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#Coronavirus, faut-il ouvrir son établissement de restauration rapide...ou pas ?

22 Mars 2020 - 34850 vue(s)
Depuis notre article publié hier sur le site de snacking.fr qui pose la question notamment du droit aux compensations de l’état lorsqu’on est restaurateur, les réactions ne manquent pas et les interrogations inquiètes qui vont avec. Ouvrir ou ne pas ouvrir… telle est la question. Nous avons interrogé plusieurs avocats spécialisés en droit social et commercial.

On comprend l’émoi suscité par cette nouvelle comme quoi la restauration rapide pourrait sortir du champ des entreprises « sponsorisées » par l’Etat du point de vue de la mise en chômage partiel des salariés. Et quand au remboursement, au report, voire l’exonération des loyers, promis par Emmanuel Macron dans son allocution du lundi 16 mars, là aussi il semble y avoir divergence d’interprétation, du moins du point de vue des foncières immobilières. Qu’en est-il réellement ? A vrai dire, les positions sont mouvantes. Et ce qui semblait vrai et crédible en début de semaine ne l’est plus forcément en fin de semaine.  Difficile donc d’y voir clair, même pour les juristes qui marchent sur des œufs face à des positions changeantes des services de l’Etat. Quoiqu’il en soit, il y a deux aspects à bien distinguer : le droit social d’un côté, et le droit commercial de l’autre.

Chômage partiel, le conseil est-il de rouvrir ?

Au regard de l’afflux de demandes suscité par l’annonce de nos gouvernants comme quoi les entreprises pouvaient recourir au chômage partiel, on assiste à un véritable rétropédalage des services de l’Etat. « Les raisons de pandémie et de confinement ne justifient plus, à elles seules, au jour où l’on parle, de la mise en chômage partiel de ses salariés. C’est d’autant plus vrai pour la restauration rapide autorisée à pratiquer la vente à emporter et la livraison », explique à snacking.fr, Camille Oluski, spécialiste en droit social au cabinet PVB Avocats. Et l’experte de préciser qu’il faut avoir constaté une baisse d’activité ou l’impossibilité de fonctionner par manque de personnel (absent pour garde d’enfants) pour éventuellement rentrer dans les clous. C’est l’absence de ces constats qui ont motivé les premiers refus formulés par l’inspection du travail à l’égard de certaines chaînes qui ont baissé le rideau trop tôt et à qui on pourrait reprocher une forme « d’incivilité économique » (Sic). En résumé, les enseignes qui ont fermé dès l’annonce de confinement risquent de se voir opposer une fin de non-recevoir. Aussi l’avocate conseille-t-elle de rouvrir dès lundi pour être en mesure de constater la réalité de la baisse d’activité nécessitant un ajustement de la masse salariale avant d'envisager la mise au chomage partiel d'une partie du personnel puis la fermeture. Par ailleurs, avec la mise en place des gestes barrières préconisés, et parce que l’activité de VAE et livraison n’est pas interdite, les salariés ne peuvent invoquer le droit de retrait, explique Camille Oluski ou alors il peut leur en coûter la suspension de leur rémunération.

Rouvrir... par forcément ! 

Pour l'avocat Jean-Baptiste de Gouache, si l’administration refuse d’autoriser le dispositif, il est possible que l’intérêt financier de l’enseigne, malgré le confinement (et la chute de la consommation), soit de rouvrir. Dans un tel cas, elle devra prendre les précautions qui s’imposent vis-à-vis de ses salariés (obligation de sécurité) et de sa clientèle (mesures barrières). Si l’enseigne n’est pas en mesure de prendre les précautions qui s’imposent vis-à-vis de ses salariés (obligation de sécurité) et de sa clientèle (mesures barrières), elle devra probablement rester fermée, sauf à voir sa responsabilité en droit du travail, voire pénale, engagée. Toutefois, ajoute l'avocat spécialisé, "la baisse de l’activité s’induit de la mesure réglementaire elle-même : il est aisé aux enseignes de prouver la proportion de CA sur place, à emporter et livré et donc de mesurer l’impact du chiffre d’affaires de la mesure interdisant la vente à consommer sur place. S’agissant de la vente à emporter, le confinement la réduit à presque néant : les chiffres de ceux qui sont restés ouverts devraient à cet égard être partagés largement par la profession pour être produits à l’administration".

