2021 marque une renaissance pour la foodtech Européenne selon Matthieu Vincent, DigitalFoodLab
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2021, une renaissance pour la foodtech européenne, selon Matthieu Vincent, DigitalFoodLab

23 Avril 2021 - 7259 vue(s)
Malgré la pandémie, l’année 2020 aura été une année exceptionnelle pour la foodtech européenne qui réalise une année record avec un niveau de deals de 2,7 milliards d’€. Les perspectives pour 2021 laissent entrevoir une rupture et une nouvelle répartition des investissements malgré un niveau identique à celui de 2020, selon les prévisions de DigitalFoodLab qui scrute les mouvements de la foodtech mondiale depuis 2016. Nous recevons Matthieu Vincent, son cofondateur, dont l’étude « La FoodTech en Europe en 2021 » vient de paraître. Il nous éclaire sur la manière dont nous nous alimenterons dans les prochaines années voire décennies. Une chance pour la restauration rapide, non ?

Si les investissements attendus pour 2021 dans la foodtech européenne restent à un niveau très élevé malgré la pandémie, le seul point noir à regretter est la comparaison de l'Europe face au reste du monde. En effet, si l'Europe se maintient au niveau de 2020 (comme nous l’avions examiné dans notre précédent article), à l'échelle mondiale, les investissements ont continué à augmenter de manière plus importante (+ 28 %). L'Europe ne représente plus que 12 % des montants totaux investis dans la FoodTech, les États-Unis caracolent en tête avec environ la moitié des investissements à eux seuls, suivis de l'Asie (notamment la Chine et l'Inde)…

Repères et chiffres clés issus de l’étude « La foodtech en Europe en 2021 » par DigitalFoodLab (avril 2021) :

  • 7 milliards d’euros : le montant des investissements dans les startups FoodTech européennes en 2020. Le même montant qu'en 2019 ;

  • + 178 %: l’augmentation des investissements dans les startups de protéines alternatives (agriculture cellulaire et plant-based) ;

  • 290 M€ : le plus gros investissement de 2020, dans Karma Kitchen, une cloud kitchen britannique basée à Londres ;

  • 1 milliard d’€: la plus grosse acquisition de 2020, le montant payé par Dr Oetker pour acquérir Flaschenpost ;

  • 2 nouvelles licornes (startups valorisées plus de 1 Md€) en Europe: Gousto (meal kits) et Oatly (lait végétal réalisé à partir d’avoine en Suède) ;

  • 94 % des investissements en 2020 ont été réalisés dans cinq hubs : le Royaume-Uni, la France, les pays nordiques, la région DACH (Allemagne, Autriche & Suisse) et le Benelux.

Selon votre étude, la foodtech européenne fait sa révolution en 2021. Comment expliquez-vous cette transition ?

Après des années de forte croissance, les investissements sur la livraison diminuent, d’ailleurs les plateformes sont désormais cotées en bourse montrant ainsi une certaine maturité de leur business model. En effet, on observe un basculement majeur de la livraison de plats de restaurants par les agrégateurs vers la livraison de courses avec de nouveaux modèles (dark stores, livraison par des indépendants, etc.). Ces nouveaux modèles et partenariats, notamment avec la GMS, montrent combien le marché est disrupté par la pandémie et comment ces plateformes de livraison ont été contraintes de revoir leur business model et leur logistique, permettant, en même temps de considérablement augmenter le panier moyen et d’écraser le coût du dernier kilomètre. Les consommateurs sont en recherche de convenience et de sécurité mais aussi d’une consommation plus juste. Si bien que les investissements se sont concentrés et se concentrent toujours vers de nouveaux modèles que la crise a permis de révéler, comme la forte demande des protéines alternatives (fermentation, protéines végétales, agriculture cellulaire). 2020 a changé la vision des investisseurs : la food et la foodtech en particulier sont devenues glamour Manger et bien se nourrir n’a jamais été aussi important que pendant la crise pandémique et a ouvert les portes d’une nouvelle conscience.

Vous identifiez notamment une nouvelle génération de leaders. On y trouve des startups qui lèvent des sommes considérables très tôt dans leur histoire. Selon vous, ces startups seront-elles les nouveaux champions de demain ?

