Rencontré ce jour-là, dans son restaurant Au Bureau mulhousien, au cœur de la ville, Kamel Boulhadid est avec ses lieutenants en train de caler les derniers détails du plan des réouvertures d’une partie de ses restaurants, placés en sommeil depuis plusieurs mois. S’il prend congé rapidement de ses troupes pour m’accueillir, parce que pour lui la ponctualité, comme le respect de l’autre, sont des règles importantes héritées d’un passé militaire, il ne perd rien, du coin de l’œil du théâtre des opérations qui se joue dans son restaurant au même moment autour du recrutement de futurs collaborateurs. Et s’agace même de constater qu’on les fait trop attendre à son goût. « Les collaborateurs, c’est comme des clients qu’on accueille, on est à leur service tout autant qu’ils le seront peut-être au nôtre. Qui plus est, dans une période qu’on dit en tension en matière d’embauche même si je dois reconnaître que la très grande partie de nos équipes nous est restée fidèle, au sortir de la crise », explique-t-il. Une proximité qui vaut aussi pour bon nombre de ses cadres qu’il a fait grandir en même temps que lui, depuis l’ouverture de sa première pizzeria, en 1994. C’était, à l’époque, dans deux garages réhabilités et reconvertis de Saint-Louis (68) il avait 22 ans.
"Un franchiseur n’est pas responsable à 100 % de votre réussite, il faut se battre et aller la chercher. Elle ne se construit pas en une année. Il faut être persévérant, avoir une vision et le respect des autres".
Il faut dire que depuis sa sortie du 8e régiment de parachutistes d’infanterie de marine, ce meneur d’hommes y est allé tambour battant dans ses affaires avec comme fil rouge, toujours, les valeurs de l’armée : le respect, la camaraderie, la loyauté, l’analyse, la stratégie… « Même si mon parcours a été semé d’obstacles comme c’est le cas pour tout chef d’entreprise, ces valeurs m’ont toujours permis de me relever et repartir », explique le quinqua. Sa première victoire est en 1996 avec la conquête de la marque Domino’s après une rencontre déterminante avec les cadres de groupe et notamment Patrick Doyle alors CEO. Mais une conférence de Jim Rohn à laquelle il assiste aux Etats-Unis sera elle aussi déterminante dans son parcours. « J’y ai compris la valeur de l’argent ». Il sera donc le premier à planter le drapeau du groupe américain sur le territoire français et, dans sa région, au milieu des années 90 (il a aujourd’hui des intérêts dans une cinquantaine de Domino’s dont 34 en propre). Dès lors, et avec une volonté carabinée, il va accumuler ses prises dans le périmètre de son groupe qu’il baptise BK en 2001 d’abord à Hésingue puis Mulhouse, Colmar, Haguenau… jusqu’à entrer dans Paris. En 2009, l’homme qui est déjà devenu une référence dans l’univers de la franchise, à travers une enseigne puissante qui lui a tout appris, se voit pourtant refuser les couleurs d’une grande marque de sushi. Qu’à cela ne tienne, il créera la sienne Resto Sushi’s qui compte aujourd’hui 8 adresses. Même s’il les gère avec succès, il n’a pas l’âme d’un franchiseur, dit-il. Ce qu’il apprécie avant tout et surtout, c’est d’être le porte-drapeau de marques fortes et de leur fondateur dont il partage les valeurs.
"On a beau accumuler de l’expérience, étudier le terrain, on doit toujours être prêt à franchir des obstacles. La route d’un entrepreneur n’est jamais dégagée. Il faut savoir encaisser les coups et se relever".
En 2016, Kamel ajoute Starbucks à son tableau de chasse alors que le géant du coffee shop s’ouvre à la franchise (9 établissements aujourd’hui). « Un autre succès et l’apprentissage d’une culture du service tournée vers le client », précise-t-il. S’il tente O’Tacos en 2019 (qu’il ne souhaite pas développer) et qu’il accrochera la même année la griffe Paul avec la reprise de 6 boulangeries et l’ouverture du 1er drive de la marque de boulangerie en septembre 2020 à Saint-Louis, sa grande fierté est d’avoir croisé le chemin d’Olivier Bertrand au milieu des années 2010. Avec lui et son équipe, poursuit-il, il va construire une vraie belle histoire après l’ouverture de son 1er Au Bureau à Mulhouse ou encore son premier Hippopotamus à Mulhouse, aussi. « Ce groupe et ses cadres sont une vraie source d’inspiration, une équipe exceptionnelle au top niveau ». Le 4e Au Bureau a d’ailleurs été inauguré en mai et un 5e est attendu à Cernay, dans les prochains mois. Insatiable, l’ancien militaire veut occuper le terrain et sa nouvelle arme s’appelle Volfoni, l’enseigne de trattoria du groupe Bertrand. La première implantation est programmée à St-Louis, le 21 juin prochain. « Avec un investissement de 1,4 M€ hors foncier, ce sera le premier bâtiment solo de l’enseigne sur 450 m² avec près de 180 places assises avec le patio et une soixantaine en terrasse. Nous y proposerons, comme dans une trattoria italienne, de vraies spécialités transalpines servies à table », explique le patron du groupe BK qui prévoit 2 autres ouvertures à l’enseigne, dès cette année à Mulhouse en juillet et Cernay à l’automne. Dans le viseur, également pour l’an prochain, deux autres pépites du groupe Bertrand : Angelina et Léon dans lesquelles il croit tout autant.
Le 1er Volfoni solo ouvrira le 21 juin prochain à Mulhouse
Si Kamel Boulhadid va de l’avant, sa détermination n’a d’égale que celle de ses équipes, sans qui, dit-il, rien n’est possible et qu’il place au cœur de son dispositif. C’est, d’ailleurs, comme cela qu’il a rebaptisé son groupe d’échanges WhatsApp pendant la crise : « les déterminés ». Une période qui a permis de resserrer un peu plus les liens des 50 personnes du siège comme des équipes opérationnelles, d’améliorer un peu plus les process et les délais de fabrication et, surtout, de renforcer toujours plus le service clients. Alors, quand on lui demande s’il reste optimiste quant à l’avenir de la restauration, l’entrepreneur se fond d’un sourire qui en dit long sur sa vision de demain. « Je pense que la privation de restaurants a fait prendre conscience aux Français à quel point ils tenaient à ces plaisirs de sorties et de lien social ». Alors oui, il croit dur comme fer à un rebond. Et, pour le coup, l’entrepreneur ne manque pas de munitions. Outre ses 8 marques actuelles et les 2 autres à venir, Kamel mûrit aussi un autre projet de grande envergure pour la rentrée.