FoodTech

#Foodtech : dans les coulisses (et les petits secrets) de Kitchen Club (ex Dark Kitchen)

13 Décembre 2019 - 22006 vue(s)
Si la livraison est en plein boom et aujourd'hui un passage obligé pour de nombreux restaurateurs - et en particulier ceux de la rapide -, Dark Kitchen, appartenant au groupe Panorama (ex Farago), a fait le choix d’ouvrir 5 cuisines entièrement dédiées à cette démarche. Comment fonctionne une cloud kitchen, ce « hub logistique » comme aiment l’appeler certains acteurs ? Pour le savoir, Jean Valfort, l’un de ses cofondateurs, nous a ouvert ses portes. Suivons le guide !

Situé au 100 rue de Saussure à Paris XVIIe, ce lieu de restauration ne ressemble à aucun autre : pas de casquette annonçant l’établissement, pas de menu affiché à l’extérieur ni de stop trottoir, on y entrevoit une cuisine en mouvement où l’inox domine et plusieurs affichages scandent leurs messages : « Notre cuisine chez vous : we source, we prepare, you enjoy ». Vous n’êtes pas invité à y entrer, mais à retirer votre commande via une fenêtre coulissante... Le décor est planté !

  • Dark Kitchen : la devanture du restaurant fantôme situé dans le XVIIe

    Dark Kitchen : la devanture du restaurant fantôme situé dans le XVIIe

  • Préparation des plats et commandes chez Dark Kitchen Paris

    Préparation des plats et commandes chez Dark Kitchen Paris

  • Dark Kitchen : Directeur des opérations, équipier et Jean Valfort

    Dark Kitchen : Directeur des opérations, équipier et Jean Valfort

  • devanture de Dark Kitchen :  Mama Roll, Saint Burger et Braise Braise

    devanture de Dark Kitchen : Mama Roll, Saint Burger et Braise Braise

  • Mama Roll : un produit Dark Kitchen Paris

    Mama Roll : un produit Dark Kitchen Paris

  • Equipement et maintien au chaud des plats Dark Kitchen

    Equipement et maintien au chaud des plats Dark Kitchen

 

Il est 12 heures, les équipes sont en place, et les sept tablettes (UberEats, Deliveroo et Just Eat) annoncent par leurs signaux sonores leurs premières commandes… Nous voilà dans une dark kitchen de 120 m² et la valse des coursiers commence. Des établissements de la sorte, il en existe et il en existera de plus en plus. Fondée en 2018, la startup fondée par le Groupe Panorama (ex Farago) en compte quatre en région Parisienne (XVIIe, XV, Courbevoie, Boulogne Billancourt) et une à Bordeaux lancée à la fin de cet été. A sa tête, Jean Valfort, un entrepreneur avec plusieurs restaurants traditionnels à Paris et à Nice, et Rémi Chabanas, qui a participé au développement d’Uber Eats dans l’hexagone. Quelques mois après son lancement, elle lève 1 m€ afin de porter le déploiement de ce concept encore très nouveau en France. Quand un restaurateur traditionnel se lance dans la livraison avec la ferme ambition de tirer son épingle du jeu... Jean Valfort partage aujourd’hui, avec nous, ses convictions et ses premiers retours d’expériences.

L’obligation de définir un parcours opérationnel dédié à la livraison distinct de l’expérience client au restaurant

« Tout a commencé en 2016 quand les agrégateurs sont arrivés », explique Jean Valfort qui avait reçu une demande de 300 lasagnes à réaliser dans l’un des restaurants du groupe Panorama. Une commande qui ne se refuse pas. Puis, comme de nombreux restaurateurs, il a donc implémenté plusieurs plats sur la plateforme Uber Eats et les commandes se sont envolées, au point de déstabiliser le service en cuisine, en salle et donc l’expérience client. « C’est dans le souci de privilégier le plaisir du consommateur d’aller dans nos restaurants que le projet de Dark Kitchen est né » explique Jean Valfort, et d’insister « Les consommateurs privilégient les adresses offrant l’expérience la plus agréable ». Le problème est crucial, les commandes arrivent souvent en même temps que les clients s’attablent, la valse des coursiers est incessante durant le service, en cuisine, les équipes sont perdues et doivent gérer de nombreuses priorités à la fois, ce qui est source de stress, d’erreurs et d’insatisfactions. Assez vite, et suivant l’exemple de nombreux restaurateurs anglosaxons et américains, le management a pris la décision d’opter pour la livraison mais en dissociant les activités, tout en s’appuyant sur les agrégateurs afin d’assurer la logistique, qui est encore « un autre métier » pour le restaurateur… C’est ainsi que la première « Dark Kitchen » voit le jour dans le XVe arrondissement de Paris avec ses équipements et ses équipes spécifiques dédiés purement à la livraison de nourriture.