La troisième génération de startups européennes est très différente des précédentes et est beaucoup plus diversifiée, alors que pour les 2 premières, la livraison de plats de restaurant composait la grande majorité des investissements. Si la livraison alimentaire est toujours un sujet majeur, sa diversification, en intégrant les courses est nouvelle et marque un véritable tournant. De nouvelles catégories telles que les protéines alternatives, les cloud kitchens et la robotique entrent en scène cette année, ce que la crise a révélé. Les startups lèvent plus d’argent et plus tôt dans leur stratégie de déploiement : les séries A géantes de Karma Kitchen et Gorillas en sont la preuve. Cela démontre une plus grande confiance des investisseurs dans l'avenir des entreprises sur lesquelles ils parient et fondent de réels espoirs. Les nouveaux projets qui trouveront leur rentabilité sur le long terme peuvent ainsi recevoir un financement massif dès l’ouverture de leur projet à la condition de voir grand et d’avoir une mission et apporter une autre vision de la manière de s’alimenter. C’est une nouveauté bienvenue pour l’écosystème européen qui se doit d’assurer son positionnement à la pointe de l’innovation dans la compétition mondiale où la concurrence est bien présente. En dehors de l’Europe, aux US et en Asie, les marchés sont plus faciles d’accès grâce à leur taille et aux réseaux de distribution mieux développés, plus centralisés et donc plus facilement accessibles rapidement. N’oublions pas qu’il s’agit aussi d’une sacrée course contre le temps lorsqu’il s’agit de lancer une innovation de rupture !

Starship Technologies, start-up fondée en 2014 en Estonie et désormais basée au Royaume Uni après avoir conquis les US en premier. La société développe de petits robots de livraison. Ils sont présents sur de nombreux campus américains, en partenariat avec de grandes entreprises (Sodexo, PepsiCo) et ont réalisé leur millionième livraison en 2020. Verrons-nous bientôt ces robots dans les rues de nos mégapoles ? Pas avant 5 ans selon Matthieu Vincent car le marché européen n’est pas encore prêt à pouvoir les accueillir et le marché doit encore être évangélisé et nos rues praticables.

Comment expliquez-vous l’engouement et la confiance des investisseurs vers les dark kitchens quand on voit la levée record de Karma Kitchens ? 

Fondée en 2018, Karma Kitchen est une cloud kitchen qui a levé 290 M€, ce qui est effectivement une grosse somme. Ceci dit, cette levée est à envisager selon un autre angle que celui de la finance. Son modèle économique, est totalement nouveau puisqu’elle investit dans des projets immobiliers d’envergure (chaque cuisine fait plus de 700 m²). Installée à Londres, elle trouve, aménage, puis loue des cuisines à des restaurants virtuels (100 % virtuels ou des restaurants utilisant les plateformes de livraison) à la journée, à la semaine et au mois et va jusqu’à accompagner ses locataires dans le développement de leurs projets marketing mais aussi opérationnels et technologiques comme pourrait le faire en France Deliveroo Editions. C’est totalement nouveau alors que pour le modèle des dark kitchens françaises, les extensions se font via la location et plus récemment via la franchise. La proposition de valeur n’est pas la même. Son réseau de cloud kitchens est un symbole de la rapidité avec laquelle l'écosystème a réussi à transformer la crise de la COVID en réelle opportunité en venant en aide aux consommateurs et en faisant entrer le restaurant à la maison durant leur fermeture et au bon moment.

2020 a changé la vision des investisseurs : la food et la foodtech en particulier sont devenues glamour" Matthieu Vincent, DigitalFoodLab.

Justement, d’après vous, entre courses, meal kits, plats digitalisés livrés par des dark kitchens, la livraison alimentaire va-t-elle connaître le même engouement à la réouverture des restaurants ?