En toute hypothèse, explique le juriste, l’état de fermeture n’est pas suffisant pour bénéficier du dispositif. L’administration vérifie que la fermeture soit contrainte par l’un des motifs de l’article R 5122-1 du Code du travail (il est possible qu’elle hésite à considérer l’épidémie comme une circonstance à caractère exceptionnel pour éviter un écroulement de l’économie, ce qui serait une incongruité : le ministre de l’économie et des finances la considère comme un cas de force majeure pour la commande publique et de toute façon ce qui est ici en jeu, ce sont d’abord les mesures interdisant d’une part de se vendre à consommer sur place et d’autre part aux clients de se déplacer librement) .

Pour Jean-Baptiste Gouache, si l’enseigne entend exercer un recours à l’encontre de la décision de refus, et que son recours a des chances d’aboutir, elle a peut-être intérêt à poursuivre la fermeture. Surtout que le décret annoncé devrait « rebattre » les cartes et assouplir les conditions d’accès au dispositif de l’activité partielle. Pour l'avocat, il n'est pas « urgent » de rouvrir, ce d’autant que l’enseigne n’y a aucun intérêt vis-à-vis de son bailleur et de ses fournisseurs !

Et vous ? Pensez-vous à rouvrir votre établissement de restauration ?
Oui, certainement
Non, pas du tout

Questionnaire ajouté le 23 mars 2020

Faut-il payer ses loyers, la réponse semble-être « non »

Si la prise en compte du chômage partiel s’avère un paramètre vital pour la trésorerie des entreprises et leur survie, le report ou l’exonération des charges locatives est tout aussi essentiel. Et, sur ce point, les bailleurs notamment les grandes foncières n’ont pas tardé à exprimer leur point de vue aux enseignes présentes dans leurs centres commerciaux. En rappelant notamment à la restauration rapide qu’elle était autorisée à pratiquer la VAE ou la livraison. En clair que si un report de loyer pouvait être envisagé en mars, avril serait dû comme les mois suivant. « Dès dimanche dernier, nous avons conseillé aux enseignes de restauration que nous accompagnons de suspendre le versement des loyers et de stopper les prélèvements », explique Cécile Peskine, du cabinet Linkea Avocats qui s’est notamment appuyée sur l’allocution télévisuelle du Président de la République indiquant qu’il n’y aurait pas de loyer à payer. Elle fait reposer sa position sur deux notions de droit : le cas de force majeure et le déséquilibre entre droits et obligations des parties. « Lors de la contractualisation, on s’entend sur un loyer, qui prend en considération des projections de chiffre d’affaires et de flux. Celles-ci n’étant plus au rendez-vous, nous considérons que cette réclamation des loyers est déloyale pendant la crise actuelle, les restaurateurs doivent être exonérés".

"L’effort collectif incombe à tous, Bailleurs doivent y contribuer. », Cécile Peskine, Linkea-Avocats.