Adapter l’offre alimentaire à la comfort food et au cœur de cible de la livraison

Bien des plats des restaurants traditionnels ne sont pas adaptés à la livraison. Le travail à l’assiette ne convient pas à cette fonctionnalité, et surtout, les attentes des cibles sont radicalement différentes. C’est ainsi que Dark Kitchen a développé 3 concepts food pensés exclusivement pour la livraison en adaptant le produit à ses contraintes. Le cœur de cible, majoritairement jeune et âgé de 18 à 34 ans (les fameux millennials), se contente d’un produit fonctionnel, bon, disponible rapidement (moins de 30 minutes) et accessible à moins de 20 € livraison incluse. « Nous savions que le burger, la pizza, la street food empreinte d’évasion, la volaille sous toutes ses formes étaient très attendus par les consommateurs adeptes de la livraison et nous avons radicalement adapté et créé des concepts en relation. ».


Au coeur de la cuisine de Dark Kitchen Paris XVIIe.

Dans une même unité de production, les postes de travail, sont, comme les équipes, évolutifs : friteuses, grill, fours ultra rapides, plancha garantissant un produit standardisé et uniforme, bacs de mises en place, maintien au chaud des produits et fiches de suivi des process et de fabrication régissent la cuisine. Les burgers de Saint-Burger sont réalisés à partir des matières premières des restaurants du groupe afin de favoriser la convergence des cartes, optimiser les achats et limiter le gaspillage alimentaire. Le dressage du burger est adapté à la livraison afin que le produit ne glisse pas et apporte satisfaction au consommateur, les frites proposées peuvent satisfaire une consommation encore croustillante dans les 20 minutes qui suivent leur friture…

Le maintien des produits au chaud avant leur départ en livraison chez Dark Kitchen Paris XVIIe.

Trois marques ont ainsi été élaborées avec leurs produits signature respectifs : « Saint-Burger » avec son pain boulanger et sa viande hachée par le boucher, « Mama Roll » avec son pain pita garni de légumes et de sauces qui invitent à l’évasion et  « Braise-Braise » toute une variation de produits autour du poulet fermier…

Créer des marques attractives avec un fort pouvoir de conviction

L'évasion, le voyage, la stratégie de marque de Mama Roll - marque de Dark Kitchen

Pour réussir ce pari d’émerger aujourd’hui sur un marché de plus en plus encombré, il faut viser l’excellence. Rapidité et fluidité dans la délivrance du produit et du service de livraison, garder le lien avec le consommateur, avoir une excellente réputation sur les plateformes de commandes des agrégateurs qui vous positionnent en tête des recherches en fonction des avis des consommateurs et viser impérativement la note minimale de 4 sur 5. « La bonne performance d’une dark kitchen n’est pas liée qu’au produit mais aussi à l’identité de la marque créée, à ses valeurs intrinsèques tout comme à sa capacité à rassembler le maximum de consommateurs » précise Jean Valfort.

dark kitchen avis braise braise et offre de livraison sur deliveroo

Objectif plus de 4/5 sur les plateformes de livraison : l'exemple de Dark Kitchen chez Deliveroo.

Pour ce faire, et atteindre son objectif de 700 couverts par jour, il n’a pas lésiné sur les moyens : sacs brandés et messages personnalisés pour chaque marque (avec un minimum de 50 000 pour déclencher une commande…), plutôt que ceux proposés par les agrégateurs, packaging éco responsable, limitation des couverts et des manipulations humaines. Et une communication active sur les réseaux sociaux, Instagram en tête, où les consommateurs peuvent ainsi découvrir l’univers et le lifestyle de chaque marque créée. « Notre équipe communication dispose de son directeur marketing qui crée des concepts food innovants en s’appuyant sur les compétences opérationnelles des chefs en restaurant, mais aussi un customer success qui contacte régulièrement les consommateurs afin de connaître leurs attentes. Il s’agit de jobs à temps plein et qui font partie du branding de chaque marque » insiste Jean Valfort. Ce qui sous-entend, évidemment, des collaborations avec des influenceurs, d’autres marques comme la boisson afin de créer des événements porteurs de sens et correspondant aux attentes du cœur de cible. La prochaine étape consistera d’ailleurs à créer l’événement pour la Saint-Valentin. « Mais les événements ne manquent pas et le community management doit être actif durant les pics d’activité que connaissent la livraison : les retours en région parisienne le dimanche soir, les matchs de foot, les jours de ponts, la sortie d’une nouvelle série sur Netflix… », explique Jean Valfort qui démontre, ainsi, la particularité du nouveau segment de la livraison dans le marché de la restauration. Au travers de ces univers, il est aujourd’hui possible pour Dark Kitchen d’investir dans de nouvelles marques : les outils de production sont en place, les packagings (en dehors des sacs) sont prêts et il n’y a plus qu’à rajouter une pastille de couleur, l’entreprise peut donc prendre le risque de créer de nouveaux produits à moindres coûts, bien moins risqués, en tout cas que d’ouvrir un nouveau restaurant…