Chaque jour qui passe en confinement & en couvre-feu est la faveur du digital et nous a fait gagner 4 années d’acquisition client que ce soit en retail et pour le foodservice en général. Ces nouvelles habitudes digitales sont entrées désormais dans l’usage des consommateurs qui y trouvent leur intérêt pour leur côté pratique et la préservation de leur santé. Certains usages subsisteront à la réouverture des restaurants. 2020 a vu le “renouveau” des meal kits. Après quelques années de doute, la pandémie a montré que certaines entreprises (comme Gousto, La Belle Vie et HelloFresh) étaient prêtes, enfin, à combiner croissance et rentabilité, elles ont même démontré une formidable agilité en réalisant en 3 mois de pandémie le chiffre d’affaires de l’année antérieure. En même temps, Ricard, Nutella, Cristalline enregistrent des croissances record pendant la même période, démontrant, ainsi une formidable résistance au changement et prouvant que de nombreux consommateurs sont à conquérir ! Alors, même avec la réouverture des restaurants dans lesquels les consommateurs vont se rendre dès que les conditions sanitaires le permettront, nul doute que même s’il y a un fléchissement de la demande, elle sera toujours très forte et il n’y aura pas de retour en arrière possible. D’autant que de nombreux parcours vont être digitalisés en restauration également de manière à répondre aux nouveaux standards de consommation que l’on retrouve en retail. L’expérience au restaurant devra donc être beaucoup plus poussée qu’elle ne l’était dans le monde d’avant…

Dans votre rapport, vous évoquez la forte croissance (+ 178 %) des protéines alternatives plant-based et de l’agriculture cellulaire. Allons-nous voir ces évolutions pour bientôt dans nos offres street food en France ?

Premièrement, cette poussée a été tirée par un nombre limité de startups telles que Oatly (200 M $ US levés), Mosa Meat ou The Meatless Farm, nous devons donc attendre les données de 2021 pour confirmer cette tendance. Cependant, les premières informations et résultats du premier trimestre montrent que l'investissement est toujours important et qu'il ne s'agissait pas simplement d'un feu de paille. Cette croissance est vraiment un autre exemple du retard qui peut être observé entre ce qui se passe aux États-Unis et en Europe. La création de start-up et les investissements dans des protéines alternatives, comme dans de nombreuses autres sous-catégories de l'écosystème FoodTech, ont souvent un délai de 2 à 4 ans avant d’éclore sur le vieux continent. De plus, la pandémie a quelque peu contribué à confirmer à la fois la nécessité d'un système alimentaire plus résilient et le désir de protéines alternatives des consommateurs. Dans cette période de transition alimentaire qui s’opère il est évident que si McDonald’s et Burger King servaient leur burgers végétaux, c’est tout le marché du foodservice qui basculerait en même temps.

Des tests ont lieu actuellement dans les pays nordiques (Suède et Danemark) où McDonald’s installe son burger P.L.T. (plant, lettuce and tomato) en partenariat avec Beyond Meat d'après une recette originale développée de concert. Le lobbying de la viande est encore très puissant en France. Même si les flexitariens gagnent du terrain d’année en année, la transition végétale se fera obligatoirement par un aliment qui a le goût et l’aspect d’une viande animale et via la "fake meat".

Et vous, Matthieu, comment cette crise a-t-elle bousculé votre propre alimentation ?

Comme beaucoup de Français j’ai le plaisir de cuisiner plusieurs fois par jour et de préparer des produits de plus en plus frais, produits localement et de saison, ce que le télétravail favorise considérablement. Mais c’est aussi une charge mentale supplémentaire et beaucoup de temps à y consacrer. J’attends avec impatience la réouverture des restaurants pour y retrouver la convivialité qui me manque, y manger de bonnes viandes et poissons que je ne consomme pas tous les jours puisque je respecte une alimentation principalement végétarienne. J’espère aussi y trouver de vrais plats exotiques car les voyages me manquent terriblement !

 

Qui est DigitalFoodLab ?

Créé en 2016, DigitalFoodLab est un cabinet européen de conseil en stratégie et conceptualisation des aliments. Il accompagne les entreprises du secteur de l’agroalimentaire et des boissons à atteindre une croissance durable et supérieure en agissant sur les meilleures opportunités d'innovation. Compte tenu de la hausse démographique mondiale, la mission de Digital FoodLab est d’aider les acteurs de la foodtech à produire plus vite et mieux et faire connaître leurs innovations.

Pascal Perriot Web Manager Suivez Pascal Perriot sur @perriot_pascal
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