L’épidémie de Covid a entrainé un développement de la vente à emporter avec une hausse de 11 % du nombre de points vente offrant ce service selon les chiffres partagés par le cabinet CHD Expert. 60 % des restaurateurs à table proposeraient de la vente à emporter alors qu’ils n’étaient que 44 % en 2019. Souvent montré du doigt, le secteur doit donc faire face à un véritable enjeu environnemental et trouver rapidement des solutions pour contrôler l’émission de ses déchets et contrôler la pollution générée. En 2018, avant la crise, la vente à emporter produisait déjà, en effet, 221 943 tonnes selon les estimations de l’Ademe et Citeo. Et selon une étude d’impact, publiée par la Commission Européenne sur les déchets plastique, il était indiqué que ce mode de consommation est sur-représenté dans le top 10 des plastiques à usage unique retrouvés sur les plages européennes et pourrait peser entre 50 et 88 % de la pollution plastique dans le monde (Etude de Nature Sustainability “An inshore–offshore sorting system revealed from global classification of ocean litter”). Si cette fourchette est large, et difficilement vérifiable, il n’empêche que ces éléments ne doivent pas manquer d’interpeller les acteurs de la filière afin de mettre en œuvre des solutions.
Promulguée avant la crise du Covid, la loi AGEC avait pour but de pousser le secteur du hors-domicile en ce sens et sortir du recours massif à l’usage unique et au plastique en développant notamment le réemploi. Ainsi, depuis le 1er juillet 2021, certains plastiques à usage unique - boîtes en polystyrène expansé, pailles en plastique, touillettes ou couverts jetables ne sont plus tolérés. La loi prévoyait notamment la possibilité pour le consommateur de venir avec ses contenants pour les boissons à emporter et les repas ou encore un tarif réduit sur les boissons lorsqu’un client vient avec son propre récipient. Il s’agit aussi pour les consommateurs de pouvoir, dans les établissements de restauration et débits de boisson, bénéficier d’une eau potable fraîche ou tempérée (cette indication devant être visible sur la carte ou un espace d'affichage). Mais à en croire le rapport d’enquête menée par No Plastic In My Sea, sur l’application de cette loi, celle-ci n’aurait eu qu’un impact très relatif pour la restauration à emporter.
Côté méthodologie, cette étude s’est faite en deux temps. 42 chaînes du secteur ont d’abord été sollicitées afin de répondre à un questionnaire sur la mise en pratique de la loi AGEC. Mais seules 6 ont effectivement (totalement ou partiellement) répondu (Exki, Pomme de Pain, Steak’n Shake, Paul, Starbucks et McDonald’s). Ces 6 enseignes ont soit engagé pour partie les mesures prévues par la loi AGEC, soit évoqué des arguments d’hygiène les amenant à repousser l’accueil des contenants des particuliers. Parallèlement, No Plastic In My Sea a mené une enquête de terrain complémentaire dans 102 établissements qui aurait, dans les grandes largeurs, permis de constater une application de la loi limitée. Ainsi, parmi les 6 enseignes ayant effectivement joué le jeu du questionnaire, certaines actions ont bien été menées pour aller dans le sens de la loi. On citera ainsi la mention de la recyclabilité des matériaux utilisés et des actions mises en place pour réduire le plastique (souvent sous forme de substitution par d’autres matériaux ) ou encore l’application de la réduction pour les boissons si le consommateur apporte son contenant chez Exki, Starbucks ou encore Pomme de Pain (respectivement 5 %, 30 centimes et 5 centimes). Certaines enseignes ont clairement indiqué que la crise Covid avait constitué un frein majeur à la mise en place des articles de la loi AGEC (notamment la difficulté de former les équipes) mais mentionnent une programmation d’actions dès stabilisation de l’épidémie et assouplissement du pass sanitaire (Paul, Pomme de pain). Des tests de réemploi pour la restauration sur place (McDonald’s) sont évoqués. Concernant l’eau du robinet, toutes les chaînes acceptent de servir de l’eau gratuitement. Concernant l’affichage obligatoire sur ce point, trois enseignes (McDonald’s, Pomme de Pain et Steak'n Shake) indiquent qu’il est effectué.
En ce qui concerne l’enquête terrain, le bilan évoqué par No Plastic In My Sea ne serait pas reluisant… 59 % des restaurants visités refuseraient, en effet, les contenants pour les boissons. Parmi les raisons invoquées auprès des enquêteurs : un manque d’informations des employés, des raisons d’hygiène par rapport à la crise Covid, des problèmes de calibrage des boissons ou encore des process standardisés non adaptés… 19 % des restaurants visités acceptent partiellement les contenants réutilisables, en fonction du type de boisson (chaud ou froid). Ainsi, peuvent-ils souvent répondre favorablement concernant le mug nomade pour le café mais pas pour les boissons froides, précise le rapport d’enquête. 22 % des restaurants visités acceptent les contenants réutilisables pour tout type de boissons (mug nomade pour boissons chaudes ou froides et même gourde). Seulement 11 % des restaurants interrogés (5 enseignes) proposent une réduction devant la présentation d’un contenant réutilisable pour les boissons. Enfin, 70 % des restaurants interrogés n’offriraient pas au consommateur la possibilité d’utiliser ses propres contenants réutilisables. Bon point tout de même, la grande majorité des restaurants acceptent de servir de l’eau potable gratuitement (soit dans le contenant du consommateur, soit dans un verre pour ceux qui refusent les contenants). Même si seulement… 2 % des restaurants visités indiquent clairement sur leur menu ou via un affichage la possibilité pour le consommateur de demander de l’eau gratuite… C’est pourquoi, au vu des constats de l’enquête et des risques induits en termes de production de déchets et de pollution, l’association appelle à une mise en œuvre rapide de la loi et une meilleure information des consommateurs.