Investir de nouveaux territoires, l’exemple de Dark Kitchen à Bordeaux

Inaugurée à la fin de l’été, cette « cuisine fantôme » s’est vue propulsée dans un territoire encore relativement vierge et en manque de concepts food innovants afin de séduire un public de Bordelais amateurs de bonne chair et de touristes venus du monde entier. « La Dark Kitchen de Bordeaux enregistre des progressions à deux chiffres et représente le deuxième chiffre d’affaires du groupe en quelques mois ». Là aussi, le choix stratégique de s’installer sur des localisations pas encore prises d’assaut est payante, et il convient, au préalable de bien étudier l’empreinte de la livraison locale et le positionnement des concurrents.

En livraison alimentaire, c’est aussi l’offre qui crée le marché » s’enthousiasme Jean Valfort, cofondateur de Dark Kitchen.

S’appuyer sur les agrégateurs pour établir des partenariats gagnants

Si le sujet de la data est toujours très présent, plusieurs agrégateurs ont désormais  fait le choix d’en partager certaines avec les restaurateurs. Evolution du panier moyen et du chiffre d’affaires, géolocalisation de vos clients, tranche d’âge, habitudes de commandes, horaires préférés, verbatims des clients… Il est désormais possible d’améliorer ses performances et de construire des opérations marketing avec ces « nouveaux » partenaires. Tout l’enjeu consiste à améliorer les performances et d’être attractif sur tous les instants de consommation. Etablir une offre pour un événement sportif, installer un nouveau moment de consommation comme l’apéro, s'effectue avec les agrégateurs afin que votre offre soit valorisée… « Nous sommes dans une expérience nouvelle avec encore peu d’antériorité, qui va très vite et où tous les champs des possibles doivent être exploités et maîtrisés. En cas de déception, la sanction du consommateur est immédiate » confirme Jean Valfort.

A mon avis

Sortir le restaurant de la cuisine, est-ce une nouvelle réponse pour expliquer le succès de ces cuisines fantômes ? Les cuisines fantômes deviendront la norme pour les chaînes à plusieurs unités. Certains le font par nécessité, comme McDonald’s qui vient d’ouvrir en novembre à Londres sa première dark kitchen afin de fluidifier son service en restaurant. D’autres le font par conviction, comme Dark Kitchen le prouve si bien, à la condition, cependant, d’aller chercher régulièrement le consommateur avec des offres et des marques optimisées pour la livraison et adaptées aux comportements d’achats des consommateurs. Nul doute, cependant, que les commandes hors établissement devraient stimuler la majorité de la croissance des ventes des restaurants au cours de la prochaine décennie. Nous devrons donc connaître une explosion des marques de livraison à la condition de créer des concepts forts et oser de nouvelles expériences pour la restauration traditionnelle, tout comme en snacking. Le succès de Pokawa sur la commande en ligne en est un bon exemple. D’autant que les outils technologiques de la cuisine fantôme de demain ne ressembleront pas à ceux indispensables à la gestion des restaurants d'aujourd'hui. Et pour toutes ces bonnes raisons, c'est un bonus.

Merci de votre soutien et de votre fidélité ! Il s’agit de notre dernier article foodtech de l’année. Nous vous souhaitons d’excellentes fêtes de fin d’année en cette période difficile pour le business et nous nous réjouissons de vous retrouver en 2020 !

#JaimeMonResto

#InSnackingWeTrust !

Pascal Perriot Web Manager Suivez Pascal Perriot sur @perriot_pascal
Commentaires (1)
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Par Franck.B le 20/12/2019 à 22:42
Analyse très intéressante, le futur se joue maintenant. Merci.
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