La France, pays de la gastronomie, des arts de la table et des contingences autour de repas est-elle ou peut-elle devenir une nation de street-food ? Si l’on additionne le nombre d’initiatives montées sur quatre roues depuis deux ans, la quantité de projets dans les tuyaux, les louanges des camions pionniers, on serait tenté de répondre sans hésitation oui. D’ailleurs l’association Street Food en Mouvement n’avait-elle pas rappelé dans un sondage que les consommateurs français étaient demandeurs. Alors face à des clients qui disent oui d’un côté, des entrepreneurs nombreux qui se lancent de l’autre, les ingrédients paraissent réunis pour une vraie recette à succès. Eh bien non, l’Eldorado n’est pas forcément au bout et les déconvenues qui s’accumulent doivent inviter à la prudence. Le dynamisme des ventes de food-trucks d’occasion en témoigne, il y a déjà de la casse. Briseur de rêves, me direz-vous ! Non, simplement observateur attentif et attentionné d’une forme de restauration qui mérite pourtant une vraie place dans le spectre de la restauration et plus d’égards des municipalités. Et qui se révèle une vraie course d’obstacles et de désillusions à qui n’aurait pas suffisamment travaillé sa copie. Alors mon mot d’ordre serait plutôt « prudence » mais aussi «partage ». Partage d’informations avant de se lancer avec ceux qui savent : des associations telle que SFEM (*) tout comme les entrepreneurs eux-mêmes présents sur les grands événements « food-trucks » qui se multiplient partout en France. Ne manquez pas d’ailleurs d’échanger avec ceux présents sur le SFIF (**) qui fait étape sur le salons Rapid & Resto à Paris les 24 et 25 septembre et pour lequel nous vous présentons les initiatives de certains d’entre eux avant RestoNouvo programmé en Avignon les 12 et 13 octobre.
Trop de quidams quittent tout, tête baissée et indemnités de licenciement en poche pour vivre leur passion de la cuisine dans un camion. On ne pas les blâmer : le ticket d’entrée n’est pas délirant, entre 20 et 40K€ pour un véhicule d’occasion, entre 70 et 80K€ pour un neuf et surtout il n’y a aucune barrière à l’entrée. Ni formation, ni diplôme, ni connaissance spécifique. Et c’est en cours de route qu’ils mesurent d’une part que la restauration est un vrai métier avec ses contraintes, ses difficultés et ses obligations, et d’autre part que les mairies qui délivrent les autorisations de stationnement sur le domaine public sont, sinon frileuses pour ne pas dire hostiles aux food-trucks. Il ne reste alors que les événements, foires et grands rendez-vous ou aux pieds des entreprises sur les parkings privés pour exercer. Et même à ce niveau-là, selon les villes, ça commence déjà à bousculer au portillon excepté en province.
Loin de moi l’intention de décourager quiconque. Je crois dans une génération de food-trucks, irréprochables du point de vue sanitaire (et qui le prouvent), qui jouent la proximité et les produits frais et positionnés sur une thématique singulière. A l’heure où chacun rêve d’un succès à la « Camion qui fume », il convient d’alerter et d’encourager chaque porteur de projet à prendre le temps de la réflexion et de l’échange. Mieux vaut prévenir que guérir.
(*) Street Food en Mouvement
(**) Street Food International Festival qui se tient en parallèle du salon Rapid & Resto les 24 et 25 septembre à Paris et les 12 et 13 octobre en Avignon.
Paul Fedèle, Rédacteur en chef France Snacking
@FEDELEPaul
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