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Les Millénials ou comment éviter un conflit de générations

19 Janvier 2016 - 7395 vue(s)

Il a été écrit une quantité incroyable d’ouvrages sur les Millénials, et il ne se passe pas un jour sans que nous ne soyons abreuvés d’articles sur le sujet (remarquez, il en fut de même à propos des Baby Boomers). On ne parle que d’eux, ce sont les nouveaux envahisseurs. Millénials, digital natives, génération Y, autant d’appellations pour ceux qui sont nés entre les années 1980 et 2000. Aujourd'hui, ces 15-34 ans sont près de 16 millions en France (INSEE), soit un quart de la population. S’ils représentent 1/3 des actifs, ils en constitueront la moitié d’ici 2020

LES MILLENIALS SONT LA CLIENTELE DU FUTUR

C’est une évidence, même si ce fut le cas avec la génération X (34-49 ans) et, encore avant, avec les Baby Boomers qui sont encore numériquement dominants. Mais les Millénials sont digital native et, internet et réseaux sociaux aidant, tout le monde en parle : au hasard, le Leaders Club lors d’une soirée le 8 décembre 2015 sur le thème  « Génération vision YZ » ou cet article récent sur snacking.fr « 5 conseils pour bien fidéliser les Millénials en restauration ».

On a l’impression que c’est désormais la clientèle sans laquelle il n’y a point de salut et sur laquelle les restaurants doivent tout miser et investir. Ce qui est curieux est le fait de considérer chaque génération comme étant en rupture avec la précédente, d’imaginer des sauts d’obstacles pour passer de l’une à l’autre, sans phase intermédiaire, comme s’il n’y avait aucune cohabitation possible.

Or c’est faux. Si un très grand nombre de start-ups sont créées et managées par des Millénials, la grande majorité des entreprises sont toujours dirigées par des Baby Boomers, quand ce ne sont pas des séniors autrement dénommés « silents ». Vu sous l’angle de la restauration rapide, il va de soi que certaines enseignes ne parviennent pas, ne cherchent pas à surfer sur la transition générationnelle : « ça marchait bien avant, pourquoi faudrait-il changer ? ». Elles n’ont juste ni vu ni compris que le succès de Burger King en France est la démonstration qu’une chaîne, une offre, un produit peut plaire à deux tranches d’âges différentes comme je l’ai évoqué dans cet article du 22 juillet 2015 : Fast casual v.s. fast food, slow is beautiful

LES CONSOMMATEURS GLISSENT EN DOUCEUR D’UN SEGMENT DE MARCHE À UN AUTRE

Aux Etats Unis, puisque c’est là-bas que ça se passe et tout provient,  trois générations (de 18 à 68 ans) ont des taux de fréquentation différents selon les trois segments de marché analysés, les 15-34 ans ayant une préférence plus marquée pour le « casual » avec service à table que pour celui au comptoir. Mais toutes fréquentent presque autant les fast food classiques et, contrairement à une idée répandue, les Millénials n’ont pas n’abandonné  MacDo !

QSR = fast food, CDR = casual dining (service à table), FCR = fast casual

Source : Business Insider, Millenails dining habits

Si les Baby Boomers ne prêtent (ne prêtaient) pas grande importance au caractère industriel de leur alimentation et sont (encore) préoccupés par les calories, les Millénials sont attirés par les aliments frais, naturels, sains, de proximité (local), dépourvus d’ingrédients artificiels et sans ajout de choses bizarres. Ce que les chaînes casual ont bien intégré et qui explique leur succès auprès de ce groupe de population. Il y a bien eu un engouement pour la nourriture macrobiotique dans les années 70, mais ce fut éphémère et de faible portée. Peut être faute d’internet et de réseaux sociaux à l’époque.

LES MILLENIALS DEPENSENT-ILS PLUS DANS LES RESTAURANTS

Oui mais attention, « plus » parce qu’ils sortent plus souvent, mais leur dépense moyenne est inférieure à celle des Baby Boomers. Leur budget mensuel moyen est de 174 dollars contre 153 pour les non-Millénials (eater.com Millenails spend more money), un budget lié à la fréquence de visite. D’où la recommandation de certains pour lancer des plans de fidélisation, des coupons et des offres pour favoriser le retour de ces clients. Et attention également au fait que la disparité des revenus est importante parmi cette tranche d’âge. 

LE MANAGEMENT DES RESTAURANTS N’EST PAS TRANGENERATIONNEL

Une grosse différence entre une jeune chaîne casual et une ancienne chaîne traditionnelle se trouve dans son management. Les premières sont dirigées (ou ont été créées) par des Millénials quand les secondes le sont par des Baby Boomers qui travaillent encore aujourd’hui sur les bases des années 60, qui n’intègrent pas le personnel dans le fonctionnement du restaurant, qui n’ont pas de valeur sociale ou éthique dans le positionnement de leur chaîne, des valeurs auxquelles les jeunes sont très attachés.

Elles n’ont pas plus intégré le marketing dans leur mode de fonctionnement, restant sur le vieux constat qu’il suffisait de proposer un bon produit à un juste prix pour que ça marche ou alors de faire une campagne d’affichage dont les messages n’allaient guère plus loin que « oh, regardez mon produit comme il est bon et comme il ne coûte pas cher ! » Et comme la plupart de ces chaînes sont en (grande, très grande) difficulté, la direction en est désormais assurée par des financiers dont la mission principale consiste à tailler dans les coûts. Les Millénials n’ont pas du tout envie de rejoindre un management passéiste et condamné ; quant aux jeunes chaînes casual elles n’ont pas besoin de s’adjoindre  l’expérience de Baby Boomers de cet acabit.

Il leur était pourtant facile de regarder McDonald’s, une entreprise dont le marketing a fait partie intégrante de ses gènes dès la rachat en 1952 par Ray Kroc de la petite chaîne exploitée depuis 1937 par Richard et Maurice McDonald. Et, malgré ses 65 ans, c’est sans doute grâce à son marketing hyper puissant et une remise en cause permanente que l’enseigne se sortira de l’ornière dans laquelle elle se trouve depuis quelques années. A force de douter, chercher, changer, évoluer, améliorer, s’adapter, il ne lui restera bientôt plus qu’à tester… la réservation.

PAS DE CONFLIT DE GENERATIONS ETRE MILLENIALS ET BABY BOOMERS

Gardons aussi présent à l’esprit que les Millénials vieillissent chaque jour d’un jour et que les plus âgés sont des parents, ce qui n’est pas sans conséquence sur le comportement en termes de sorties et sur les repas pris hors domicile. Et les rapproche de la génération d’avant, celle de leurs parents. 

Ne pas voir monter en puissance les Millénials revient à anticiper une fermeture prématurée de son restaurant, et une reconversion dans le secteur des croisières s’impose. De même, tout miser sur cette cible équivaut à se couper du grand réservoir de clientèle de la génération précédente. Gérer la transition est par conséquent une obligation et elle ne peut se faire qu’en s’appuyant sur les piliers communs qui sont propre à séduire les deux sans être un repoussoir pour l’une d’entre elle : proposer exclusivement des produits frais, de saison, locaux et cuisinés sur place, être plus fast au déjeuner et plus casual le soir, intégrer un marketing digital véhiculant à la fois des offres promotionnelles ou de fidélisation (si nécessaire) et une valeur sociale, éthique, humanitaire dont Restaurants Sans Frontières est un bon exemple. En attendant que la génération Z envoie de nouveaux signaux.

 

Par Thierry Poupard RESTAURANT MARKETING www.service-attitude.com 

 

 

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