Tout au long de l’année pourtant, nous nous étions efforcés de garder le lien, le volet humain restant essentiel dans la stratégie RSE, de pérennité de l’entreprise. Si la fraîcheur de notre service et de nos idées, la modernité de notre gastronomie, et notre engagement pour construire des événements toujours plus vertueux sont des valeurs constituantes de Fleur de Mets, estampillé ISO 20121 depuis janvier 2019, c’est l’humain qui est au cœur du réacteur de l’entreprise. On est dans un métier de transmission. D’où nos efforts portés plus particulièrement sur la formation qui a été multipliée par 6, sur les 12 derniers mois ; près des 2/3 des collaborateurs ont pu bénéficier d’un programme. Pour ne pas perdre le lien, nous avons également institué, tous les jeudis à 9 h, le Morning coffee, un rendez-vous Visio, où chacun peut se connecter pour échanger « comme à la machine à café ». Des vidéos ludiques ont aussi été tournées tout comme des messages plus institutionnels d’informations générales,  à travers des envois de mails et des visios, destinés à tout le personnel. L’essentiel étant de garder le contact, comprendre les expériences de chacun et donner une visibilité sur les directions prises par l’entreprise. Tout ceci permet de conserver, autant que possible, cette culture d’entreprise qui fait la force de notre maison. Cela passe également par des clins d’œil comme les chocolats de Pâques reçus par tous les collaborateurs, afin de redire notre attachement à toutes celles et ceux qui font la force de l’entreprise.

Quelles sont vos plus grandes craintes pour l’après ?

Le plus difficile, comme je vous l’expliquais, est cette incertitude qui peut miner le moral de certains. Si nos équipes restent préservées par les dispositifs en place, la situation est beaucoup plus préoccupante pour les vacataires, cuisiniers, maîtres d’hôtel et autres logisticiens avec lesquels nous entretenons de vraies relations de confiance et de fidélité, soit près de 500 personnes. Ils sont indispensables à notre fonctionnement mais les bataillons se sont en partie asséchés. Le plus délicat est que nous sommes incapables, à l’heure actuelle, d’estimer le nombre de personnes vacataires qui répondront présentes à la reprise. La question du cadre réglementaire dans lequel ces équipes interviennent est également un point clé. Face à toutes ces interrogations, l’important est aujourd’hui de réfléchir à la manière dont nous ferons entrer dans nos métiers de nouveaux profils, comment nous valoriserons cette branche du traiteur et de ses métiers encore trop souvent perçus, notamment dans les écoles hôtelières, comme les parents pauvres de la restauration. Un chantier qui passera avant tout et surtout par la formation des équipes existantes et des futures recrues.

Comment entrevoyez-vous la reprise ?

Quand le gouvernement rappuiera sur « ON » pour la restauration par phase successive, le monde traiteur suivra, au rythme des protocoles que nous avons proposés et qui sont en cours de validation. Néanmoins cela se fera à cadence ralentie et décalée : j’estime qu’il nous faudra au moins trois mois avant de relancer l’activité, qui correspondront à la reprogrammation progressive des événements. Pour autant, ce monde d’après va être irrémédiablement impacté par la crise. Non seulement comme je l’ai dit, par la pénurie de certains profils de personnes, notamment les maîtres d’hôtel, une population très flexible dont certains se sont déjà reconvertis dans d’autres métiers. D’autre part, une partie des événements et conventions qui ont été digitalisés, comme les assemblées générales ou certains types de regroupements, resteront très probablement sur ce format à distance. Une perte sèche pour les traiteurs qui assuraient jusqu’alors plusieurs types de prestations autour de ces activités. D’autres opportunités vont néanmoins se présenter. Moins nombreuses en quantité mais plus qualitatives en valeur, les réceptions de demain seront plus vertueuses. Si l’événementiel ne replace pas le développement durable au cœur de ses préoccupations, c’est sa raison d’être éphémère qui sera menacée. Le confinement qui a poussé aussi les consommateurs à une introspection sur leur alimentation, va également renforcer les opérateurs comme nous, aux partis-pris tranchés sur l’alimentation comme le flexitarisme, le végétal et les approvisionnements locaux.

  

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