Sortis la tête haute de la crise sanitaire, les boulangers ont connu depuis un sérieux retour de bâton, fortement touchés par les hausses des matières premières et de l’énergie, dont ils sont de gourmands consommateurs. Mais ils ont aussi su faire aussi preuve de résilience et d’agilité pour assumer leur rôle essentiel de commerce de proximité, à toute heure de la journée. Portée par une concentration du secteur et le développement des chaînes, la branche assume désormais sa révolution snacking favorisée par les offres de cuisine boulangère et de coffee bakery. D'ailleurs pour 14 % des Français, cette boulangerie, incontournable point de passage de leur quotidien, est d’ailleurs devenue leur lieu de snacking privilégié (étude Speak Snacking 2023). Et le phénomène ne semble pas prêt de s’arrêter alors que beaucoup de boulangers ont pris la mesure de l’opportunité qui s’offrait à eux et sont aujourd’hui 96 % à proposer une gamme snacking au sein de leur assortiment. « Le développement de cette offre n’est plus une option mais une évidence pour les boulangers tant elle constitue un fort levier de ventes additionnelles et de génération de trafic », souligne Nicolas Nouchi, fin observateur du secteur et qui a récemment fondé le cabinet Strateg’Eat. Ces mots prennent d’autant plus de sens que des chiffres récents attestent que les Français mangent de moins en moins de pain. La dernière enquête IFOP-CNBPF indiquait fin novembre que 36 % d’entre eux avaient réduit leur consommation ces cinq dernières années quand trois fois moins (12 %) l’avaient augmenté. Ce recul est encore plus net chez des tranches d’âges plutôt âgées (39 % des 50-64 ans et surtout 43 % des 35-49 ans qui ont réduit leur consommation). Une étude QualiQuanti datant de 2021 faisait déjà état d’un recul sensible à 105 g de pain par jour semaine (- 8 % vs 2015) et 116 g par jour en moyenne le week-end (- 3,3 %). Voilà qui fait un peu tâche alors que la branche célébrait fin novembre le tout premier anniversaire de l’intronisation de la baguette tradition française au patrimoine immatériel de l’Unesco…
A quelques jours de l'ouverture du Sirha Europain, grand messe du secteur organisée à la Porte de Versailles du 21 ou 24 janvier, tout n’est donc pas rose pour une boulangerie qui a vécu une année chahutée par la flambée de ses coûts de production. A maintes reprises, les organisations professionnelles sont d’ailleurs montées au créneau pour tirer la sonnette d’alarme et réclamer des aides substantielles, à commencer par l’établissement d’un bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité. Dans sa dernière Revue Boulangerie-Pâtisserie, présentée en avant-première lors de la Convention Internationale de la Boulangerie Moderne (CIBM) qui s’est tenue à Paris le 28 novembre dernier, le cabinet Food Service Vision évoquait ainsi une hausse des défaillances de 16 % par rapport à l’an dernier à la fin du troisième trimestre. Cela représente en substance 250 fermetures de points de vente dans un marché qui comptait, selon les estimations de CHD Expert, environ 27 700 unités à fin 2022 pour un volume d’affaires de 11,9 milliards d’euros. Le ratio apparaîtrait presque négligeable mais rappelons que la branche affichait, en 2008, 32 400 unités au compteur.
Point plus positif toutefois, la dernière publication 2023 de l’Observatoire Fiducial de la boulangerie-pâtisserie fait état d’une remontée sensible de 14,7 % du nombre de clients accueillis en boulangerie-pâtisserie depuis 2021 (297 contre 259 en moyenne chaque jour), à des niveaux proches d’avant-Covid (305 en 2019). Plus de 7 Français sur 10 (72 %) fréquenteraient ainsi les boulangeries-pâtisseries plus de 2 fois par semaine (FSV 2022). D’ailleurs, les récentes fermetures auraient été sensiblement compensées par les 320 ouvertures de points de vente « chaînés » recensées en deux ans. « Avec 2191 points de vente cumulés contre 1871 en 2021, les chaînes renforcent clairement leur position grâce à des leaders comme Marie Blachère, Ange, Feuillette ou encore Maison Bécam particulièrement dynamiques en termes d’ouvertures », souligne Michael Ballay, le directeur associé de Food Service Vision qui continue de voir dans l’élargissement de l’offre l’une des clés du succès aujourd’hui. « Lorsque nous analysons le marché, ajoute-t-il, nous observons une courbe en ‘K’. D’un côté, des boulangers, souvent situés en milieux ruraux, dont les offres restent très centrées sur le pain et la viennoiserie, et qui perdent du terrain. De l’autre, des artisans et chaînés qui continuent à développer leur business en actionnant les leviers du snacking ou des boissons chaudes comme outils de conquête. Dans ce cas, ils peuvent être drivés soit par des stratégies de volumes (NDLR : 48 % des établissements pour 56 % du CA), soit par des stratégies de valeur (NDLR : 29 % des établissements et du CA) »...