De son côté, Jean-Baptiste Gouache du cabinet éponyme nous rappelle l’article 1er de l’arrêté du 15 mars (rectifiant celui du 14 mars *) qui comporte la mesure règlementaire de fermeture pour les restaurants et débits de boissons, sauf pour les activités de livraison et de vente à emporter. Ces derniers, qu’ils soient situés en centre commercial ou en centre-ville ne peuvent donc plus servir aucun repas sur place. Ils peuvent en revanche vendre des repas à emporter ou livrés.  « Cet arrêté est un « fait du prince » et constitue un cas de force majeure. La difficulté pour les restaurateurs est que l’activité peut demeurer et être partielle », écrit l’avocat spécialisé qui précise : « La force majeure rend impossible la fourniture d’un local conforme par le bailleur, et l’exploitation de son fonds par le preneur : il est très important de souligner que le fait d’être mis dans l’impossibilité de continuer son activité dans les mêmes conditions qu’auparavant par le fait du Prince est un cas de force majeure ». Les arrêtés des 14, 15 et 16 mars (arrêté-confinement) mettent les restaurateurs dans l’impossibilité de continuer de fonctionner dans les mêmes conditions qu’auparavant, rappelle Jean-Baptiste Gouache. Pour lui, le bailleur ne peut donc contraindre le restaurateur à ouvrir si celui-ci a décidé de ne pas le faire pour d’autres motifs (assurer la sécurité des salariés par exemple). Pour autant ni la pandémie, ni les mesures d’interdiction prises par arrêtés n’empêchent un débiteur d’exécuter son obligation de payer. « Mais ici, c’est une conjugaison de la force majeure et de l’exception d’inexécution qui doit jouer, puisque le bailleur ne peut plus délivrer le local conformément à la destination du bail et garantir la jouissance normale de celui-ci par le restaurateur ». Et l’avocat d’ajouter : « La mesure administrative de fermeture empêche le bailleur d’exécuter son obligation de délivrance au locataire d’un local ouvert au public (ou susceptible d’être ouvert au public) : le locataire ne reçoit pas la contrepartie de son loyer. L’impossibilité absolue d'utiliser la chose louée permet ainsi de suspendre le paiement des loyers sans autorisation du juge ». Et l’avocat de rappeler que la jurisprudence précise toutefois que l’exception d’inexécution doit être proportionnée. Il ne faut pas en déduire que, si la vente à emporter et la livraison demeurent possibles, le preneur obtiendrait la contrepartie de son loyer.  En clair si le centre commercial est fermé, on ne paye rien. S’il est ouvert ou si le restaurant est en centre-ville, un paiement partiel pourrait être envisagé à hauteur de la proportion de l’activité delivery.

Fort de ces constats, le cabinet Gouache avocats a entamé la mise en place d'actions regroupant de nombreuses enseignes de restauration pour faire admettre la force majeure et l’exception d’inexécution aux bailleurs institutionnels. Selon l’avocat, il est nécessaire d’acter sa démarche vis-à-vis des bailleurs, que vous ayez décidé d’ouvrir ou non, ce dont il ne pourra vraisemblablement vous faire grief.

Face à des positions qui ont clairement évolué depuis les premières annonces d’Edouard Philippe, puis d’Emmanuel Macron, il va sans dire qu’un renforcement du confinement avec couvre-feu, seraient de nature à bouger une nouvelle fois le curseur. Ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera pas demain. On peut s’attendre à de sacrés bras de fer juridiques dans les prochaines semaines sitôt les Tribunaux de commerce rouverts. Il y a le feu à la maison et la mobilisation de toute la famille "restauration" est primordiale. Rien ne dit qu'on ne reproche pas demain, à un restaurant ou une brasserie de n'avoir pas mis en place eux aussi, la vente à emporter et la livraison.

Alors il convient de se fédérer et d'agir vite pour faire entendre notre voix !

* L’état du droit résulte :  

-  d’un premier arrêté du 14 mars 2020 publié au JO du 15 mars 2020 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041722917&categorieLien=id

- d’un deuxième arrêté du 15 mars 2020, publié au JO du 16 mars 2020, et complétant le premier arrêté : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041723302&categorieLien=id

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Article mis à jour le 23/03/2020 à 9h30 

Paul Fedèle Rédacteur en chef France Snacking Retrouvez Paul Fedèle sur Linkedin
Commentaires (1)
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Par JEANMARC FIERFORT le 23/03/2020 à 08:22
J ai l impression Que a la fin de ce confinement les petits vont encore être enfumé ainsi que tout les franchisé des grande chaîne qui ont stopper top tôt afin de protéger leur personnel et leur clientèle PS je. Suis livreur pour Uber ça delà semaine dernière 10 euro donc concerne directement Nos gouvernants doivent mettre la main a la poche et c est tout Bonne journée à vous tous
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