Oeil d'expert : concept ou assiette ?

Tien Hiang, petit restaurant aux inspirations d’Asie du Sud-Est, situé près de République, ne fait pas partie de ces restaurants « instagrammables ». Ici, la lumière est froide, la musique est inexistante, les tables sont collées les unes aux autres et, assis sur nos petits tabourets, nous tentons de décrypter le menu aux mille et une possibilités avec une certaine appréhension. Après avoir commandé notre repas au petit bonheur la chance, les assiettes arrivent à peine cinq minutes après. Et là, tout s’explique. Les saveurs et l’équilibre des plats sont inégalables, nous ne trouvons plus les mots et un sentiment de bonheur nous envahit. Qu’importe l’ambiance ou la décoration, nous sommes juste heureux d’être là, à partager un bon repas, à partager un moment.

Mais qu’en est-il de ces nouveaux restaurants « in » ? Qui sont-ils ? Parviennent-ils à nous offrir l’authenticité tant recherchée ? À nous transmettre suffisamment d’émotions ?

Que préférons-nous entre le concept et ce qu’il y a dans l’assiette ?

L’expérience client englobe plusieurs éléments : le storytelling, la décoration, l’art de la table, la musique, la scénarisarion, le branding et bien sûr l’offre F&B. Ainsi, aujourd’hui, est-il suffisant de « juste » bien manger au restaurant ?

Les restaurants ne vendent plus « juste » une excellente pizza ils vendent une expérience. Plus féroces que des lions affamés, les restaurateurs mènent  aujourd’hui un combat sans pitié afin de sortir le concept le plus accrocheur possible. Mais où le produit se place-t-il dans tout cela ? Englouti par le concept, le repas en lui-même passe presque au second plan. Cependant, la contradiction vient par le fait que respirer, dormir ou manger font partie des besoins fondamentaux de l’Homme et que nous sommes dans une ère où nous cachons le vide par des concepts.

Où les émotions se cachent-elles ?

Relayés par des journalistes, blogueurs ou tout autre personne se sentant légitime de donner son avis sur les réseaux sociaux, ces nouveaux restaurants « in » voient la queue s’allonger devant leur établissement et leur terrasse à la limite du craquage. Mais quelle âme y a-t-il derrière ces concepts millimétrés jusqu’à la couleur du papier toilette ? Quelles émotions parviennent-ils à nous transmettre ?

Grâce aux différentes émissions tels que Top Chef, Le meilleur pâtissier, Chef’s Table, Ugly Delicious ou encore Cooked, le secteur de la restauration a été clairement « glamourisé » et popularisé ces dernières années… Et elles en ont inspirés plus d’un se demandant « et pourquoi pas moi ? », notamment ces nouveaux startupers-restaurateurs fraîchement issus d’école de commerce. Mais qu’en est-il ? Le milieu de la restauration est d’abord une histoire de passion plus que de zéros sur un compte bancaire. Et malgré un certain intérêt pour le F&B, le problème est là. Sans passion, il n’y a pas d’émotions. 

Les « place to be » ,  entre être et paraître

De nos jours, les concepts poussent comme des champignons. Les nouveaux lieux trendy à fort potentiel instagrammable sont très vite reconnaissables : des chaises designées mêlant originalité et confort, un staff jeune et dynamique uniformisé par un jean mom et des chaussettes prônant des motifs d’ananas, de concombres ou de donuts, des buddha bowls colorés et autres avocado toasts à 15 € sur un fond de deep house chill.

Chaque client a ses expériences, ses attentes et placera son curseur de satisfaction selon son propre ressenti. Cependant, il faut admettre qu’être dans ce nouveau café-resto-coffeeshop-workingplace-boulangerie-pizzeria-pressing est toujours plus glamour qu’être dans le boui-boui du coin. Et qu’aujourd’hui, plus que jamais, la plupart des consommateurs ont envie (et besoin ?) de se sentir considérés, appréciés, par le reste de la communauté. Ainsi, publier une photo de ses Guac’ & Crackers accompagnés d’un Golden Latte sur la terrasse du dernier établissement en vue serait-il devenu un marqueur social plus qu’un simple moment de plaisir ?